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Fraudes aux arrêts maladie : quels moyens de contrôle ?

Santé au travail. Les cas de fraude aux avis d’arrêt de travail ont connu un essor significatif en 2023 selon l’Assurance maladie. Mais au fait, comment se déclare un arrêt de travail aujourd’hui, et demain ? Et dans quel cas une contre-visite médicale peut-elle être demandée par l’employeur ? Le point avec Axel Wantz, juriste aux Editions Tissot, spécialistes du droit du travail.

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Photo d'un avis d'arrêt de travail
Le coût des arrêts de travail a considérablement augmenté ces dernières années, atteignant 15,8 Mds€ en 2023, 7,9 millions étant jugés comme frauduleux. (©Gazette du Midi)

En mars dernier, la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (CNAM) dévoilait les résultats de son action de lutte contre la fraude. 466 M€ de préjudices financiers ont ainsi été détectés l’an dernier dans l’Hexagone, un montant en hausse de près de 50 % sur un an, obtenus grâce au renforcement de ses moyens matériels et humains et à l’accélération des contrôles.

Les résultats de cette stratégie anti-fraude plus musclée sont encore plus spectaculaires en région. En Occitanie, en 2023, 40,24 M€ de fraudes ont été détectés, soit 98 % de plus qu’il y a un an. En Haute-Garonne, ce sont 9,4 M€ de préjudices qui ont été identifiés et stoppés. Un montant historique puisqu’il progresse de 4 M€ par rapport à 2022, soit une hausse de 87 % sur 12 mois.

Malgré cette lutte renforcée, le déficit de l’Assurance Maladie devrait être plus élevé qu’attendu en 2024 en raison notamment de la hausse de la facture des arrêts maladie. Le coût des indemnités journalières pour la Sécurité sociale a augmenté de 8,5 % au premier semestre 2024 en France et pourrait dépasser 17 Mds€ sur l’année (contre 10,4 Mds€ en 2015), dont 7,7 M€ pour les faux arrêts de travail. L’occasion de rappeler leur encadrement et moyens de contrôle avec Axel Wantz, juriste aux Éditions Tissot.

Comment se déclare un arrêt de travail ?

Un salarié qui se retrouve dans l’impossibilité de travailler en raison de son état de santé doit :

  • Avertir son employeur de son absence par tout moyen (SMS, mail, appel téléphonique, etc.) ;
  • La justifier dans le délai prévu par sa convention collective ou son règlement intérieur. A défaut, l’usage est de 48 heures ;
  • Adresser à sa CPAM les volets 1 et 2 de son arrêt de travail et le volet 3 à son employeur.

Mais le médecin prescripteur peut opter pour une télétransmission des deux premiers volets à la caisse et ne remettre que le troisième volet au salarié. Afin de lutter contre la fraude qui s’est notamment amplifiée avec le concours des réseaux sociaux (il est possible de s’y procurer de faux arrêts maladie moyennant 15 à 30 €), l’Assurance maladie invite donc les professionnels de santé à privilégier l’avis d’arrêt de travail dématérialisé, plus sécurisé et plus efficace pour éviter les fraudes et les usurpations.

Et pour ceux qui ne peuvent y recourir, à utiliser un nouveau formulaire papier plus sécurisé (papier spécial, étiquette holographique, encre magnétique, traits d’identification du prescripteur). Il est disponible sur commande sur le site amelipro. À noter que leur utilisation deviendra obligatoire à compter de juin 2025.

Dans quel cas l’employeur peut-il demander une contre-visite médicale ?

Photo d'Axel Wantz
Axel Wantz, juriste aux Éditions Tissot (©Ed. Tissot).

L’employeur (sauf en Moselle, dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin) peut solliciter une contre-visite médicale s’il se trouve tenu de verser au salarié arrêté une indemnité complémentaire aux indemnités journalières de Sécurité sociale. Depuis juillet 2024, le salarié doit communiquer, dès le début de son arrêt de travail et à l’occasion de toute évolution : son lieu de repos si celui-ci est différent de son domicile et s’il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention « sortie libre », les horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer.

Il ne peut se soustraire à la contre-visite que s’il justifie d’un motif légitime (examen médical au moment du rendez-vous, par exemple). Celle-ci est effectuée par le médecin que choisit l’employeur. Elle lui permet notamment de vérifier que l’état de santé du salarié est bien incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle et qu’il respecte ses horaires de sortie autorisées s’il ne bénéficie pas de sorties libres.

À son issue, le médecin doit se prononcer sur le caractère justifié et la durée de l’arrêt de travail. S’il conclut à l’absence de justification ou constate l’impossibilité de procéder à l’examen du salarié, il doit en informer la CPAM, qui pourra alors, dans un délai de 10 jours francs, suspendre le versement des indemnités journalières de Sécurité sociale.

Le burn-out est-il un motif d’arrêt de travail comme les autres ?

Le burn-out est défini comme un « état d’épuisement physique, émotionnel et mental résultant d’une exposition à des situations de travail émotionnellement exigeantes », difficile à caractériser.

Même si la Haute autorité de santé (HAS) souligne l’importance de mettre une analyse des conditions de travail du salarié à la disposition du médecin traitant, la constatation de l’existence d’un burn-out sans disposer de cette analyse ne permet pas de conclure à un certificat tendancieux ou de complaisance (Conseil d’Etat, 4e - 1re chambres réunies, 28 mai 2024, n° 469089). Un médecin confronté à un salarié en situation de burn-out peut donc prescrire ou prolonger un arrêt de travail pour ce motif.