Un tiers des micro-entrepreneurs est aussi salarié, une pluriactivité pleinement assumée
Emploi. Près d’un micro-entrepreneur sur trois cumule son activité avec un emploi salarié selon les données de l’Insee. Pascal Ferron, président de Walter France, réseau de cabinets d’expertise comptable, d’audit et de conseil, et fondateur du site dédié aux auto-entrepreneurs MonEntrepriZ, analyse cette tendance de fond.

Les micro‑entrepreneurs (précédemment appelés auto‑entrepreneurs) bénéficient d’un régime fiscal particulier : leurs formalités comptables et fiscales sont en effet simplifiées. Selon le dernier rapport de l’Insee, ce régime, qui s’applique depuis 2018 aux entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes n’excède pas un certain seuil, en fonction de la nature de l’activité, rassemblait en 2021 quelque 1,2 million d’entreprises dans les secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers.
Autre enseignement de cette enquête : en 2022, près d’un micro-entrepreneur sur trois cumulait son activité avec un emploi salarié. Pour Pascal Ferron, président de Walter France, réseau de cabinets d’expertise comptable, d’audit et de conseil, et fondateur du site dédié aux auto-entrepreneurs MonEntrepriZ, ce chiffre révèle une tendance de fond. À savoir : le développement d’une nouvelle forme d’emploi hybride, à la frontière du salariat et de l’entrepreneuriat.
Un phénomène en forte progression
Ainsi, 30,8 % des micro-entrepreneurs non agricoles sont pluriactifs, contre 9,4 % chez les non-salariés classiques. Parmi eux, près de neuf sur 10 ont un emploi salarié principal, leur activité non salariée n’étant que complémentaire.
Si ce phénomène touche tous les secteurs, il est particulièrement marqué dans :
- l’enseignement où 45 % des micro-entrepreneurs sont pluriactifs ;
- les arts et spectacles ;
- l’information et la communication ;
- les activités de santé non réglementées (sophrologie, diététique, etc.) ;
- le conseil en gestion.
À l’opposé, la pluriactivité est quasiment absente dans les professions réglementées comme les activités juridiques, médicales ou vétérinaires.
Un complément de revenu
Contrairement aux idées reçues, il est loin le temps où l’auto-entrepreneuriat était synonyme de pis-aller et de précarité. Ce statut juridique est totalement rentré dans les normes de l’entrepreneuriat. Ceux dont c’est l’activité principale peuvent gagner parfaitement bien leur vie.
Mais effectivement, un grand nombre d’auto-entrepreneurs ont une pluriactivité, et ce choix est généralement complètement assumé. Il peut aussi s’agir d’étudiants qui cherchent à arrondir leurs fins de mois, de retraités qui souhaitent un complément de retraite ou qui veulent rentabiliser un hobby ou une passion. Ce statut est également très prisé par les indépendants qui veulent tester une activité.
Le rapport de l’Insee indique que le revenu moyen tiré de l’activité non salariée ne représente que 15 % du revenu global des micro-entrepreneurs pluriactifs. Cela suggère que pour beaucoup, cette activité reste marginale ou ponctuelle. À titre de comparaison, cette part est de 49 % chez les non-salariés classiques pluriactifs.
Une souplesse très appréciée
Les données sectorielles sont révélatrices d’importants écarts de situation :
- dans les arts et spectacles, la moitié des pluriactifs tirent moins de 10 % de leurs revenus de l’auto-entrepreneuriat ;
- dans la santé, à l’inverse, près de 44 % des pluriactifs perçoivent une majorité de leurs revenus de leur activité non salariée ;
- dans les services aux entreprises (conseil, ingénierie), les micro-entrepreneurs pluriactifs sont nombreux, mais la part du revenu non salarié reste minoritaire.
Cette hétérogénéité rend quasiment impossible une analyse statistique pertinente, la diversité des situations et des revenus étant le propre du statut d’auto-entrepreneur. C’est justement cette souplesse qui le rend attractif.
Les points de vigilance de la double activité
Cumuler deux activités implique des enjeux spécifiques sur les plans administratif, juridique, fiscal et social :
- cotisations sociales : complexité du calcul en fonction de l’activité principale, risques de cotisation à des régimes inadaptés ;
- déclaration des revenus : vigilance sur les obligations fiscales, notamment en cas de dépassement des seuils ;
- temps de travail : gestion des risques liés à la surcharge, à la fatigue ou au non-respect du droit du travail (notamment chez les salariés à temps plein) ;
- droits à la retraite : dispersion des cotisations et difficulté à optimiser les droits futurs.
Attention donc, car la pluriactivité exige une vigilance accrue en matière de gestion.
Stratégie de transition… ou équilibre durable ?
La pluriactivité peut aussi représenter une phase de transition intelligente vers un changement de statut professionnel. Nombreux sont les micro-entrepreneurs qui lancent leur activité en parallèle d’un emploi salarié avant de basculer à plein temps dans l’indépendance. Cela permet de tester un modèle économique, de se constituer une première clientèle, de créer une trésorerie de sécurité et de monter en compétences.
Pour certains, ce statut peut devenir pérenne. Mais pour d’autres, un pilotage stratégique est indispensable pour identifier, à un moment donné, l’intérêt de conserver ce statut ou d’en changer : évolution du chiffre d’affaires, projection de revenu à moyen terme, arbitrage sur le statut juridique.
« La pluriactivité est une des facettes du micro-entrepreneuriat rendu accessible à beaucoup par la simplicité de mise en œuvre du statut », précise Pascal Ferron. Avant de conclure : « Elle impose une approche rigoureuse et prévoyante, et les auto-entrepreneurs doivent se faire accompagner pour sécuriser leur parcours, mieux piloter leur activité et construire leur avenir professionnel. »