Déplafonnement des loyers commerciaux : la Cour de cassation clarifie sa position
Commerce. Dans un arrêt du 18 septembre 2025, la Cour de cassation vient de décider que la modification notable des facteurs locaux de commercialité constitue un motif de déplafonnement du prix du bail renouvelé si elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale du locataire, indépendamment de son incidence effective et réelle sur le commerce exploité dans les locaux.
En avril dernier, L’Echocommerce, média du commerce indépendant, titrait : « Colère et détresse de commerçants face à des hausses de loyers jusqu’à +200 % ». Prenant l’exemple de commerçants toulousains, bordelais ou marseillais, le site alertait sur un phénomène qui touche tout l’Hexagone, à savoir la multiplication de hausses de loyers déconnectées de la « réalité économique », conduisant parfois certains à mettre la clé sous la porte. Une récente décision de la Cour de cassation ne devrait pas les rassurer.
Pour rappel, la révision du loyer d’un bail commercial est plafonnée en fonction d’un indice de référence, à savoir : l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou l’indice des loyers des activités tertiaires. Le loyer d’un bail commercial est ainsi réévalué tous les trois ans : il s’agit de la révision triennale (également appelée révision légale).
Cette révision est automatique et n’a pas à être mentionnée dans le bail. Mais le loyer peut varier plus fréquemment (chaque année par exemple) lorsqu’une clause d’échelle mobile (également appelée clause d’indexation) est prévue dans le bail commercial. Le loyer est aussi réévalué lors du renouvellement du bail commercial, c’est-à-dire au bout de neuf ans.
C’est l’activité concernée [1] qui permet de déterminer si c’est indice des loyers commerciaux(ILC) ou l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) qui sert d’indice de référence pour la révision des baux commerciaux.
Déplafonnement autorisé
L’article L 145-34 du code de commerce édicte cependant qu’en cas de modification notable des facteurs locaux de commercialité du local, favorable à l’activité exercée, ce plafonnement peut être écarté lors du renouvellement du bail. Le loyer est alors fixé à la valeur locative.
Les facteurs de commercialité dépendent de l’intérêt que présente pour le commerce considéré l’emplacement du local, les autres activités qui y sont exercées, les moyens de transport, l’attrait particulier de l’emplacement, etc. (Code de commerce, article R145-6). La modification de ces éléments doit être favorable pour l’activité exercée, qu’elle soit durable ou provisoire.
La jurisprudence de la Cour de cassation était partagée sur le point de savoir si la modification des facteurs de commercialité devait avoir une incidence effective sur l’activité ou si elle devait seulement être « de nature » à favoriser l’activité. Un nouvel arrêt met fin à cette incertitude.
La Cour de cassation clarifie sa position
Dans un arrêt du 18 septembre 2025 (Cass. 3e civ. 18 septembre 2025 n° 24-13.288), la Cour de cassation juge ainsi que la modification notable des facteurs locaux de commercialité constitue un motif de déplafonnement du loyer renouvelé si elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité du locataire, indépendamment de son incidence effective et réelle sur le commerce exploité dans les locaux.
Le bailleur peut se limiter à établir que la modification des facteurs de commercialité constatée est de nature à avoir une incidence favorable sur le commerce exercé, sans avoir à prouver que le locataire en a effectivement bénéficié.
En l’espèce, pour ce commerce de luminaires, l’expert judiciaire avait constaté notamment l’évolution démographique, la progression de l’activité touristique de la commune et des flux de véhicules due à l’ouverture d’une nouvelle voie routière. Et ce alors même que le chiffre d’affaires du locataire était en baisse, que son activité était déficitaire et qu’il avait fait l’objet d’un plan de sauvegarde.
[1] De fait, l’ILC concerne les locataires qui exercent une activité commerciale ou artisanale et qui sont immatriculés au registre national des entreprises (RNE) et au registre du commerce et des sociétés (RCS) pour les commerçants. De la même manière, il est possible d’utiliser l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) pour les activités libérales et tertiaires (cabinets médicaux ou d’architecte, par exemple), pour la location de bureaux (pour des activités ni commerciales, ni artisanales) ainsi que pour les entrepôts logistiques.