Action de groupe : la liste des huit tribunaux judiciaires désormais compétents a été publiée
Procédure. Instituée par la loi du 17 mars 2014, l’action de groupe permet à plusieurs personnes victimes d’un même préjudice de s’unir pour faire valoir leurs droits collectivement devant la justice. Tandis que son champ d’application s’est élargi, la loi du 30 avril 2025 est venue unifier le régime de l’action de groupe. Un décret daté du 16 juillet fixe la liste des juridictions amenées à connaître de ces nouvelles procédures.

Instituée dans le droit français en 2014 sous la poussée notamment d’associations de consommateurs dont l’UFC-Que Choisir, l’action de groupe est une procédure judiciaire inspirée des class actions américaines.
Elle permet à plusieurs personnes (physiques ou morales) d’agir collectivement en justice afin d’obtenir réparation d’un même dommage causé par une même personne. Elle peut aussi mettre fin au manquement concerné. Un particulier ne peut pas lancer une action de groupe directement à titre individuel. Seules certaines associations, syndicats ou organismes ont la capacité d’agir.
Une mise en œuvre très encadrée
Pour sa part, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014, l’UFC-Que Choisir a engagé une dizaine d’actions de groupe dont beaucoup sont encore en cours. Elle a cependant obtenu une première victoire en mai 2025 avec la condamnation de la filiale réunionnaise de la Saur à indemniser certains de ses usagers pour leur avoir délivrer pendant des années une eau impropre à la consommation.
La plus récente de ces actions de groupe est celle que l’association vient de déclencher en juillet à l’encontre de Citroën et de Stellantis, le groupe automobile qui détient la marque aux chevrons, en lien avec le « scandale » des airbags Takata.
Si les questions de consommation sont au cœur de la procédure, son champ d’application a successivement été élargi à d’autres domaines :
- la santé : défaut sur un médicament ou un produit de santé ;
- la discrimination : au travail ou dans l’accès aux biens/services ;
- l’environnement : pollution, atteinte à la nature ;
- la protection des données personnelles ;
- les pratiques anticoncurrentielles ;
- les litiges locatifs ;
- les droits et libertés fondamentaux (garantis par la France ou l’Union européenne) : égalité, vie privée, etc.
Unification et simplification de la procédure
Cependant, depuis son entrée en vigueur, l’action de groupe est critiquée pour sa grande complexité, avec pour résultat seulement 35 procédures engagées dont la plupart ont échoué selon l’éditeur Lextenso, Une réforme devenait nécessaire. Elle a été introduite par l’article 16 de la loi du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (DDADUE).
Il unifie et simplifie le régime de l’action de groupe avec notamment :
- la mise en place d’un régime juridique de droit commun de l’action de groupe ;
- l’extension de la liste des entités autorisées à former certaines actions de groupe (associations agréées, organisations syndicales représentatives, syndicats agricoles, etc.) ;
- le jugement par des tribunaux judiciaires spécialisés ;
- la création d’un registre public des actions de groupe en cours devant les juridictions, tenu par le ministère de la Justice.
À noter que l’article 16 de la loi du 30 avril 2025 élargit le champ d’application de l’action collective au droit du travail dans son ensemble alors qu’il était auparavant restreint dans ce domaine à la lutte contre les discriminations et à la protection des données personnelles. Une action de groupe peut désormais être engagée contre tout manquement d’un employeur à ses obligations lorsque ce manquement cause un préjudice à plusieurs personnes placées sous son autorité.
Huit tribunaux compétents
Un décret du 16 juillet 2025 désigne les tribunaux judiciaires compétents pour statuer sur les actions de groupe introduites depuis l’entrée en vigueur de la réforme :
Siège | Ressort |
Paris | Ressort des cours d'appel de Bourges, Orléans, Paris, Saint-Denis, Versailles, du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon et du tribunal de première instance de Mata-Utu |
Marseille | Ressort des cours d'appel d'Aix-en-Provence, Bastia, Montpellier, Nîmes |
Lyon | Ressort des cours d'appel de Chambéry, Grenoble, Lyon, Riom |
Lille | Ressort des cours d'appel d'Amiens, Douai, Reims, Rouen |
Bordeaux | Ressort des cours d'appel d'Agen, Bordeaux, Limoges, Pau, Toulouse |
Rennes | Ressort des cours d'appel d'Angers, Caen, Poitiers, Rennes |
Nancy | Ressort des cours d'appel de Besançon, Colmar, Dijon, Metz, Nancy |
Fort-de-France | Ressort des cours d'appel de Basse-Terre, Cayenne, Fort-de-France |
Alors que les juridictions de première instance sont déjà surchargées, le choix de confier le contentieux des actions de groupe à huit tribunaux judiciaires seulement ne fait pas l’unanimité. Ainsi pour l’avocat Patrick Lingibé, membre du Conseil national des barreaux, le risque est grand d’un éloignement des justiciables et d’une inégalité d’accès à la justice.