Vaccination élargie, aides débloquées : l’État muscle sa réponse à la DNC, sans convaincre les éleveurs
Agriculture. En Occitanie, près de 500 000 bovins sont désormais concernés par la vaccination contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Malgré la mobilisation de jusqu’à 900 000 doses à terme et l’annonce de plus de 10 M€ d’aides de l’État, complétés par 300 K€ de la Région, les éleveurs dénoncent une réponse toujours trop faible face à des abattages qui se poursuivent et des exploitations au bord de la rupture.
Face à la progression de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et à une mobilisation agricole sous haute tension en Occitanie, le gouvernement a annoncé, le 16 décembre, une inflexion majeure de sa stratégie sanitaire. Au cœur du dispositif : l’extension de la zone de vaccination, une campagne accélérée visant plusieurs centaines de milliers de bovins, et un plan de soutien financier inédit.
Une zone de vaccination largement étendue
Jusqu’ici circonscrite aux départements directement touchés par des foyers, la vaccination est désormais généralisée à l’ensemble des territoires concernés par l’épizootie et au cordon sanitaire mis en place dans le Sud-Ouest. Sont ainsi intégrés au dispositif les départements de l’Ariège, de l’Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Orientales, auxquels s’ajoutent le Gers, l’Hérault, les Landes, les Pyrénées-Atlantiques et le Tarn.
L’annonce du gouvernement va donc plus loin que les revendications formulées par l’intersyndicale composée des Jeunes Agriculteurs de Haute-Garonne, de la FDSEA, de la Confédération paysanne et de la Coordination rurale qui réclamait l’intégration du Tarn et de l’Hérault dans le dispositif.
Objectif affiché par l’exécutif : empêcher toute nouvelle propagation du virus et sécuriser durablement le premier cheptel bovin d’Europe. Les préfets auront la charge de piloter des plans départementaux de vaccination, avec, si nécessaire, la mise en place de « task force » dédiées pour accélérer les opérations sur le terrain. Pascal Sanjuan, actuellement en poste au ministère de l’Intérieur, doit être nommé préfet en charge de coordonner les actions sur le terrain. « Il sera chargé d’assurer un monitoring quotidien des plans départementaux de vaccination accélérée et de rendre compte régulièrement de la stratégie vaccinale », détaille Matignon dans un communiqué.
Jusqu’à 750 000 bovins à vacciner
Cette campagne exceptionnelle doit permettre de vacciner 750 000 bovins dans le Sud-Ouest. En Occitanie, les huit départements concernés concentrent à eux seuls près de 500 000 têtes de bétail. À noter que les 1 000 exploitations de l’Ariège seront intégralement vaccinées d’ici au 31 décembre. Une annonce loin d’être anodine : la chambre d’agriculture de l’Ariège avait réclamé la vaccination depuis deux mois et reçu une fin de non-recevoir. Ce territoire a aussi cristallisé les tensions après le déploiement de forces de l’ordre dans une exploitation touchée. Une action condamnée par l’intersyndicale, symbole selon elle d’une gestion de crise vécue comme brutale.
Pour tenir les délais, l’État mobilise largement : vétérinaires volontaires venus de toute la France, vétérinaires militaires, élèves des écoles vétérinaires, en appui des services de l’État. Côté logistique, 500 000 doses sont déjà en cours d’acheminement vers les cabinets vétérinaires, tandis qu’une nouvelle commande de 400 000 doses, conditionnée aux Pays-Bas, doit être livrée dès le 18 décembre grâce à l’appui des armées et de la sécurité civile. « De nouvelles doses seront gardées en réserve afin d’assurer une disponibilité immédiate en cas d’extension de l’épizootie », précise l’exécutif.
Un plan de soutien de plus de 10 M€
Parallèlement à la vaccination, le gouvernement active un fonds de soutien de plus de 10 M€ destiné à sécuriser en priorité les petits élevages touchés. Ce dispositif s’ajoute aux indemnisations déjà prévues en cas d’abattage sanitaire (indemnisation au prix du marché, désinfection des exploitations, compensation des pertes d’exploitation, accompagnement psychologique), désormais défiscalisées et désocialisées afin de restaurer rapidement la trésorerie des exploitations.
Pour accompagner la recapitalisation des cheptels, des indemnisations par tête sont prévues : 1 125 € pour les femelles jusqu’à 24 mois, 2 100 € pour les femelles plus âgées. Par ailleurs, pour assurer l’avenir de leur activité, les petits élevages bénéficieront en priorité de l’accès à des animaux sélectionnés, notamment « des génisses à haute valeur génétique, afin de permettre une reconstitution rapide et pérenne des troupeaux ».
En complément, la Région Occitanie a voté, le 12 décembre dernier, une aide exceptionnelle de 300 000 €. Cette enveloppe vise à éviter la disparition d’exploitations fragilisées par les abattages imposés et à soutenir les éleveurs dans la durée. « Ce sont des vies entières qui sont bouleversées », a rappelé sa présidente Carole Delga, appelant l’État à maintenir un dialogue constant avec la profession.
S’agissant de ces aides d’urgence, pour Luc Mesbah, secrétaire général de la FDSEA 31, « elles ne sont pas assez conséquentes ». Et de développer :
Pour vous donner un exemple, le troupeau de Bordes-sur-Arize (09), c’est 500 K€. Potentiellement, un éleveur a, à lui seul, déjà consommé l’enveloppe régionale. Donc concrètement, à l’échelle des huit départements occitans, on ne fait rien avec 10 M€. D’autant que la maladie évolue et qu’il faut rajouter les Landes et les Pyrénées-Atlantiques dans l’équation. »
Des contraintes renforcées
Cette stratégie vaccinale s’accompagne de mesures de contrôle strictes. Dans l’ensemble des départements concernés, les déplacements de bovins sont interdits. Les contrôles de police et de gendarmerie sont renforcés pour garantir le respect de ces règles, avec des sanctions dissuasives : jusqu’à 750 € d’amende par bovin transporté illégalement, assorties de poursuites pénales.
L’exécutif en appelle à la « responsabilité collective », estimant qu’un relâchement ferait peser un risque majeur sur l’ensemble de la filière bovine française et ses 16 millions de bovins.
Export : des discussions avec l’Espagne
Dernier enjeu clé pour les éleveurs : les débouchés commerciaux. Après avoir obtenu des accords avec l’Italie et la Suisse sur l’export de bovins vaccinés, sous conditions strictes, la France a engagé des discussions avec l’Espagne afin d’ouvrir de nouvelles perspectives à l’export. Des échanges sont également en cours avec la Commission européenne pour sécuriser la reconnaissance de la stratégie vaccinale française et préserver la fluidité des échanges au sein du marché intérieur.
Si ces différentes annonces marquent une avancée attendue de longue date par la profession, elles n’ont pas encore totalement apaisé la colère sur le terrain. En Occitanie, les syndicats agricoles restent mobilisés, dénonçant « un dépeuplement massif et aveugle » des troupeaux. Pour le co-président des JA 31, Pierre Pintat, « il faut laisser le temps à la vaccination d’agir. Une fois celle-ci effectuée, l’abattage doit devenir sélectif. Aujourd’hui, continuer à dépeupler alors que les bêtes sont vaccinées est absurde ».
Position partagée par Luc Mesbah :
Ce que nous disons, c’est que lorsqu’un cas se déclare dans un troupeau, nous sommes prêts à abattre les animaux frappés par la maladie. Il faut ensuite vacciner immédiatement les bêtes qui ne sont pas touchées. Et mettre les exploitations sous cloche. C’est-à-dire que l’éleveur ne se déplace pas, idem pour ses animaux. Il se désinfecte, personne ne pénètre sur l’exploitation. Tout ça nous sommes prêts à le faire. Mais l’abattage systématique, c’est non ! »
Alors qu’hier, mercredi 17 décembre, de nombreux points de blocage persistaient dans la région comme dans le centre-ville de Muret, le secrétaire général de la FDSEA31 assure que la mobilisation va s’amplifier. « Si nous n’avons pas de réponse à la hauteur de nos attentes, nous sommes prêts à durcir le mouvement. » Mais dans un signe d’apaisement, à l’approche des vacances, le syndicaliste tient à rassurer : « nous respecterons les Français pendant la période de Noël. On les laissera passer les fêtes tranquilles, d’autant que nous sommes nous aussi fatigués. » Mais de promettre : « nous donnons rendez-vous au gouvernement en janvier, si rien ne change. »