Hommes et chiffres

Marchés : le poumon des coeurs de ville

Commerce. À l’heure où les Pouvoirs publics multiplient les initiatives pour dynamiser les coeurs de ville, les marchés de France tiennent une place prépondérante. Pour Monique Rubin, la présidente de la fédération nationale qui regroupe ces professionnels, « si l’on veut faire vivre nos coeurs de ville, c’est l’ensemble du commerce et des indépendants qui doivent s’unir pour contribuer à séduire les consommateurs »

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La fédération nationale des marchés de France regroupe 100 structures syndicales et 12000 adhérents. DR

Pouvez-vous nous parler de votre fédération nationale des marchés de France ?

Notre fédération nationale est une très vieille dame puisque nous allons fêter ses 100 ans cette année, à Épinal, où elle a pris naissance, à la suite d’un mouvement de revendication mené par des femmes pressurisées par des situations complètement anormales. Ce mouvement de révolte a surpris les élus et les politiques d’alors, qui n’auraient jamais pensé que des commerçants de marché pouvaient se structurer. Or, il a fait tache de partout, dans toute la France. Maintenant, la fédération nationale a son siège à Paris. Nous regroupons 100 structures syndicales et 12 000 adhérents, répartis dans tout l’Hexagone. Tous sont des personnes qui exercent une activité de distribution sur le domaine public. Ce sont donc des commerçants, des producteurs, des agriculteurs, des artisans, etc.

Vous assurez donc un lien entre les commerçants et les municipalités ?

La spécificité de notre profession est que nous exerçons sur le domaine public, que nous sommes une profession réglementée qui obéit à des règles strictes. Les professionnels respectent le règlement type des Marchés de France. Notre fédération a travaillé dernièrement, afin de le mettre en conformité avec les textes de lois récents, en collaboration étroite avec les fédérations de la CGAD (Confédération générale de l’alimentation en détail). Avec ce règlement de marché, nous défendons, bien sûr, les intérêts de nos adhérents, mais pas seulement. Du fait que nous sommes sur le domaine public, il est important d’avoir les meilleures relations avec les collectivités locales, d’entretenir un véritable partenariat avec nos maires, d’échanger avec nos élus. Aujourd’hui, le plus important pour nous est surtout de travailler main dans la main avec les commerçants sédentaires parce que nous sommes là pour la pérennisation du commerce en coeur de ville. De fait, les marchés font vraiment partie intégrante de la dynamique des coeurs de ville. Il ne peut pas y avoir un centre-ville dynamique s’il n’y a pas un marché, c’est indispensable et ça apporte une attractivité aux commerces sédentaires. Face aux grands groupes de distribution, si l’on veut faire vivre nos coeurs de ville, c’est l’ensemble du commerce et des indépendants qui doivent s’unir pour contribuer à séduire les consommateurs. Avec la crise Covid, on s’est rendu compte à quel point nos clients sont attachés au lien social que nous représentons. Nous sommes ce lien de convivialité, d’union. Nous avons des populations qui ne connaissent que les marchés, il faut le savoir. Les marchés, c’est un tout, du très populaire comme du plus bobo, et on se doit de satisfaire tous les publics.

Le marché a indéniablement un poids économique pour sa commune. Comment aidez-vous les élus qui veulent être attractifs avec leur marché, voire concurrencer ceux des villes voisines ?

La fédération des Marchés de France et ses syndicats locaux seront toujours aux côtés de nos élus pour essayer de trouver la meilleure solution possible en vue de dynamiser leurs marchés. Comme je le dis, un marché fonctionne bien quand les élus ont la volonté d’avoir un beau marché, quand le placier a la volonté de bien s’occuper de son marché et quand on a un très bon règlement de marché. Lorsque ces trois facteurs sont réunis, les commerçants non sédentaires restent là, sont fidèles et offrent aux clients leurs meilleurs produits. Le marché a une meilleure allure et fonctionne mieux.

Monique Rubin, présidente de la fédération nationale des marchés de France. DR

Et comment aidez-vous les commerçants qui veulent justement s’installer sur les marchés ?

Ça, ce sont les petites ficelles internes. Nous n’avons pas, en tant qu’organisation professionnelle, le pouvoir de dire : « c’est mon adhérent, je veux qu’il ait la meilleure place ». Ce n’est pas possible. Nous sommes sur le domaine public, nous respectons les principes de la Constitution, donc l’égalité. Je n’ai pas à privilégier quelqu’un au détriment d’un autre. Si le commerçant est adhérent de Marchés de France, s’il présente une belle qualité de produit, il aura un petit coup de pouce de notre part, on pourra le conseiller au maire qui essayera de le faire venir et de lui obtenir un emplacement. Ce sont des discussions que nous avons avec nos élus, et nous les invitons d’ailleurs à constituer des commissions de marché, en interne avec les organisations professionnelles. Une récente étude, menée dans de nombreuses villes, a montré que le jour du marché, ce sont 35 % de consommateurs en plus qui viennent et découvrent le commerce de centre-ville. Il ne faut pas que les commerçants sédentaires refusent de voir le marché devant chez eux. Tout cela se négocie, se discute. Le dialogue et la concertation sont vraiment essentiels.

Vous êtes actuellement toujours commerçante ?

Bien sûr, j’adore mon métier de commerçante sur les marchés, je ne peux pas m’en passer, même si j’y consacre moins de temps. Je travaille sur les marchés en Drôme-Ardèche. J’y vends de la chapellerie.

Il existe encore des chapeaux made in France ?

Ça devient très compliqué mais on a encore que deux ou trois fabricants qui fabriquent français. Le tout, c’est que nos consommateurs souhaitent vraiment pouvoir acheter un produit made in France. On incite et on se bat par rapport à ça parce que nos marchés perdureront si on assure au niveau qualitatif. La mondialisation a fait beaucoup de tort, on a tout tiré vers le bas. On a constaté l’arrivée massive des commerces de périphérie qui n’ont fait que « du bas de gamme ». Je suis désolée de le dire mais certains de nos collègues se sont engouffrés dans ce système-là. Maintenant, il faut remonter vers le haut qualitativement, c’est indispensable si l’on veut encourager le made in France.

Le bio commence à faire son apparition sur les marchés, certains le sont totalement certains jours dans certaines villes. Comment voyez-vous cette évolution ?

C’est très important d’avoir du bio, mais on ne peut pas focaliser que sur un marché bio, que sur un marché de producteurs. Pour nous, ce qui est très important, c’est le principe d’égalité pour tous et le domaine public est ouvert à tous. S’il est très important d’avoir des agriculteurs, des produits bio sur nos marchés, il faut qu’ils soient accueillis à l’intérieur de nos marchés et non pas faire un marché de producteurs parce que de toute façon, il sera voué à l’échec faute de production à fournir à longueur d’année. Un marché où on accueille des producteurs, oui, les portes doivent leur être grandes ouvertes mais ne faisons pas que des marchés spécifiques.