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Grève des greffiers, vers une sortie de crise pérenne à Toulouse ?

Juridique. Après plusieurs mois d’une mobilisation historique des greffiers partout en France, le garde des Sceaux et trois organisations syndicales représentatives des fonctionnaires des juridictions ont signé le 26 octobre 2023 un protocole d’accord majoritaire sur les métiers de greffe. À Toulouse (Haute-Garonne) pourtant, cette annonce n’a pas convaincu tout le monde.

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Photo du Palais de Justice
Le protocole d’accord prévoit notamment une revalorisation indiciaire, la création d’un corps de débouché de catégorie A ou encore un plan de requalification des adjoints administratifs faisant fonction de greffiers. (©Gazette du Midi)

Après plusieurs mois d’une mobilisation historique pour leurs salaires, de meilleures conditions de travail et un statut en adéquation avec les missions et les responsabilités qui sont aujourd’hui les leurs, les greffiers ont-ils (enfin) obtenu justice ?

Au-delà du simple trait d’esprit la question se pose suite à la signature le 26 octobre dernier d’un protocole d’accord sur la revalorisation des métiers de greffe entre le garde des Sceaux et trois des quatre organisations syndicales représentatives des fonctionnaires des juridictions que sont l’Unsa Services Judiciaires, la CFDT Interco et FO Justice.

Ce protocole fait suite à l’ouverture des négociations entamées depuis le mois de septembre. Il doit permettre « de mieux valoriser l’investissement des greffiers au service des juridictions et leur offrir un parcours professionnel plus attractif ».

Dans un communiqué, Éric Dupond-Moretti parle « d’avancées inédites » pour la profession et salue cet accord « fruit d’un important travail de concertation » et « d’un dialogue social constructif ». Concrètement, d’ici quelques semaines, tous les greffiers bénéficieront d’une revalorisation indiciaire s’ajoutant à la revalorisation indemnitaire effective depuis cet été d’une enveloppe de 11,8 M€ sur la seule année 2023.

Autres annonces faites par le ministre de la Justice : la création d’un corps de débouché de catégorie A pour 3 200 greffiers (soit prêt de 25 % du corps), la modification de la grille statutaire pour « de meilleures perspectives d’évolution de carrière », ainsi qu’un plan de requalification des adjoints administratifs faisant fonction de greffiers qui bénéficiera à 700 agents sur trois ans.

Du côté des syndicats signataires, on se réjouit de voir que « la mobilisation historique des greffiers » a fini par payer. L’Unsa SJ, FO et la CFDT se satisfont en effet d’avoir été entendus et se félicitent de voir que plusieurs de « leurs revendications ont été reprises par l’administration ». Pour autant, leurs représentants assurent rester mobilisés et l’affirment : ce protocole d’accord doit avant tout permettre de poursuivre les discussions sur le fond.

Et si à Toulouse (Haute-Garonne) le mouvement de grève s’est mis en pause après des mois de mobilisation qui auront laissé des traces, la colère, elle, semble intacte dans les rangs de certains grévistes de la première heure. Et ce n’est pas l’annonce de ce protocole d’accord qui va visiblement calmer les esprits. Bien au contraire.

Contactée par La Gazette du Midi, une greffière a bien voulu se faire la porte-parole d’une profession en souffrance qui se sent une fois de plus méprisée. En effet, alors qu’Éric Dupond-Moretti parle « d’avancées inédites » et réitère son « attachement » à la profession « sans qui il n’y a pas de justice », l’officier de justice, elle, parle « d’hypocrisie », fustige des « annonces insuffisantes » et pointe « des zones de flou ».

« Les magistrats ont vu leurs salaires mensuels revalorisés en moyenne de 1000 € par mois, et pour nous, le gouvernement n’est même pas capable de sortir 100 €. C’est insultant », lâche-t-elle avant de poursuivre :

Cette revalorisation indiciaire et indemnitaire s’accompagne bien d’un gain financier mais il va surtout être avantageux - et c’est une bonne chose - pour les greffiers qui démarrent leur carrière mais pas pour ceux qui ont l’expérience et l’expertise. Ceux-là, et ils sont nombreux, vont gagner au mieux 40 € de plus par mois. Ça correspond à peu près à l’augmentation de ma facture d’électricité l’année dernière ! »

Concernant la création d’un corps de débouché de catégorie A, là encore notre interlocutrice se montre sceptique. « D’abord, ce passage en catégorie A va concerner 3 200 greffiers sur les 11 000 que nous sommes. Et puis surtout, après une phase transitoire de trois ans, il va se faire sous conditions avec des modalités d’accès : concours interne ou externe, audition, promotion au choix... Et comme si cela ne suffisait pas, il s’accompagne aussi de missions supplémentaires alors même que l’on crie haut et fort que nous sommes à bout, à force de travailler dans des conditions épouvantables. »

Quant au plan de requalification des adjoints administratifs, « là je crois que c’est le pire », confie l’intéressée. Aujourd’hui en catégorie C, 700 d’entre eux devraient passer en catégorie B et donc bénéficier d’une revalorisation salariale. « Mais là encore, fustige la greffière, cela se fera sous conditions. Donc en gros, on dit à ces personnes "si vous voulez que l’on vous paie pour un boulot que vous faites déjà depuis des années, il faudra d’abord passer un examen". C’est honteux ! »

Alors que dans plusieurs juridictions les greffiers sont restés, et restent mobilisés pour faire entendre leurs revendications, « comme c’est le cas à Agen où les collègues en sont à leur 85e assemblée générale extraordinaire consécutive », que va-t-il se passer à Toulouse ?

La signature de ce protocole d’accord peut-elle relancer le mouvement de grève ? « Je ne sais pas pour être honnête, reconnaît la greffière. La seule chose que je peux vous dire c’est qu’à titre personnel, je vais continuer à me battre pour une meilleure reconnaissance de mon métier de greffe. » Affaire à suivre...