Femmes entrepreneures : briser le plafond de verre
Réseau. Chaque année, Les Premières Occitanie accompagnent près de 80 porteuses de projets sur le territoire. Un engagement essentiel à l’heure où seulement 12 % de femmes dirigent une entreprise dite innovante, alors même qu’elles représentent 52 % de la population en France. Rencontre avec Marie-Laure Cambus, responsable de l’accompagnement à Toulouse.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Marie-Laure Cambus : « Depuis 2020, je suis responsable de l’accompagnement auprès des Premières Occitanie à Toulouse. Je suis ingénieur agronome de formation. J’ai longtemps travaillé pour des associations de protection de l’environnement avant de m’orienter dans le milieu de l’entrepreneuriat féminin où les valeurs sont finalement assez similaires. Lorsqu’elles entreprennent, les femmes portent en effet souvent des projets à impact avec cette ambition de prendre soin de l’Homme et de la planète. »
Quelle est l’histoire de cet incubateur et sa vocation ?
Marie-Laure Cambus : « Aujourd’hui en France, 34% des chefs d’entreprise sont des femmes alors que l’on représente 52% de la population et le pourcentage tombe à 12 % dans les sociétés innovantes. Si depuis quelques années la situation s’améliore, il y a 15 ans les cheffes d’entreprise étaient encore moins présentes dans les statistiques. Et c’était encore pire dans le milieu de la tech. Voilà pourquoi à cette époque, un collectif de femmes a décidé de se regrouper et d’accompagner les femmes dans la création et le développement d’entreprises innovantes et créatrices d’emplois. Parmi elles, Frédérique Clavel et Élisabeth Kimmerlin. Elles ont ainsi créé en 2003 Les Pionnières, une structure qui a par la suite évolué pour devenir un réseau national connu aujourd’hui sous le nom Les Premières. Nous sommes présentes dans toutes les régions de France, y compris les Outre-mer. Les Premières Occitanie comptent deux antennes, une ici à Toulouse à La Cité et une autre à Montpellier. »
Cet accompagnement est-il destiné exclusivement aux femmes ?
Marie-Laure Cambus : « Cet incubateur a été créé par des femmes entrepreneures pour accompagner de futures cheffes d’entreprise. Nous aidons aussi des groupes mixtes, mais si la société compte plusieurs fondateurs, il faut que la femme soit l’associée majoritaire. Et dans le cas d’un binôme où c’est du 50/50, on s’assure qu’elle est totalement impliquée dans les prises de décisions stratégiques. Il ne faut pas qu’elle serve de faire valoir ou de prétexte pour pouvoir bénéficier de notre accompagnement qui est gratuit. »
Concrètement, quel type d’accompagnement proposez-vous à ces femmes entrepreneures ?
Marie-Laure Cambus : « Si les femmes sont aussi peu présentes dans l’entrepreneuriat c’est qu’elles se posent mille questions avant même de se lancer : est-ce je suis faite pour entreprendre ? Est-ce compatible avec vie de famille ? Est-ce que j’ai les compétences ? Si ces doutes existent aussi chez les hommes, ils sont encore plus présents chez les femmes. Voilà pourquoi le premier des quatre programmes que nous proposons se déroule sur deux jours. Baptisé Start, il permet de tester sa posture d’entrepreneur et son projet. Un temps d’échanges important car, pour beaucoup, c’est la première fois qu’elles présentent à l’oral leur projet. L’idée est vraiment qu’elles prennent confiance. Le module Go se déroule, lui, sur six mois. Ici l’objectif est de leur donner toutes les clés pour créer une entreprise engagée mais pas seulement. On les aide également à s’affranchir de leur genre. Une étape majeure pour pouvoir se construire une identité d’entrepreneur. C’est aussi l’occasion d’intégrer une promotion d’entrepreneuses. Le collectif est une force car cela permet de confronter et de partager ses expériences, ses idées, ses doutes… L’opportunité aussi de se créer un réseau. Le troisième programme Play, est un programme post création pour accompagner les femmes dans la phase de lancement de leur activité. Enfin, le module Boost a pour but d’accompagner des cheffes d’entreprise qui ont déjà lancé leur activité et qui malgré un vrai potentiel n’arrivent pas à la développer, soit en termes de ressources humaines, de structuration financière… »
Combien de porteuses de projet accompagnez-vous chaque année ? Et quels sont les profils ?
Marie-Laure Cambus : « Chaque année, Les Premières Occitanie accompagnent en moyenne 80 porteuses de projets, dont une soixantaine à Toulouse. Depuis 2020 et le début de la crise du Covid, beaucoup de femmes ont fait le choix de faire une pause dans leur carrière, voire d’en changer. Globalement, nous accompagnons des femmes âgées entre 34 et 45 ans, qui ont déjà eu de grandes responsabilités dans leur vie professionnelle. Certaines ont fait des burn-out, d’autres ne trouvent plus de sens à leur métier… Toutes veulent mettre leurs compétences et leur énergie au service d’une cause avec pour beaucoup, l’envie d’avoir un impact positif sur la planète et la société. Aujourd’hui, la quête de sens au travail est devenue essentielle. »
Quid des projets portés ?
Marie-Laure Cambus : « Chez Les Premières, nous avons trois piliers : les femmes, la création d’emploi et enfin l’innovation. Pour le reste, nous accompagnons aussi bien des projets en BtoB qu’en BtoC, tous secteurs confondus. De la deeptech avec par exemple la jeune pousse Akanthas cofondée par Viviana Contreras Moreno, qui propose une solution digitale basée sur l’intelligence artificielle pour une gestion optimisée des déchets des professionnels, en passant par le marché de l’industrie textile avec le Mouton Givré. Cette marque, lancée par Cinthia Born et Élodie Madebos, vend des sacs isothermes écologiques, biodégradables et made in France. Notre mission, c’est de les aider à trouver LE facteur différenciant qui fera la singularité, et donc potentiellement la réussite, de leurs projets. »
Qui compose l’équipe des Premières Occitanie ?
Marie-Laure Cambus : « L’équipe est composée de bénévoles qui sont très impliquées, à l’image de notre présidente Élisabeth Kimmerlin, notamment pour aller chercher de nouveaux partenariats et des ressources financières supplémentaires. En tant que responsable de l’accompagnement, je coordonne les programmes et je fais le lien entre les entrepreneures et les équipes d’experts qui interviennent en freelance, soit en ateliers collectifs et/ou en coaching individuel. Tous ont bien sûr un parcours d’entrepreneurs. Une soixantaine d’intervenants gravitent autour des Premières. »
Justement, comment êtes vous financés ?
Marie-Laure Cambus : « L’incubateur est financé par des partenaires publics que sont la Région Occitanie, Bpifrance, Toulouse Métropole, Montpellier Métropole et la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE). Nous pouvons aussi compter sur le soutien de partenaires privés : AG2R La Mondiale, BNP Paribas, Caisse d’Épargne et Schneider Electric. »
Enfin, que souhaitez-vous dire à toutes celles qui hésiteraient encore à sauter le pas de l’entrepreneuriat ?
Marie-Laure Cambus : « Que c’est une belle aventure humaine à vivre et surtout, qu’elles n’ont rien à perdre à entreprendre. Même si certaines voient leur projet ne pas perdurer dans le temps, ce n’est pas grave car le potentiel de réembauche est hyper fort. Toutes retrouvent un emploi dans les trois mois et souvent sur des postes très valorisés car elles ont acquis une vision à 360° de l’entreprise. Elles ont gagné en compétences et en expériences. Après, je conseille à toutes ces femmes d’être accompagnées. Entreprendre seule c’est souvent se poser mille questions au risque de tourner en rond. C’est important de se sentir soutenu, de se challenger à d’autres personnes, de s’ouvrir à de nouvelles compétences… cela permet d’avancer plus vite et surtout dans la bonne direction ! Depuis la création des Premières Occitanie en 2017, le taux de réalisation tourne autour des 60%. Depuis 2020, ce pourcentage tend à atteindre les 75 %, grâce notamment à une meilleure sélection des dossiers de candidatures. »