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ZFE à Toulouse : les véhicules Crit’air 3 vont finalement pouvoir continuer à rouler

Environnement. La nouvelle a été annoncée le 10 juillet par le président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc, quelques heures seulement après avoir remis à l’exécutif son rapport sur les ZFE, fort de 25 propositions « pour allier transition écologique et justice sociale ».

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Photo de Jean-Luc Moudenc
Jean-Luc Moudenc a présenté à la presse locale le rapport sur les ZFE, dont il a été l’un des coordinateurs. Fort de 25 propositions, le rapport a été remis à l’exécutif le 10 juillet. (Crédit : La Gazette du Midi)

On respire mieux dans la métropole toulousaine. C’est en tout cas ce que les mesures de contrôle de qualité de l’air réalisées ces dernières années révèlent et c’est une bonne nouvelle. Surtout pour les propriétaires de véhicule Crit’air 3 (diesel avant 2011 et essence avant 2006) qui vont finalement pouvoir continuer à circuler dans la zone à faible émission (ZFE) de Toulouse Métropole en 2024 et au-delà… enfin pour le moment.

L’annonce a été faite par Jean-Luc Moudenc le 10 juillet au soir, quelques heures seulement après avoir remis en main propre son rapport sur la ZFE à Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et à son ministre délégué Clément Beaune.

Ce rapport de 25 propositions est le fruit d’un travail de concertation de six mois entre les 43 agglomérations concernées par le déploiement d’ici 2025 de ces zones de restriction décidées dans le cadre de la loi Climat en 2021, des représentants locaux et nationaux du secteur économique, principalement du transport et de la logistique, ainsi que des acteurs du monde associatif. Parmi ces préconisations visant à rendre ce dispositif socialement plus supportable et ainsi éviter une nouvelle crise des gilets jaunes :

  • Rendre éligibles aux aides de l’État les habitants et les usagers des territoires voisins impactés par la mise en place d’une ZFE, au même titre que ceux habitant sur les territoires de mise en oeuvre d’une ZFE.
  • Doubler les aides de l’État, notamment la prime à la conversion, et les compléter par des aides proposées par les territoires.
  • Instaurer, avec l’intercommunalité comme pilote, un guichet unique dans le territoire en charge de la mise en oeuvre de la ZFE pour permettre un accompagnement de proximité et simplifier les démarches pour les citoyens.
  • Étendre et garantir le prêt à taux zéro et ajuster le microcrédit afin de rendre quasi systématique l’avance des aides par un organisme financier ou un tiers.
  • Renforcer les alternatives de mobilité, y compris dans les territoires périurbains.
  • Financer massivement les mobilités durables, notamment en déplafonnant les versements mobilité.
  • Proposer une autorisation de circulation jusqu’en 2030 pour les véhicules Crit’Air 0, Crit’Air 1 et Crit’Air 2 pour les poids lourds et les véhicules utilitaires légers.
  • Soutenir l’achat d’occasion, au rétrofit et au leasing social
  • Harmonisation des dérogations pour les acteurs économiques, notamment la logistique et autorisation des Crit’Air 0,1 et 2 jusqu’en 2030.
  • Instaurer des dérogations « petit-rouleur ».
  • Faire évoluer la vignette Crit’Air afin que soit prise en compte la réalité des polluants atmosphériques et pas uniquement l’âge du véhicule.

Éviter un mouvement type Gilets jaunes

Et si Jean-Luc Moudenc s’est dit satisfait des échanges avec les ministres, qui sur de nombreux points « ont donné leur accord de principe », reste maintenant à savoir si cela débouchera sur des avancées concrètes, car on le sait en politique il y a les paroles et puis il y a les actes.

Mais dans ce dossier épineux des ZFE, l’exécutif a semble-t-il entendu les in - quiétudes soulevées par les différentes parties prenantes avec un premier assouplissement des règles. En effet, si les propriétaires toulousains de véhicules Crit’air 3 ont obtenu un sursis c’est que le gouvernement a annoncé une mise en oeuvre des ZFE adaptée au niveau local en fonction de la qualité de l’air.

Une demande de longue date des élus locaux. Ainsi, une agglomération qui au cours des trois dernières années, ou à trois reprises lors des cinq dernières années, est en dessous des seuils réglementaires en vigueur, n’est pas obligée d’activer les interdictions. À Toulouse, cela vaut uniquement pour les Crit’air 3, qui représentent 16% du parc roulant de la métropole, soit plus de 44 000 véhicules. L’interdiction des Crit’Air 4 et 5 (diesel de janvier 1997 à décembre 2005) est, elle, définitive.

« Dans ce cas de figure, les agglomérations sont désormais des territoires dits « de vigilances ». Pour celles dans lesquelles une ZFE existe, elles n’ont pas l’obligation de renforcer les restrictions actuelles, comme ici à Toulouse, détaille le maire de la Ville rose. Pour celles n’ayant pas encore mis en place de règles, leur seule obligation sera d’interdire, avant le 1er janvier 2025, la circulation des véhicules immatriculé avant 1997. A contrario, les villes dépassant régulièrement les seuils de pollution seront des territoires « ZFE ». Aujourd’hui au nombre de cinq (Paris, Lyon Marseille, Strasbourg et Rouen), elles sont dans l’obligation de mettre en place dès à présent l’ensemble des restrictions. »

« Continuer à faire vivre la ZFE »

Pour autant, Jean-Luc Moudenc prévient : « Nous avons une ZFE et nous allons continuer à la faire vivre ! » Contrairement aux opposants à ce dispositif, dont les élus FN se sont fait les porte-paroles à l’Assemblée et dans les médias, le président Toulouse Métropole assure y avoir toujours été favorable, conscient des enjeux en termes de transition écologique, mais aussi et d’abord de santé publique.

« Aujourd’hui, la pollution atmosphérique est responsable de 47 000 morts par an en moyenne. Autre chiffre, moins cité mais tout aussi significatif : les Français perdent en moyenne deux ans d’espérance de vie à cause du fait de cette pollution. Pour ces raisons-là, nous avons toujours adhéré au principe de la ZFE. Et puis c’est important de rappeler qu’elles existent depuis plus de 20 ans dans beaucoup de pays européens. Actuellement, il y en aurait près de 315 dans 14 pays avec des résultats probants. »

Pour poursuivre le renouvellement du parc automobile sur le territoire, le président de Toulouse Métropole souhaite poursuivre et accroître l’attribution des aides financières. Mises en place en anticipation dès octobre2020, « nous allons les maintenir intégralement ».

« Nous avons investi près de 5,7 M€ dans la mise en oeuvre de la ZFE. En 2020, nous avons distribué un peu plus de 14 000 € de primes, en 2021 le chiffre grimpe à 630 000€ et à 849 000€ en 2022. Sur les quatre premiers mois de 2023, nous sommes déjà à plus 817 000 €. » Et parce que toutes ces aides accordées finissent par peser sur l’équilibre financier des collectivités, les élus des agglomérations concernées ont demandé un geste de l’État.

Là encore, l’optimisme est de mise. « La première ministre a annoncé ces jours-ci des crédits supplémentaires à hauteur de 7Mds€ pour la mobilité. Et les ministres présents lors de la remise du rapport nous ont dit qu’une partie serait justement dédiée aux ZFE », révèle Jean-Luc Moudenc. Reste à savoir combien ?

Vers un déplafonnement des versements mobilité ?

Parmi les 25 propositions présentées dans le rapport ZFE remis aux ministres le 10 juillet, figure le déplafonnement des versements mobilité. Concrètement cette proposition vise à taxer davantage les entreprises pour financer les transports du quotidien. Comme de nombreuses autres agglomérations, Toulouse perçoit un versement mobilité qui se situe au plafond autorisé par la loi.

Aujourd’hui, cette loi dit que tout établissement public, ou entreprise de plus de 11 salariés, est assujetti au versement mobilité à hauteur du taux voté par l’autorité organisatrice des transports avec un maximum de 2 % de la masse salariale, excepté pour la région parisienne où il peut aller jusqu’à 2,9%. Jean-Luc Moudenc et d’autres élus locaux souhaitent faire évoluer la législation.

Objectif ? Percevoir des recettes nouvelles et supplémentaires devenues aujourd’hui indispensables pour les collectivités qui cherchent à développer leur offre de transports en commun. Selon le co-rapporteur du groupe de travail, « les ministres se sont dits favorables à ce déplafonnement, mais pour l’heure rien n’est acté ». Mais qu’en pensent les principales concernées, à savoir les entreprises ?

Pour le Medef, ce déplafonnement ne peut se faire que sous certaines conditions – entendez contreparties – comme par exemple pouvoir siéger dans les instances des autorités régulatrices, ici, à Toulouse, Tisséo. « La principale contrepartie, c’est que le produit serait affecté au financement de la ligne C du métro. Autrement dit, affecté à des marchés publics bénéficiant à des entreprises. Ce serait du circuit court ! Par ailleurs, nous sommes depuis longtemps ouverts à l’idée que la CCI, une institution publique, participe aux décisions de Tisséo », a affirmé le président de Toulouse Métropole.