Assurance chômage : une réforme en trois points
Droit du travail. Instauration d’un bonus-malus pour les entreprises ayant souvent recours à des contrats courts, nouvelles règles sur les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage, dégressivité de l’allocation chômage pour les hauts revenus : Estelle Trichet et Anne-Sophie Pujolle, responsables Social RH au sein de Walter France, décryptent ces nouvelles mesures.
Suspendue le temps de la crise sanitaire et sociale, la réforme de l’assurance chômage est finalement entrée en vigueur à compter du 1er juillet 2021, pour l’essentiel. Toutefois, certaines dispositions de cette réforme ont été ajournées par le Conseil d’État, en attendant une amélioration de la situation économique liée à la crise sanitaire.
Le bonus-malus entre en vigueur pour les entreprises ayant recours aux contrats courts
Le bonus-malus consiste à moduler le taux de contribution d’assurance chômage (cotisation patronale) actuellement de 4,05 %, en fonction du taux de séparation des entreprises concernées.
Les sept secteurs les plus consommateurs de contrats courts avec plus de 11 salariés sont les suivants :
- Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ;
- Production et distribution d’eau, assainissement, gestion des déchets et dépollution ;
- Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ;
- Hébergement et restauration ;
- Transports et entreposage ;
- Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi d’autres produits minéraux non métalliques ;
- Travail du bois, industries du papier et imprimerie.
Ces secteurs ont été identifiés en mesurant, au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, leur taux de séparation moyen, un indicateur qui correspond au nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim assorties d’une inscription à Pôle emploi rapporté à l’effectif de l’entreprise. Tous ces secteurs ont un taux supérieur à 150 %.
Conséquence du bonus-malus : - Si ces entreprises ont recouru aux contrats courts davantage que la médiane des autres entreprises de leur secteur : elles devront payer une contribution supplémentaire pouvant aller jusqu’à 5,05 % ;
- Si à l’inverse, elles ont proposé des contrats plus durables : elles bénéficieront d’un allégement de leur contribution dans la limite de 3 %.
Date d’application : le 1er septembre 2022. Le taux sera calculé à partir des fins de contrat ou de missions d’intérim constatées entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022.
Exception pour la 1re année : les entreprises les plus impactées par la crise (secteur S1 tels que les cafés-hôtels-restaurants) ne verront pas leur taux modulé pour la première période.
Les règles de calcul de l’allocation-chômage sont modifiées
La durée minimale d’affiliation passera de quatre à six mois. Il est prévu les demandeurs d’emploi doivent avoir travaillé au moins six mois (soit 130 jours ou 910 heures) dans les 24 derniers mois (36 derniers mois pour les plus de 53 ans) précédant la fin du contrat pour ouvrir des droits à l’indemnisation du chômage.
Compte tenu des conséquences de la crise sanitaire sur le marché du travail, la durée d’affiliation minimale nécessaire pour ouvrir ou recharger un droit à l’allocation d’assurance chômage reste fixée à quatre mois (au lieu des six mois initialement envisagés) et ce, jusqu’à ce qu’une amélioration durable de la situation de l’emploi soit constatée.
à ce jour, les demandeurs d’emploi doivent donc avoir travaillé 88 jours ou 610 heures (soit quatre mois d’activité) au cours des 24 derniers mois précédant la fin du contrat (36 derniers mois pour les salariés de 53 ans et plus). Cette durée minimale peut avoir été réalisée en plusieurs fois (avec plusieurs contrats de travail).
En raison de la crise sanitaire, ces périodes de 24 et 36 mois sont exceptionnellement allongées du nombre de jours compris entre le 1er mars et le 31 mai 2020 (première période de crise sanitaire) et entre le 30 octobre 2020 et le 30 avril 2021 (seconde période de crise sanitaire) qui sont inclus dans la période de référence d’affiliation initiale de 24 ou 36 mois.
Le calcul du salaire de référence devient moins favorable. À compter du 1er juillet 2021, les indemnités chômage sont calculées sur le revenu mensuel moyen du travail et non sur les seuls jours travaillés comme auparavant. Ces nouvelles règles s’appliquent aux salariés dont la dernière fin de contrat de travail est intervenue à compter du 1er juillet 2021.
Le SJR (salaire journalier de référence) est calculé de la façon suivante : rémunération des
24 derniers mois (36 pour les salariés d’au moins 53 ans)/nombre de jours calendaires (c’est-à-dire les jours travaillés et les jours non travaillés) pendant cette période.
Le salaire journalier de référence reflétera ainsi la moyenne des salaires perçus sur la période comprise entre le début du premier contrat et la fin du dernier contrat dans les 24 derniers mois. En conséquence, en cas de travail continu dans la période de référence, le montant du SJR restera identique. En revanche, si la période de référence inclut des périodes non travaillées, le SJR sera réduit.
Le décret du 30 mars introduit un plancher qui limite la baisse du SJR à 43 % maximum par rapport au mode de calcul de la convention 2017.
La durée d’indemnisation est allongée. La durée d’indemnisation minimale devrait être portée à 182 jours (contre 122 jours avant la réforme).
Le décompte des jours indemnisés est suspendu depuis mars 2020 et sera remis à 0 pour l’ensemble des allocataires au 1er juillet 2021.
L’allocation sera dégressive à partir de 4 500 € de salaire moyen brut
Elle concernera les demandeurs d’emploi qui ont moins de 57 ans et qui perçoivent une allocation journalière dépassant 85,18 € (soit un salaire antérieur mensuel supérieur à 4 500 € brut en moyenne).
Après sept mois d’indemnisation versée à taux plein, les demandeurs d’emploi concernés percevront une allocation réduite de 30 % à compter du huitième mois.
Le décompte de jours indemnisés avant application de la dégressivité sera ramené à six mois quand les clauses de retour à meilleure fortune seront remplies.
Cette allocation ne pourra pas être inférieure à 85,18 €.
En conclusion, il est donc important, pour les sept secteurs concernés par l’application d’un bonus-malus, de réfléchir à une amélioration de leur stratégie de ressources humaines. Favoriser les contrats longs leur permettra de bénéficier d’un bonus pour leurs cotisations d’assurance chômage.
Quant aux salariés, à terme, lorsque la situation économique sera revenue « à meilleure fortune », la baisse de leurs allocations pourra être compensée par l’allongement de la durée d’indemnisation.