Dividendes : doit-on calculer les cotisations sociales après l’application de l’abattement fiscal de 40 % ?
Social. La réintégration des dividendes dans l’assiette sociale, dont le cadre juridique est défini par l’article L 131-6 du code de la sécurité sociale, a connu un rebondissement judiciaire, les juges ayant confirmé l’application de l’abattement fiscal de 40% pour le calcul des cotisations sociales.
La réintégration des dividendes dans l’assiette sociale, dont le cadre juridique est défini par l’article L 131-6 du code de la sécurité sociale, a connu un rebondissement judiciaire (tribunal judiciaire de Melun, 12 mai 2020, n° 19/00262), les juges ayant confirmé l’application de l’abattement fiscal de 40% (art. 158 du code général des impôts) pour le calcul des cotisations sociales. Il y a lieu, néanmoins, de s’interroger sur la portée de cette décision en pratique.
Quelle est la réglementation applicable ?
La part des dividendes qui est supérieure à 10% du capital social et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par le travailleur indépendant doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales. La problématique porte sur les conditions de réintégration des dividendes excédentaires. Doit-on assujettir socialement 100% des dividendes excédant la limite ou doit-on réintégrer les dividendes tels qu’ils sont appréhendés par le droit fiscal, c’est-à-dire après application éventuelle de l’abattement fiscal de 40% ?
L’article L 131-6 du code de la sécurité sociale prévoit qu’il faut appréhender le montant des dividendes « retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu », c’est-à-dire après application de l’abattement fiscal de 40%. Depuis le 1er septembre 2018, l’article L 131-6 du code de la sécurité sociale a fait l’objet d’une réécriture et le renvoi au revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu a été supprimé. Cette réécriture, opérée à droit constant (loi n° 2016-1 827 du 23 décembre 2016, ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018), n’a aucun impact sur le débat juridique qui nous intéresse.
Quel est l’apport du tribunal judiciaire de Melun ?
Cette lecture stricte du code de la sécurité sociale n’était pas partagée par l’administration (circulaire RSI n° 2014/ 001 du 14 février 2014) : « La logique de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociale est d’intégrer dans l’assiette des travailleurs indépendants l’ensemble des sommes qui constituent pour eux un revenu. C’est la raison pour laquelle l’article contient une disposition d’ordre général visant à neutraliser les règles fiscales dont l’objectif n’est pas d’évaluer un revenu net, mais traduisent des choix fiscaux (il s’agit de la réintégration de l’ensemble des exonérations dont a bénéficié le travailleur indépendant). Le montant des revenus distribués à prendre en compte pour le calcul de la somme à réintégrer est par conséquent le montant brut, avant l’abattement fiscal de 40%. »
Cette position administrative n’est pas retenue par le tribunal judiciaire de Melun qui estime, au contraire, que : « Dès lors que l’article 131-6 du code de la sécurité sociale fait expressément référence au revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, il convient d’appliquer l’abattement de 40 % prévu « pour le calcul de l’impôt sur le revenu ». Cette brèche judiciaire permet-elle aux cotisants de procéder à une demande de rectification auprès de l’administration sociale ?
Quels sont les moyens d’action ouverts aux cotisants ?
Les travailleurs indépendants, ayant cotisé sur la totalité des dividendes excédentaires sans application de l’abattement fiscal, peuvent former une action en répétition de l’indu. (L 243- 6 du code de la sécurité sociale). La demande de remboursement ne peut concerner que les dividendes soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu avec application de l’abattement de 40 %. Les dividendes soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) à compter de 2018 ne sont pas concernés. Cette action doit être formulée par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du directeur de l’Urssaf compétente pour la période entrant dans la prescription.
La demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées. Si l’Urssaf ne donne pas une issue favorable à la demande (ou en cas de silence de sa part dans les deux mois de la demande), le cotisant doit saisir la commission de recours amiable puis, le cas échéant, le tribunal judiciaire compétent. Selon nos informations, l’administration sociale relativise la portée de la décision du tribunal judiciaire de Melun et décide de ne pas faire droit à des demandes d’abattement d’assiette formulées par des cotisants.