Hommes et chiffres

Clinique Pasteur : l’innovation comme vecteur de croissance

Interview. Directeur général de l’établissement de santé privé depuis 2011, Dominique Pon a rejoint en début d’année Docaposte, la branche numérique du Groupe La Poste. C’est Loïc Lagarde, un Ariégeois de 40 ans, qui lui succède. Rencontre.

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Photo de la clinique Pasteur à Toulouse
La clinique Pasteur à Toulouse est l’un des quatre établissements qui utilisent déjà les solutions développées par Kaduceo (©Arnaud Spani).

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Loïc Lagarde : « Le 3 avril dernier, j’ai succédé à Dominique Pon comme directeur de la clinique Pasteur. Ariégeois de naissance, je suis monté à Paris après le bac pour poursuivre des études d’ingénieur. Par la suite, j’ai eu la chance de travailler dans plusieurs pays, principalement aux États-Unis dans le secteur du conseil en stratégie pour des gouvernements ou de grandes entreprises comme Google. Fort de ces années d’expérience dans la tech, j’ai eu envie d’appliquer ce que j’avais appris au marché français, surtout en termes de modèles managériaux. J’étais persuadé qu’il y avait une opportunité entrepreneuriale à saisir. Après un retour à Paris en 2014, j’ai eu la chance de rejoindre deux amis pharmaciens toulousains, pour développer une plateforme d’e-commerce : la parapharmacie en ligne santediscount.com. D’une vingtaine de salariés, nous sommes passés à 300 et nous avons multiplié le chiffre d’affaires par 25, faisant ainsi de la plateforme le premier site de vente en ligne de parapharmacie en France. Ces huit années m’ont permis de continuer à développer mes compétences dans le secteur du numérique mais aussi m’ont fait découvrir le milieu de la santé. L’opportunité de rejoindre la clinique Pasteur s’est ensuite présentée. Je n’ai pas vraiment hésité car c’est une société ambitieuse où il y a une forte volonté d’entreprendre. »

Par qui avez-vous été nommé ? Et pour quels objectifs ?
Loïc Lagarde : « La clinique Pasteur a cette particularité d’être dirigée par des médecins associés regroupés dans un conseil d’administration. Un mode de gouvernance qui assure une indépendance qui n’existe pas forcément dans d’autres cliniques de même taille. Ce sont eux qui m’ont nommé, et ce sont eux qui s’assurent de la pérennité de l’établissement. Quant à mon objectif, il est très simple : conserver l’unicité de ce modèle en s’adaptant à un monde de la santé en perpétuel évolution. Avec toujours cette même stratégie tournée vers l’innovation au service du parcours de soins du patient.

Photo de Loïc Lagarde
Loïc Lagarde (Crédit : LA GAZETTE DU MIDI)

Votre parcours atypique et votre manque d’expérience dans des établissements de santé ont suscité des interrogations, voire ont soulevé quelques inquiétudes. Les comprenez-vous ?
Loïc Lagarde : « Oui, je le comprends tout à fait. Voilà pourquoi je suis dans une phase d’apprentissage. Ces premières semaines sont surtout des semaines de terrain. L’idée est vraiment d’aller à la rencontre des gens et d’écouter. Ma nomination montre la volonté du conseil d’administration de porter de nouvelles ambitions et de se challenger avec un regard extérieur. Le mien. Parce que, qu’on le veuille ou non, le secteur de la santé est en pleine mutation et que pour le préserver, et aussi le faire évoluer, il faut parfois quelqu’un hors du sérail. Mon profil, qui montre quand même cette sensibilité et cette appétence pour le parcours patient, pourra aider la clinique à se projeter dans les cinq, dix prochaines années. La vacance de poste de plusieurs mois à démontrer que le personnel de la clinique pouvait très bien se débrouiller sans moi, donc ma valeur ajoutée, c’est vraiment de réfléchir aux enjeux de demain plus que sur la réalité du quotidien. Celle-ci étant déjà assurée par les équipes de soins dont la réputation n’est plus à faire. »

Que répondez-vous à ceux qui pensent , et votre nomination va sûrement leur donner du grain à moudre, que pour les cliniques le business passe avant la santé ?
Loïc Lagarde : « C’est une jolie histoire que les gens aiment se raconter (sourire). Pour beaucoup, malheureusement, tout est toujours tout blanc ou tout noir. C’est bien sûr une vision très caricaturale et j’invite d’ailleurs ceux qui la partagent à venir ici. À passer ne serait-ce que 24 heures auprès du personnel soignant qui travaille et accompagne les patients au quotidien. Une implication sans faille qui fait fi du clivage privé/public. C’est un débat qui, franchement, n’a pas lieu d’être. Après, j’assume totalement le fait que la clinique Pasteur soit une entreprise, au sens noble du terme. Ce qui m’intéresse, c’est la capacité d’innovation et d’entreprendre que ce modèle permet. Et je pense vraiment qu’un établissement comme Pasteur l’a démontré avec succès au travers de son histoire. En 2018, Dominique Pon avait d’ailleurs été nommé responsable de la transformation numérique en santé par l’État pour lancer les chantiers du plan « Ma santé 2022 ». »

Vous parliez un peu plutôt du travail des équipes soignantes, combien sont-elles ? Pour quelle capacité d’accueil ?
Loïc Lagarde : « Porté historiquement par des médecins en cardiologie autour d’un modèle d’excellence médicale, l’établissement compte aujourd’hui près de 40 spécialités (huit spécialités chirurgicales, 25 spécialités médicales ainsi que sept spécialités de prises en charge spécifiques) et 1150 salariés. En termes de volume, Pasteur est désormais la deuxième clinique de France avec 70 000 patients accueillis en 2022. Nous avons 393 lits d’hospitalisation. Et si cette dernière donnée reste importante, il faut tout de même la mettre en perspective. Pourquoi ? Parce que depuis plusieurs années, nous avons pris le virage de la prise en charge ambulatoire avec aujourd’hui 92 places. Une stratégie ancrée dans l’air du temps et aussi dans la volonté de réduire les durées de séjour pour le bien des patients, et aussi pour les comptes de la Sécurité sociale. »

Quels sont vos projets et vos ambitions pour la clinique Pasteur ?
Loïc Lagarde : « Comme dans toute entreprise, il y a une logique de pérennité. Je m’inscris dans la lignée de Dominique Pon qui a su, à la fois, faire croître et sécuriser le modèle de fonctionnement de Pasteur. Parmi les gros chantiers en cours et à venir, le schéma directeur immobilier. Il suffit de regarder par la fenêtre de mon bureau pour constater l’étendue des travaux qui sont en cours sur la clinique. Un projet immobilier ambitieux, surtout pour une structure installée en centre-ville, avec la création d’un pôle de consultation. Des milliers de m2 sont en train de sortir du sol sur le site et aussi en dehors, notamment à proximité du Zénith avec des bâtiments techniques et logistiques. En parallèle, notre objectif est aussi de continuer à développer nos offres de soins sur l’ensemble du territoire en matière d’hospitalisation à domicile ou encore de soins infirmiers mais pas seulement. Grâce aux consultations avancées à Revel et Auterive. Toujours dans cette optique d’accessibilité aux soins, nous travaillons aussi au développement de la télé-expertise et de la télé-consultation. »

Ce développement de la e-santé peut faire peur. Quid de la relation patient médecin ?
Loïc Lagarde : « Le premier des enjeux, c’est l’accessibilité des soins et à certaines expertises au plus proche de là où les gens habitent. Après, la technique doit rester au service de l’humain. Elle ne doit pas le remplacer. C’est à nous de prendre en compte les craintes que ces nouvelles pratiques suscitent et d’y répondre pour proposer un service de santé de qualité. »

À l’image des hôpitaux publics, la clinique Pasteur a-t-elle été profondément impactée par la crise covid ? Et plus largement, la crise structurelle qui touche le secteur public trouve-t-elle un écho chez vous ?
Loïc Lagarde : « La crise sanitaire liée au Covid-19 a bien sûr eu un énorme impact sur notre activité. Elle nous a forcé à revoir notre façon de travailler et de fonctionner. Déjà engagé, le virage ambulatoire et domiciliaire a été accéléré. Concernant la crise de l’hôpital public, et plus particulièrement sur la « fuite » du personnel, Pasteur est aussi concerné. Il y a une forte demande d’accompagnement de la part des salariés pour une meilleure qualité de vie au travail. La vocation ne suffit plus pour les retenir. La question du salaire joue bien sûr, mais cela ne fait pas tout. Contrairement à d’autres secteurs de l’économie qui ont depuis longtemps pris en compte ce besoin d’appartenance à un projet collectif d’entreprise, le secteur médical tarde à s’engager sur cette voie. La faute justement à cette logique vocationnelle qui est encore omniprésente. Voilà pourquoi nous souhaitons nous appuyer sur une marque employeur Pasteur. Il faut oser communiquer sur la nature de notre métier et notre façon de travailler. »