Hommes et chiffres

2022, année de résilience pour l’économie haut-garonnaise

Conjoncture. Inflation, hausse des coûts de l’énergie, remboursement des PGE… L’année 2022 a-t-elle été une année noire pour les entreprises du département ? Le président de la CCI Toulouse Haute-Garonne, Patrick Piedrafita, dresse le bilan économique et les perspectives pour 2023.

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Photo de Patrick Piedrafita
Patrick Piedrafita, président de la CCI Toulouse Haute-Garonne. (Crédit : DR)

Quel bilan général peut-on dresser de l’année écoulée ?

Le bilan général de nos entreprises en 2022 permet globalement de mesurer la poursuite et l’accélération de la reprise de notre économie deux ans après la crise de la Covid-19.

Après le coup d’arrêt de la dynamique départementale en 2020 avec un très net repli des chiffres d’affaires et un rebond en 2021, 2022 impose une importante dynamique de +9,0 % sur un rythme supérieur aux prévisions initiales. Nos principaux moteurs départementaux sont à nouveau actifs.

Fait important, la progression d’activité est généralisée, sur l’ensemble du département, dans tous les secteurs d’activité et pour toutes les tailles d’entreprises. Le rattrapage est globalement quasi-atteint.

Quels sont les secteurs qui ont tiré leur épingle du jeu ? A contrario, lesquels se retrouvent en difficulté ?

L’impulsion vient essentiellement de deux secteurs, qui sont les principaux leviers départementaux et dont la croissance se renforce : les services et l’industrie. Les deux autres secteurs, le commerce et le BTP immobilier progressent mais sur un rythme modéré par rapport à 2021.

En 2022, la résilience de notre économie apporte la nécessaire confiance aux entreprises pour renforcer les embauches en progression de +3,3 %. Les indicateurs financiers de rentabilité sont globalement préservés dans l’industrie et les services qui se distinguent sur cet aspect du commerce et du BTP-immobilier.

Si la plupart des entreprises témoignent d’une santé financière saine (71 %), les difficultés de trésorerie s’accentuent (22%) dans un contexte de marges encore resserrées (36 %).

Face à l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières, le gouvernement a mis en place des aides. La CCI a-t-elle accompagné certains de ses ressortissants ?

Face à la complexité des dispositifs d’aides mis en place par l’État pour répondre à la crise énergétique, notre mission première a été de les faire connaître et comprendre aux entreprises. Aussi, une opération de phoning a été réalisée auprès des PME industrielles pour informer et expliquer.

Afin d’aider les entreprises avant qu’il ne soit trop tard, le réseau des CCI a aussi mis en place un numéro unique national (0805 484 484) pour répondre aux questions de l’ensemble des entreprises auquel s’ajoute une cellule de crise territoriale pour les questions de niveaux 2 et un guide recensant toutes les aides disponibles sur notre site internet www.toulouse.cci.fr.

Nous avons également lancé des campagnes de communication concernant la sobriété énergétique et les écogestes pour les commerces de proximité.

La CCI Toulouse Haute-Garonne propose également des « flashs diagnostics énergie » pour aider les entreprises à réduire leur consommation d’énergie.

Fer de lance de l’économie régionale, le secteur de l’aéronautique a connu un rebond d’activité en 2021. Qu’en est-il en 2022 ?

La reprise d’activité s’est instaurée progressivement courant 2021, avec une augmentation de +5,2 % des chiffres d’affaires.

Et cette année, la filière affiche un bilan 2022 en accélération grâce à la remontée des cadences, se traduisant par une croissance plus que doublée de +12,1 % sur un an.

La forte mobilisation de la chaîne d’approvisionnement a permis de relancer l’appareil productif dans un contexte de tensions multiples côté offre, au premier rang desquelles, la disponibilité et le prix des approvisionnements nécessaires mais également les difficultés de recrutement.

Globalement pour la filière, cette reprise d’activité a permis une amélioration des indicateurs financiers.

Et côté création d’emplois ?

En ce qui concerne l’emploi, l’aéronautique a été très impactée par deux années de contraction des effectifs. La Haute-Garonne sort de cette mauvaise séquence : 2022 acte la fin des suppressions de postes pour la filière aéronautique par une reprise des embauches sur un rythme de +2,3% annuel.

La confiance des acteurs aéronautiques s’est encore nettement redressée, les carnets de commandes reconstitués permettront de consolider encore les niveaux de rentabilité retrouvée. Néanmoins, certains acteurs demeurent fragilisés.

25 % témoignent de difficulté de trésorerie, 43 % de marges resserrées. Les TPE et PME sont confrontées aux pénuries, à l’inflation et en parallèle aux remboursements de PGE limitant leurs capacités d’investissement notamment pour la digitalisation en transformation de l’appareil de production et qui permettra d’accroître les livraisons.

En résumé, après une année 2021 de transition, l’enjeu de la supply chain était de renouer avec les performances passées. Challenge en partie réussi et à poursuivre pour retrouver les niveaux d’activité à l’horizon 2024/2025.

Gilets jaunes, crise sanitaire, augmentation des achats en ligne… sans parler des difficultés récentes rencontrées par de nombreux magasins de prêt-à-porter, comment se comportent les commerces ?

Dans un contexte où les ménages souffrent de l’érosion de leur pouvoir d’achat affecté par l’inflation, dans notre enquête, le secteur du commerce, bien qu’en décélération, parvient en 2022 à conserver une croissance positive.

Face aux incertitudes conjoncturelles et aux obligations de remboursement des PGE, la confiance des commerçants en l’avenir de leur secteur chute lourdement, pour atteindre son plus bas niveau sur les dix dernières années. Côté emploi, le secteur n’a pas généré de créations nettes de postes.

Ne pouvant répercuter qu’une partie de la hausse des prix de biens intermédiaires et de matières premières sur leurs prix de vente les commerçants voient leurs marges se réduire, leur rentabilité diminuer et leurs trésoreries dégradées.

L’économie haut-garonnaise a-telle été impactée par la guerre en Ukraine ?

L’économie haut-garonnaise a été impactée au même titre que notre économie nationale. Les entreprises craignaient particulièrement la hausse des prix de l’énergie et celle du prix de matières premières ou fournitures livrées. Craintes réalisées puisque nous connaissons une inflation généralisée.

Au niveau local, par nos spécificités aéronautiques et spatiales, des difficultés d’approvisionnement ont perturbé certains acteurs industriels notamment, par manque de titane, de composants électroniques et de moyens de transport pour l’industrie spatiale.

La Haute-Garonne est marquée par de nettes disparités économiques. Comment se porte le sud du département, historiquement moins dynamique ?

Après un redressement vigoureux dès 2021, la dynamique s’est encore renforcée en 2022, imposant un rythme de +7,8 % des chiffres d’affaires dans le Comminges.

L’apport industriel, mais également la contribution du BTP-immobilier, soutiennent particulièrement cette trajectoire. Le ralentissement à +4,3 % prévu pour 2023 amoindrira ces deux principales composantes, notamment le BTP-immobilier qui conserverait au mieux son niveau d’activité. Les services ne participeraient que très marginalement à la croissance.

Après une importante phase de rattrapage immédiate en 2021 qui avait rapidement effacé les destructions d’emplois, les recrutements se poursuivent à un rythme moins soutenu que sur le reste du département, +0,7 % puis +1,3 % en 2023. Le recrutement de certains profils s’avère plus difficile que sur la grande agglomération plus attractive.

Si 58 % des chefs d’entreprise sont confiants pour l’avenir de leur entreprise, seulement un tiers reste optimiste pour leur secteur d’activité en raison des fortes dégradations de marge et de profitabilité.

Enfin, quelles sont les perspectives pour 2023 ? Et sur quoi faudra-t-il être vigilant ?

Malgré les contraintes cumulées auxquelles les entreprises sont exposées, inflation généralisée, pénuries en matières premières, manque de main-d’oeuvre, les investissements réalisés et le socle de confiance permettent de se projeter en 2023.

La question porte désormais sur l’impact du ralentissement général pressenti sur les entreprises de notre territoire et de leur capacité à encaisser de nouvelles perturbations.

« Pour 2023, les chefs d’entreprise tablent sur un tassement de la progression du CA à +5,0 % »

Les prévisions des chefs d’entreprise tablent aujourd’hui globalement sur un tassement de la progression des chiffres d’affaires estimée toutefois à +5,0 % qui permettra à notre économie départementale de poursuivre sur une trajectoire favorable et un retour envisagé à la normale des niveaux d’activité à fin 2023.

En regardant plus finement, selon les prévisions dressées par les chefs d’entreprise, tous les secteurs d’activité s’inscriraient en décélération, notamment les plus dynamiques en 2022.

Cette croissance, certes plus modérée soutiendrait une nouvelle hausse des effectifs salariés à hauteur de +4,1% sur un rythme plus élevé que celui de 2022 et s’exerçant notamment au sein des entreprises de plus de 20 salariés des services et de l’industrie.

Les intentions d’embauches se renforcent sur un volume d’emplois important. En résumé de cette vision prospective, la bonne tenue, certes contrainte, du développement économique permettra aux entreprises de consolider leur activité et l’emploi.