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Défaillance : des signaux d’alerte au sein des PME

Procédures collectives. Le cabinet Altares publie une nouvelle étude sur les défaillances d’entreprise au 3e trimestre 2021.

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5 311 procédures collectives ont été ouvertes en France au cours du 3e trimestre 2021, soit 20,8% de moins que lors de la même période de 2020. C’est ce qu’indique le cabinet Altares qui vient de publier une nouvelle étude sur les « défaillances et sauvegardes des entreprises en France au 3e trimestre 2021 ». Sur les trois mois d’été, près de 17 500 emplois étaient concernés par ces défaillances d’entreprises contre 26 600 au cours de la même période de 2020. En données lissées sur un an, la tendance reste « favorable » : 28 000 jugements ont été prononcés à fin septembre contre 37 400 un an plus tôt (soit 25% de moins).

La baisse du nombre de défaillances concerne l’ensemble des régions françaises, mais dans certains départements, une vingtaine au total, cette tendance à la baisse est stoppée. C’est le cas en Occitanie où le nombre d’ouvertures de procédures collectives a reculé de 23,9% mais ne baisse plus en Ariège, en Lozère et en Tarn-et-Garonne. Dans ces départements, cependant, le nombre de défaillances d’entreprises demeure en deçà des niveaux de 2019. Dans l’ensemble de l’Hexagone, 159 procédures de sauvegardes (+2,6 %) ont été ou - vertes au cours du 3e trimestre 2021, pour 1292 placements en redressement judiciaire (-11,9 %) et 3860 liquidations judiciaires directes (- 24%).

Le taux de jugements de procédures de sauvegarde (3 %) reste faible au regard de l’ensemble des ouvertures mais tout de même au plus haut, « signe que la sensibilisation sur les dispositifs de prévention commence timidement à trouver un écho chez les dirigeants », pointe le cabinet Altares. Le taux de liquidations directes demeure, quant à lui, très élevé (75%) parmi les TPE, ce qui confirme la grande fragilité dans laquelle ces entreprises se présentent, malheureusement trop tardivement, devant le tribunal. À l’inverse, seuls 14% des sociétés de plus de 100 salariés ne parviennent pas à éviter la liquidation judiciaire directe. Le taux de redressements judiciaires augmente par rapport à l’été 2020 (24,3% contre 21,9 %) mais reste très en deçà des valeurs d’avant crise, voisines des 30%.

Signaux d’alerte au sein des PME

Le cabinet Altares pointe des signes d’alerte au sein des entreprises de 10 à 19 salariés. Ces TPE concentrent plus de neuf procédures sur dix (93%). Avec 4930 procédures ouvertes au 3e trimestre, elles enregistrent une baisse du nombre de défaillances de 21% par rapport à la même période de 2020. En revanche, les PME de 10 à 19 salariés, jusque-là épargnées, montrent des signes de faiblesse. Au sein de cette catégorie d’entreprises, le nombre de procédures collectives progresse en effet de 2,9 %. Une dégradation portée par la forte hausse (+ 30%) du nombre de redressements judiciaires. Les liquidations directes reculent quant à elles de 5% et les sauvegardes s’effondrent de 28%. La moitié des PME concernées a plus de 10 ans et un tiers sont des entreprises du bâtiment (gros oeuvre et second oeuvre).

Au-delà de 20 salariés, la baisse du nombre de défaillances est encore sensible (- 27%). Au 3e trimestre 2021, dans la quasi-totalité des secteurs, les défaillances apparaissent en - core en net recul, avec toutefois, selon les activités, de fortes disparités. Ainsi, dans le bâtiment, le nombre de procédures collectives progresse dans les activités de construction de maisons individuelles (+16%), d’installation d’équipements thermiques et de climatisation (+55%), de menuiserie métallique et serrurerie (+33%). Les défaillances augmentent aussi dans les travaux publics (+12%) et la promotion immobilière (+ 21%). Les services informatiques et édition de logiciels sont également en difficulté (+5,5 %).

Ils affichent une augmentation du nombre de procédures dans de nombreuses activités, notamment la programmation informatique (+29%) et le conseil en systèmes et logiciels informatiques (+48%). « Les règles de l’économie et des échanges commerciaux se rétablissent progressivement au rythme de la fin du « quoi qu’il en coûte », relève Thierry Millon.

Selon le directeur des études chez Altares, si des signes de fragilité sont apparus dans certaines activités, ces tensions « sont exacerbées par les difficultés d’approvisionnements, de recrutement et la reprise rapide qui alourdit les besoins de fonds de roulement. Un clivage s’opère donc entre les entreprises qui terminent 2021 avec un niveau de trésorerie solide, au prix d’un endettement parfois fort, et les entreprises qui manquent déjà de cash pour financer la reprise. Quant aux activités telles que la restauration ou le commerce, aidées plus longtemps du fait de leurs fermetures successives, elles tiennent encore et comptent sur un retour durable des consommateurs. Sur le dernier trimestre 2021, les défaillances devraient pouvoir être encore contenues sous le seuil des 10000 avant que 2022 n’ouvre la voie à des tendances bien moins favorables ».

Un dernier trimestre déterminant

Au vu de ces chiffres, pour Thierry Millon, le dernier trimestre 2021 devrait donc être « déterminant pour de nombreuses entreprises. Elles devront se donner les moyens d’embrasser la croissance 2022 pour honorer les engagements d’emprunt et rappels de cotisations. Pour l’heure, la fin du « quoi qu’il en coûte » n’a pas encore été sifflée. Car si les aides financières s’étiolent et si le dispositif d’activité partielle revient peu à peu à la normale, la bienveillance des organismes sociaux, elle, demeure. Le recouvrement forcé et les assignations ne sont donc pour l’instant pas d’actualité.

Or, environ un tiers des procédures de défaillance sont ouvertes sur assignation. Cet « accompagnement » public va finir par s’éteindre lui aussi et rééquilibrer les rapports concurrentiels. Il est encore temps de s’y préparer. En parallèle, les entreprises vont devoir composer avec l’amortissement des prêts garantis par l’État. Rappelons qu’elles sont 690 000 à avoir obtenu un PGE à la mi-septembre 2021, dont près des deux tiers ont été signés dès le début du dispositif. Le printemps 2022 s’annonce donc extrêmement tendu pour les entreprises qui ne seraient pas en mesure d’honorer les premières échéances.

Peut-être seront-elles alors tentées de solliciter l’aide du tribunal pour restructurer le PGE dans le cadre d’une conciliation ou allonger la durée de remboursement avec un plan de sauvegarde ou de redressement. Les TPE et “petites” PME en difficulté pourraient aussi envisager de recourir à la procédure de traitement de sortie de crise (TSC) réservée aux entreprises fortement impactées par la crise sanitaire. Cette dernière, non encore décrétée, pourrait toutefois s’avérer difficile à mettre en oeuvre pour des entreprises insuffisamment préparées. »