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Grève des greffiers à Toulouse : pourquoi le mouvement se poursuit

À bout, les greffiers toulousains ont rejoint le mouvement de grève national qui touche leur profession. En sous-effectif et sous-payés, ces professionnels de justice dénoncent le « mépris » dont ils font l’objet.

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Photo de la grève des greffiers
Le 21 septembre 2023, à l’appel des syndicats, des dizaines de greffiers se sont réunis sur les marches du tribunal judiciaire de Toulouse lors d’une journée "justice morte". (©UNSa SJ)

« Plus de 400 greffiers de justice sont partis vers d’autres administrations ces cinq dernières années et pourtant personne ne semble avoir pris la mesure de l’urgence de la situation. Si vous perdez la compétence, la justice vous la rendez comment ? Et une société sans justice elle fonctionne comment ? C’est l’anarchie ! »

Ce cri du cœur, c’est celui d’une greffière du tribunal judiciaire de Toulouse (Haute-Garonne). Elle et ses collègues ont rejoint le mouvement de grève national qui touche leur profession. Véritable pilier du système judiciaire, les greffiers se battent pour leurs salaires, de meilleures conditions de travail et un statut en adéquation avec les missions et les responsabilités qui sont aujourd’hui les leurs.

Usés et sous-payés

Cette gronde est partie d’un projet de réforme de leur grille de rémunération qui devait être appliqué à partir du 1er octobre 2023. Si celui-ci prévoyait bien une revalorisation des salaires (entre 4 et 19 euros bruts par mois), il entraînait dans le même temps une perte d’ancienneté de deux à quatre ans et donc une baisse d’échelon.

Abandonnée après une mobilisation historique de la profession, cette proposition a laissé un goût amer. « Cela fait montre d’un mépris à l’égard de la profession », lâche la greffière toulousaine. Et de poursuivre :

Un protocole de négociation a depuis été mis en place mais les propositions qui en sont sorties sont encore loin d’être satisfaisantes. C’est pourquoi nous étions encore en grève la semaine dernière et que nous continuerons à l’être jusqu’à obtenir de réelles avancées. »

Alors que dans le même temps, les magistrats, eux, devraient voir en octobre leurs salaires mensuels revalorisés en moyenne de 1 000 euros, les dernières annonces concernant les greffiers parlent d’une hausse de 35 euros net par mois et d’une requalification d’une partie de la profession en catégorie A, contre B+ aujourd’hui.

Cela concernerait 3 000 personnes sur trois ans, donc 1 000 par an. « Cette dernière proposition va diviser la profession et ce n’est absolument pas cela que l’on recherche », assure l’auxiliaire de justice qui dénonce par ailleurs une revalorisation toujours trop maigre :

Si le concours est accessible à Bac+2, la très grande majorité des greffiers a aujourd’hui un Bac+4, sans compter les 18 mois de formation. Cela veut dire que nous avons le même niveau d’études que les magistrats avec lesquels nous travaillons et pourtant, un greffier qui sort d’école est à 1 800 euros. C’est inacceptable. »

Un contexte de sous-effectif chronique

Autre revendication forte de la profession : de meilleures conditions de travail, avec comme point de crispation majeur le manque d’effectif. Et là encore, « les comptes ne sont pas bons », comme on pouvait le lire sur certaines pancartes brandies la semaine dernière, lors des rassemblements devant les marches du tribunal judiciaire de Toulouse.

Au tribunal judiciaire de Toulouse, nous sommes plus de 170 greffiers. Rien que pour notre juridiction, il faudrait un renfort de 50 à 80 personnes, donc les 1 500 greffiers promis par notre ministre de tutelle pour l’ensemble du territoire ne sont évidemment pas suffisants. »

Si ce contexte de sous-effectif n’est pas nouveau, il crée de plus en plus de souffrance dans les rangs des professionnels de justice. « Les audiences qui finissent jusqu’à pas d’heure parce qu’il y a parfois jusqu’à 70 dossiers à l’ordre du jour, ce n’est tout simplement plus supportable. C’est d’ailleurs devenu normal de faire prêter serment à des adjoints administratifs pour qu’ils puissent suppléer un greffier et ce bien sûr, sans la rémunération qui va avec. »

Et alors que de nouvelles négociations doivent avoir lieu dans les prochains jours entre les organisations syndicales représentatives et le ministère de la Justice, « nous allons continuer à maintenir la pression malgré la fatigue qui s’accumule », confie la greffière toulousaine qui souhaite aussi alerter ses concitoyens : « La justice va très mal dans notre pays et une société sans justice ne peut pas avancer. C’est donc important que le système judiciaire se donne enfin les moyens de ses ambitions. »