Hommes et chiffres

En Occitanie, 16,8% de la population vit sous le seuil de pauvreté

La pauvreté gagne du terrain en Occitanie. Selon les données publiées par l’Insee en octobre 2023 - à partir de chiffres de 2020 - elle concerne désormais 16,8% de sa population. Ce chiffre fait d’elle la quatrième région de France métropolitaine la plus pauvre, juste derrière la Corse, les Hauts-de-France et PACA. Les jeunes et les familles monoparentales sont les plus touchés.

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Photo de la place du Capitole
L’Insee a publié le 3 octobre 2023 son panorama régional de la pauvreté en France, à partir de données de 2020. Est considérée comme « pauvre » une personne seule vivant avec moins de 1 120 € par mois (soit environ 20% de moins que le Smic) et avec 2 350 € pour un couple avec deux enfants. En Occitanie, 16,8% des personnes vivent en dessous de ce seuil de pauvreté (contre 14,4% en France), soit 461 000 ménages. (©Gazette du Midi)

En 2018, le second gouvernement d’Édouard Philippe lançait sa« Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ». Six ans plus tard, c’est dans un contexte de forte inflation et de baisse du pouvoir d’achat des Français que l’exécutif a présenté le 18 septembre 2023 son nouveau plan de lutte contre la pauvreté.

Très attendu, ce « Pacte des solidarités 2023-2027 » regroupe plus de 25 mesures concrètes, réunies en quatre axes prioritaires  : prévention de la pauvreté dès l’enfance, retour à l’emploi, lutte contre la grande exclusion et actions pour une transition écologique solidaire. Pour les mettre en œuvre, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé « une augmentation de 50 % des crédits dédiés à la lutte contre la pauvreté par rapport à la stratégie précédente », soit un budget total estimé entre 13 et 20 Mds€.

L’Occitanie, 4e région la pauvre de France

Qualifié « d’ambitieux » par le gouvernement, ce plan n’a pas convaincu tout le monde, notamment les associations de lutte contre la précarité. Si ces dernières saluent volontiers des mesures qui « vont dans le bon sens », elles les jugent « largement insuffisantes » au regard de l’urgence de la situation.

En effet, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la France compte déjà 15 % de pauvres, ce qui représente plus de 9 millions de personnes. En Occitanie, 16,8 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 60 % du niveau de vie médian de la population. Ce chiffre fait d’elle la quatrième région de France métropolitaine la plus pauvre, juste derrière la Corse (18,3 %), les Hauts-de-France (17,2 %) et PACA (17 %). C’est 14,4 % à l’échelle du pays.

Mais que veut dire être pauvre en Occitanie ? Qui sont ces personnes qui vivent dans une très grande précarité ? Avec quel argent vivent-elles ? Tous les départements sont-ils concernés ? Dans son panorama de la pauvreté en Occitanie publié le 3 octobre dernier - à partir de données de 2020 - l’Insee dresse un état des lieux, chiffres à l’appui.

Population pauvre, modeste et aisée

Et cela commence par savoir exactement de quoi on parle. Est considérée comme pauvre une personne seule vivant avec moins de 1 120 € par mois (20 % de moins que le SMIC), 1 600 € pour un couple sans enfant et 2 350 € pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.

Ainsi, 14,4 % des personnes en France métropolitaine sont pauvres, contre 16,8 % dans la région Occitanie. Cela représente 461 000 ménages. Au-dessus de ce seuil de pauvreté, les personnes dites « modestes » représentent dans l’Hexagone plus d’un quart de la population, une proportion plus faible que dans la région (27,6 %).

En haut de l’échelle des niveaux de vie, 9,7 % de la population est qualifiée « d’aisée ». En Occitanie, cette proportion s’établit à 7,4 %.

Les jeunes et les familles monoparentales en première ligne

Étudiants, travailleurs, diplômés… La pauvreté n’épargne pas les jeunes, notamment ceux qui ont quitté le domicile familial. Plus qu’aucune autre, cette génération est exposée à des situations croissantes de précarité.

En Occitanie, le taux de pauvreté atteint 27,2 % pour la population âgée de moins de 30 ans, contre 12,6 % pour les plus de 75 ans ou plus. Ils vivent principalement dans la métropole de Toulouse et plus au sud, dans le Sicoval.

Indépendamment de l’âge, certaines catégories de ménages sont plus susceptibles de survivre avec un revenu inférieur au SMIC. Les familles monoparentales sont les plus affectées. Dans la métropole toulousaine, un enfant sur quatre vit dans une famille monoparentale tandis qu’un enfant sur sept a un ou des parents sans emploi. Et bien sûr ce sont les femmes qui se retrouvent en première ligne, celles-ci étant plus fréquemment concernées que les hommes par la monoparentalité ou par de faibles revenus.

L’Occitanie est d’ailleurs la deuxième région de France métropolitaine après les Hauts-de-France pour le taux de pauvreté des familles monoparentales et les jeunes de moins de 30 ans. Après les familles monoparentales, les personnes vivant seules, femme (22 %) ou homme (24 %), sont les plus concernés par la pauvreté, devant les couples avec enfants (15 %) et ceux sans enfant (8 %).

De très fortes disparités territoriales

Si d’une région à une autre, on observe des disparités immenses, c’est aussi le cas d’un département à l’autre, d’une ville à l’autre. En Occitanie, ce sont les territoires de l’ex région Languedoc-Roussillon qui sont le plus durement touchés. Du fait de leur taux de pauvreté, les Pyrénées-Orientales (20,7 %), l’Aude (20 %), le Gard (19,4 %) et l’Hérault (18,7 %) figurent même parmi les sept départements métropolitains les plus pauvres.

En ex-Midi-Pyrénées, les deux départements les plus touchés par la pauvreté sont l’Ariège (17,9 %) et le Tarn-et-Garonne (16,3 %). Dans le 82, plus de 20 % de la population vit avec moins de 1 120 € par mois dans trois intercommunalités : le Quercy Rouergue et des Gorges de l’Aveyron, le Pays de Serres en Quercy et les Terres des Confluences.

En Occitanie, seuls l’Aveyron (14 %) et la Haute-Garonne (13,3 %) s’en sortent bien et affichent un taux inférieur à celui de la France métropolitaine. Dans le 31, les territoires les plus pauvres sont le Comminges (18 %), les Pyrénées Haut-Garonnaises (16 %) et Toulouse Métropole (15,9 %).

Les mécanismes de redistribution atténuent la pauvreté

Enfin, toujours dans son panorama de la pauvreté, l’Insee relève que les prestations sociales sont la première composante des revenus des ménages pauvres. En 2020, l’Occitanie se situait au deuxième rang des régions de France métropolitaine pour la part d’allocataires d’un minima social (AAH, ASS, RSA…) au sein de la population des 15 à 64 ans.

S’ils ne résolvent pas tous, ces mécanismes de redistribution permettent de « réduire de manière significative la pauvreté » (moins 8 points de pourcentage). En effet, « avant la prise en compte dans le revenu des ménages des prestations sociales perçues et des impôts directs payés, c’est-à-dire avant redistribution, 25 % des ménages d’Occitanie pourraient être considérés comme pauvres », précise l’institut.

Des causes multifactorielles

Et parce que la pauvreté n’est pas seulement monétaire, l’Insee a étudié d’autres formes de difficultés sociales qui renforcent la pauvreté dans les territoires. Parmi elles, l’insertion sur le marché du travail, la formation initiale, la mobilité ou encore l’accès aux soins et aux services publics.

Autre facteur aggravant : le logement. Et là aussi l’Occitanie fait partie des mauvais élèves, notamment en matière de suroccupation des résidences principales. Selon l’Insee, un logement est considéré comme suroccupé à partir du moment où il manque « au moins une pièce par rapport à la norme d’occupation normale » (par exemple un salon pour la famille, une chambre par enfant qui a plus de sept ans, etc.). Dans la métropole montpelliéraine, cela représente 7 % des logements, contre 4,7 % pour Toulouse Métropole.

Autre point noir, le logement social, et plus précisément le fossé entre l’offre et la demande. L’institut dénombre en moyenne 4,4 demandes pour une attribution sur l’aire toulousaine. Ce chiffre grimpe à 13,2 sur l’intercommunalité du Pays de Lunel. Enfin, pour les plus modestes, cet accès au logement est également freiné par les loyers trop élevés proposés dans le parc locatif privé.