Populère, une marque de vêtements made in prison
Emploi. Mathilde Cervières, ancienne conseillère pénitentiaire a lancé une marque de vêtements fabriquée en milieu carcéral pour lutter contre la récidive.
Il paraît que la valeur n’attend pas le nombre des années. Dans le cas de Mathilde Cervières, c’est surtout celui de l’engagement. À tout juste 31 ans, cette Toulousaine a lancé en janvier 2023 Populère. Une marque de vêtements fabriquée exclusivement en détention, au centre pénitentiaire de Seysses, près de Muret. Si ce choix peut paraître incongru pour la plupart des gens, pour la jeune femme, ce n’est que l’aboutissement logique d’un parcours académique et professionnel.
Diplômée d’un DU en criminologie et d’un master en psychologie clinique, « j’ai enchaîné les missions au sein du milieu carcéral tout au long de mes études, raconte Mathilde Cervières. D’abord comme médiatrice bénévole puis comme étudiante au Centre de criminologie et sciences humaines et sociales où j’ai mené plusieurs entretiens psychologiques avec des détenus. »
Marquée par ces deux expériences, elle lance un premier projet en 2019 pour lutter contre la délinquance avec la création d’un « lieu de répit » pour les mineurs difficiles dans l’Aveyron. « Ces deux ans m’ont confortée dans l’idée que la prévention est LA solution pour lutter efficacement contre la récidive. » Mais le vrai déclic arrive en 2020. Alors conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation à la maison d’arrêt d’Agen, elle lance un atelier couture au sein du quartier des femmes.
« Lingettes démaquillantes, peluches pour leurs enfants…. L’idée était vraiment de donner un sens à la peine carcérale et aussi de leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences. Toutes avaient cette volonté de montrer à la société qu’elles étaient capables de créer quelque chose. Qu’elles étaient utiles », assure Mathilde Cervières.
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Définitivement convaincue par l’expérience, elle lance l’aventure Populère dans la foulée et s’endette pour cela à hauteur de 70000€. Entre la demande d’autorisation auprès de la direction de la prison de Seysses et la résolution des problèmes liés aux impératifs du milieu carcéral (contraintes sécuritaires, de logistique…), il lui faudra un an pour finaliser son projet. « La production a réellement démarré le 2 janvier 2023 avec la venue d’une formatrice couturière qui encadre et accompagne les détenus dans la confection des différents modèles. Ils ont tous signé un contrat d’emploi pénitentiaire et sont payés 5,39€ brut, soit un taux horaire légèrement en dessous du Smic. »
Passionnée par la mode, c’est elle qui a dessiné la collection : une ligne de tshirt hommes/femmes résolument moderne dans le choix des couleurs et des matières. « Nous avons misé sur la qualité avec des matières premières recyclées et sur l’inclusivité avec des tailles allant du double XS au double XL », précise Mathilde Cervières qui a lancé le 10 mars dernier une campagne de crowdfunding via la plateforme Ulule. Le but ? Dépasser les 150 préventes.
« Cette levée de fonds doit nous permettre d’obtenir de la visibilité et de remplir notre carnet de commandes. Condition sine qua non pour accélérer la croissance de l’entreprise et ainsi recruter de nouveaux détenus qui est l’essence même du projet Populère. » Un développement boosté elle es - père aussi par la mise en ligne de son site marchand, « via lequel les clients pourront directement acheter nos tshirts ». Et plus tard qui sait, des tog bags ou des sweat-shirts. C’est en tout cas l’ambition de l’entrepreneuse toulousaine qui aspire avec sa marque Populère « à donner à la fois du sens aux peines carcérales et un sens à l’achat des consommateurs ».