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Discriminations : le Barreau de Toulouse défend l’inclusion

Avocats. Caroline Marty-Daudibertières et Thomas Neckebroeck entament la deuxième partie de leur mandat à la tête du barreau de Toulouse. L’occasion pour eux de dévoiler leurs projets parmi lesquels la signature d’un partenariat avec la championne toulousaine handisport Coralie Gonzalez.

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Photo de Me Thomas Neckebroeck, Coralie Gonzalez et Me Caroline Marty-Daudibertières
Me Thomas Neckebroeck, vice-bâtonnier, Coralie Gonzalez, athlète handisport, et Me Caroline Marty-Daudibertières, bâtonnière de l’ordre des avocats de Toulouse (©La Gazette du Midi).

En février 2023, fraîchement élus à tête du barreau de Toulouse, Mes Caroline Marty-Daudibertières et Thomas Neckebroeck, bâtonnier et vice-bâtonnier de l’ordre des avocats, prenaient la parole pour dénoncer avec vigueur le manque de moyens humains et matériels au tribunal judiciaire de la Ville rose occasionnant de multiples reports d’audience et un allongement dramatique des délais notamment dans le contentieux de la famille. Le duo à la tête du barreau toulousain évoquait un « déni de justice ». Leur mobilisation avait connu son apogée avec l’organisation à l’institut catholique d’un procès fictif intitulé « Tentative de meurtre de la justice ».

Un an plus tard, où en est-on ? Mes Caroline Marty-Daudibertières et Thomas Neckebroeck n’ont pas baissé la garde mais le ton s’est adouci. De fait, en septembre dernier, douze magistrats du siège et cinq parquetiers sont venus compléter les effectifs du tribunal judiciaire de Toulouse. Un renfort bienvenu, mais de l’aveu même de Xavier Pavageau, président de la juridiction, « encore insuffisant ».

S’ils se félicitent de ces nominations, les deux avocats estiment, eux aussi, que le compte n’y est pas. Et Caroline Marty-Daudibertières de préciser :

Les effectifs du tribunal judiciaire sont toujours insuffisants. Lorsqu’un magistrat est absent, il n’est pas remplacé. En conséquence, soit ces collègues parviennent à absorber la charge de travail supplémentaire, soit, si ce n’est pas le cas, les audiences sont reportées, les délibérés prorogés. »

Manque de magistrats persistant

L’avocate pointe notamment le cas du service des indemnisations resté fermé pendant plus d’un an, entre fin 2022 et fin 2023. « Toutes les audiences relatives à des demandes d’intérêts civils étaient reportées systématiquement, détaille la bâtonnière. Aujourd’hui les audiences ont repris concernant l’indemnisation des préjudices corporels. En revanche, les victimes de préjudices matériels ne voient pas leur dossier évoqué. Ils sont reportés sine die, en raison du manque de magistrats. »

Même préoccupation du côté de la cour d’appel, où ajoute Me Caroline Marty-Daudibertières, « plusieurs magistrats vont partir à la retraite, et, à l’instant T, ils ne sont toujours pas remplacés. Nous sommes donc en pleine incertitude pour les mois qui arrivent. »

La bâtonnière dénonce au passage la politique menée par les différents gouvernements depuis 30 ans en faveur du développement des modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) en vue de désengorger les tribunaux. « Ce sont des modes alternatifs », insiste-t-elle, avant d’ajouter :

Il ne s’agit pas de poser un plâtre sur une jambe de bois : on a toujours besoin de juges. Développer les MARC à tout va, et même à marche forcée, pourquoi pas ? Mais cela ne doit pas nous faire oublier que les tribunaux et les cours d’appel sont en manque crucial de magistrats. »

Entreprises en difficulté : réactivation de la cellule CIP

En 2024, le barreau toulousain souhaite se mobiliser plus fortement auprès des chefs d’entreprise en difficulté. Lors de la rentrée solennelle du tribunal de commerce, en janvier dernier, Laurent Granel, ex-président de la juridiction consulaire, a en effet confirmé la très forte hausse du nombre des procédures collectives qui ont bondi de 54 % l’an dernier par rapport à 2019, année de référence.

Face à cette envolée, « avec la chambre de commerce et industrie et l’ordre des experts-comptables, nous avons réactivé la Cellule CIP, (NDLR : plateforme d’accueil pour les chefs d’entreprises en difficulté), détaille Me Thomas Neckebroeck. Dans ce cadre, les avocats assurent des consultations tous les jeudis sur rendez-vous au tribunal de commerce. Nous prévoyons de renforcer ce dispositif comme nous projetons également d’organiser des consultations au sein de la CCI et de la chambre de métiers et de l’artisanat. »

Pour l’avocat, s’il y a un message à faire passer aux chefs d’entreprise, c’est celui de la prévention. « Lorsqu’un chef d’entreprise connait des difficultés, plus tôt on agit, plus l’éventail des solutions est large, explique Me Thomas Neckebroeck. Or, le constat que nous faisons, c’est que les dirigeants arrivent dans nos consultations alors que l’entreprise est déjà dans un état catastrophique. Elles n’ont bien souvent plus de trésorerie. Et dans ce cas, l’issue est souvent la liquidation judiciaire. » Ceci n’a pourtant rien d’inéluctable, assure l’avocat qui poursuit :

Des dispositifs existent tels que le mandat ad hoc ou la conciliation pour lesquels il suffit de saisir le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire. Cela permet de négocier avec les créanciers. Or, les avocats savent parfaitement rédiger ces protocoles qui permettent de sauvegarder l’entreprise. Le taux de réussite de ces dispositifs de prévention est de l’ordre de 50 %. »

D’autres projets figurent à l’agenda du barreau de Toulouse et notamment son implication au sein de Cyber’Occ, le portail de la Cybersécurité en Occitanie. Un partenariat doit être prochainement signé. « En cas de cyberattaque, l’idée est de pouvoir mobiliser toutes les compétences utiles. Or, nous avons au sein du barreau, des avocats formés à ces questions et volontaires pour y répondre », précise Me Thomas Neckebroeck.

Une convention est également en préparation avec le service de médecine légale à Toulouse. « Nous voudrions permettre aux victimes d’agression, de violences, d’accident de voiture, etc. de bénéficier d’une consultation avec un avocat à l’issue de leur consultation chez le médecin légiste », détaille Me Caroline Marty-Daudibertières.

Plus globalement, le barreau toulousain souhaite être plus présent aux côtés des victimes de discrimination. C’est le sens de son engagement auprès de la sportive de haut niveau Coralie Gonzalez. Cette athlète toulousaine handisport, qui pratique le goalball, espère se qualifier pour les JO de Paris. Elle a, pour ce faire, deux échéances importantes en Finlande et au Japon. Le barreau de Toulouse a décidé de la soutenir financièrement pour lui permettre de poursuivre son rêve, mais au-delà, un partenariat a été signé qui court sur toute l’année 2024.

Des vidéos seront notamment bientôt réalisées par le Barreau et la jeune kinésithérapeute pour répondre aux questions juridiques que peuvent se poser au quotidien les personnes en situation de handicap et leurs proches. « L’idée, à travers le parrainage de Coralie Gonzalez, est de sensibiliser autour du handicap, de promouvoir l’inclusion et de favoriser l’accès au droit des personnes en situation de handicap », conclut Me Caroline Marty-Daudibertières.

Le barreau toulousain travaille également au côté de l’association Cartable et sparadrap qui œuvre à maintenir la scolarisation des enfants hospitalisés au CHU pédiatrique de Purpan. Il s’est également associé, l’an dernier à Pride Toulouse, association qui milite pour le respect des droits des personnes LGBTQI+, en organisant, durant la Marche des fiertés, des consultations gratuites sur la place du Capitole, au sein du village des associations. Compte tenu de l’afflux de demandes de conseil lors de la manifestation, l’expérience pourrait renouvelée cette année.