Accidents du travail : les manquements aux obligations de sécurité mieux réprimés ?
Droit du travail. Dévoilée le 10 juillet 2025, une instruction conjointe du ministère du Travail et de celui de la Justice vise à renforcer la coopération entre l’inspection du Travail et les services judiciaires en matière de sanctions des entreprises à la suite d’accidents du travail graves et mortels ou de manquements à leurs obligations de santé et de sécurité des employés.

Selon les données de l’Assurance Maladie, en France en 2023, plus de 555 800 accidents du travail ont été indemnisés. Sur ce nombre, on déplore près de 40 000 accidents graves et 759 mortels, soit près de deux décès par jour. Des chiffres d’autant plus préoccupants que, selon l’INRS, les jeunes travailleurs sont particulièrement exposés à ces risques.
Ainsi dix jeunes de moins de 25 ans sur 100 se blessent au travail, alors que la fréquence annuelle pour l’ensemble des salariés est d’environ quatre pour 100. Toujours en 2023, 33 d’entre eux sont décédés sur leur lieu de travail. Les mineurs ne sont hélas pas épargnés : au printemps 2025, quatre adolescents ont perdu la vie sur des chantiers.
Face à cette dramatique hécatombe, alors que la prévention et la formation sont plus que jamais nécessaires, le ministère du Travail et le ministère de la Justice entendent durcir la répression des manquements aux obligations de santé et de sécurité. C’est l’objet d’une instruction conjointe datée du 10 juillet 2025. Le document précise les modes d’action des inspecteurs du travail et des procureurs de la République, pour prévenir les accidents du travail et les sanctionner.
« S’ils ont des causes diverses, les accidents du travail graves ont en commun d’être, pour beaucoup, évitables », assure Astrid Panosyan-Bouvet, ministre démissionnaire chargée du Travail et de l’Emploi. Avant d’ajouter :
Les mêmes constats sont souvent faits : insuffisance de l’évaluation des risques, risques générés par de longues chaînes de sous-traitance, manque de formation des travailleurs, notamment des jeunes et des nouveaux arrivants… »
L’instruction recommande ainsi aux inspecteurs du travail de recourir plus largement à la verbalisation des infractions aux règles de sécurité dans les cas les plus graves, même en l’absence d’accident. Leur attention doit particulièrement porter sur les risques de chutes de hauteur - responsables de 30 % des accidents du travail, l’utilisation des équipements de travail et des moyens de protection, la formation à la sécurité, l’exposition aux agents cancérogènes et toxiques, enfin la protection des jeunes travailleurs et des intérimaires.
La transaction pénale en l’absence d’accident
En l’absence d’accident du travail, il est recommandé de privilégier la transaction pénale chaque fois qu’une régularisation de la situation est possible. Pour rappel, la transaction pénale a été instituée par une ordonnance d’avril 2016 (code du travail, articles L.8114-4 et suivants) mais est restée peu utilisée dans la mesure où elle nécessite la coordination entre les agents du ministère du Travail et les procureurs de la République.
Cette procédure est mise en œuvre à l’initiative des DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) sur la base des procès-verbaux des inspecteurs du travail, et doit être homologuée par les procureurs de la République. Elle s’applique aux infractions aux règles de protection pour les travaux de bâtiment et du génie civil, aux normes des installations sanitaires, à la restauration et à l’hébergement, des infractions sanctionnées par des peines inférieures à un an d’emprisonnement.
La transaction pénale permet de prononcer une amende transactionnelle à l’encontre des personnes morales comme aux personnes physiques, mais également d’imposer l’obligation de faire cesser l’infraction, d’éviter son renouvellement ou de se mettre en conformité avec la réglementation, le paiement de l’amende éteignant l’action publique. L’instruction ministérielle encourage également les procureurs à engager des poursuites judiciaires contre les personnes refusant la transaction pénale ou n’en respectant pas les termes.
Poursuites judiciaires en cas d’accident
En cas d’accident du travail grave ou mortel, la cosaisine concomitante par le parquet de l’inspection du travail et des agents de police judiciaire doit permettre d’accélérer les enquêtes et d’améliorer leur efficacité.
Mais « pour être comprise et efficiente, la réponse pénale, doit également s’adresser à l’ensemble de la chaîne des responsabilités en visant tout autant les employeurs, que les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage », assure de son côté Gérald Darmanin, ministre de la Justice démissionnaire.
En conséquence, l’instruction ministérielle recommande également de poursuivre l’ensemble des responsables : l’employeur, personne morale ou physique, mais aussi toutes les personnes impliquées, qu’elles soient ou non en relation contractuelle, licite ou illicite (maître d’ouvrage, sous-traitants illicites, faux travailleurs indépendants).
À noter que depuis 2019, alors les effectifs salariés ont progressé de près de 5 % en France, les moyens affectés à l’inspection du travail n’augmentent pas, bien au contraire. Selon le dernier rapport disponible, les effectifs de contrôle sont passés de 1 840 équivalents temps plein (ETP) en 2019 à 1 707 en 2023 (-7.2%). Soit désormais 12 664 salariés par ETP, contre 11 200 cinq ans auparavant (+13%).