Yannick Colombier : arboriculteur par passion
Agroalimentaire. L’exploitation de Colombier fait figure d’exception dans la vallée de Lizac, dans le Tarn-et-Garonne. Fils et petit-fils de producteurs de fruits, Yannick Colombier a grandi au milieu des arbres. Il a choisi de privilégier la qualité à la quantité. Ses fruits sont servis dans les plus grands restaurants français et parfois même jusqu’à Dubaï…
Yannick Colombier aime dire qu’il est né dans les champs. « Quand je rentrais de l’école, je jouais aux petites voitures sous l’abricotier », s’amuse l’arboriculteur. Il pourrait nous parler pendant des heures de sa passion pour les fruits. Il est capable, à l’oeil nu, de détecter un fruit sucré, de dire s’il a pris suffisamment le soleil. À 49 ans, le passionné perpétue à sa façon la belle histoire de la France gourmande et met en valeur la richesse de son territoire. « Je suis tout petit au milieu des plantations de pommiers, avec mes neuf hectares », sourit- il. Neuf hectares, c’est la taille de l’exploitation familiale transmise en 2008.
« Je me suis installé sur les marchés dans l’Aveyron, en solo, je ne voulais pas travailler avec les coopératives. Le prix d’achat n’est pas assez élevé pour faire tourner une petite exploitation comme la mienne. » Avec ses cerises, abricots, pêches, etc., cet arboriculteur fidélise ses clients sur le marché de Rodez. Un certain Michel Bras (NDLR : le restaurateur) lui achète chaque semaine plusieurs kilos de ses plus jolis fruits. « Je ne connaissais pas son nom, explique Yannick Colombier. Mon père lui envoyait la facture et me dit un jour, je crois que c’est un bon restaurant… » Michel Bras lui a demandé d’expédier des fruits à Olivier Roellinger.
« Je l’ai fait pour faire plaisir, même chose à Pierre Gagnaire. Je ne m’attendais pas à de tels retours… » souligne le gérant. Il y a trois ans, l’entrepreneur part à Paris avec des pommes de son exploitation, dans un sac à dos. « J’avais réussi à avoir un rendez-vous au Bristol ». Éric Fréchon, emballé par le fruit et la personnalité du producteur passe commande. La belle histoire continue…
Militer pour le goût et la qualité
Yannick Colombier n’a plus besoin de solliciter les Chefs. Ce sont eux qui viennent le chercher, le bouche-à-oreille fonctionne bien. Instagram aussi. Anne-Sophie Pic vient récemment de passer commande pour ses établissements de Megève et de Valence. Yannick Colombier compte aussi parmi ses clients, Georges Blanc, Arnaud Lallement et les cuisines du Ritz.
L’exploitation collabore avec 80 restaurateurs lui assurant 80 % son CA (240 K€). L’exportateur Faye Gastronomie lui a demandé l’exclusivité sur Dubaï pour de grands hôtels. « J’ai dit oui, s’amuse-t-il. Je n’irai pas démarcher à Dubaï. Je ne suis pas un commercial. Moi, je suis un producteur. Je sais que mes fruits sont partis à Macao, mes cerises et mes pêches sont même arrivées à Bangkok. »
Investir pour combattre les éléments
« Je suis tranquille » : ce sont des mots qui reviendront souvent dans la conversation. Tranquille sauf quand la nature n’est pas de son côté, comme cette année particulièrement marquée par le gel : « tout ce qui n’était pas protégé a gelé. Mon système de lutte anti-gel a fonctionné 17 fois contre deux ou trois habituellement à la même saison. » Pour lutter contre ce fléau, Yannick Colombier forme une glace sur le fruit, qui le protège. « Je sais que je vais devoir m’équiper davantage. Je combats la nature, je vais devoir mettre des bâches pour éviter que l’arbre ne prenne trop l’eau. »
Coût de l’investissement : 50 K€ par hectare. Le producteur n’utilise aucun produit chimique sur ses 10 hectares de terre. Il travaille avec Bio 3G, une entreprise innovante qui pratique la biostimulation en boostant le système racinaire de l’arbre grâce à des nutriments utilisés en agriculture biologique. Il s’y retrouve en termes de rendement, « est-ce utile de produire en quantité si, sur 10 cerises, vous en enlevez sept parce qu’elles sont abîmées ? Je n’ai pas de casse avec ma façon de travailler », souligne- t-il. Yannick Colombier fait son chemin, sans bruit. Il continue à emballer lui-même ses fruits, aidé par un saisonnier.
Il va directement livrer ses cagettes à la Satar à Moissac, lesquelles partent pour Rungis puis les restaurants de la capitale. Au printemps, il invitera les Chefs dans son exploitation, entre cerisiers et abricotiers. Il continue à faire les marchés où il pratique les mêmes prix qu’avec les professionnels. « C’est grâce aux marchés que j’ai tenus pendant les confinements. Les restaurants étaient fermés. J’ai besoin de garder le contact avec les gens. Produire des fruits n’est pas facile, il me faut cette relation humaine », conclut-il