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Fraudes : la publicité des liquidations amiables et des transmissions universelles du patrimoine est renforcée

Sociétés. Un décret renforce les formalités des liquidations amiables afin d’empêcher qu’elles soient détournées par des sociétés frauduleuses en vue d’échapper au recouvrement d’un redressement fiscal ou social. Ces mesures entrent en vigueur le 1er octobre 2024.

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Photo de dossiers administratifs
Certaines sociétés détournent les procédures de liquidation amiable dans un but frauduleux. (©Pixabay)

Paru au Journal Officiel le 8 juillet, le décret 2024-751 du 7 juillet 2024 rend obligatoire la publication de la dissolution donnant lieu à une procédure de transmission universelle du patrimoine (TUP) au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). Une nouvelle formalité sensée éviter les fraudes. Explications.

Liquidations amiables

La cessation volontaire d’activité d’une société qui n’est pas en cessation des paiements conduit à sa dissolution et à sa liquidation (dite liquidation amiable ou liquidation volontaire). Un liquidateur est alors chargé de vendre les biens, payer les créanciers et répartir le solde entre les associés. Le liquidateur peut être le gérant, un associé ou une personne extérieure à la société.

Après approbation des comptes définitifs de liquidation par les associés, le liquidateur effectue les démarches en vue de la radiation de la société. Le liquidateur doit au préalable faire publier un avis de clôture de la liquidation dans un journal d’annonces légales. Dans le délai d’un mois à compter de cette publicité, le liquidateur présente une demande de radiation de la société au guichet unique des formalités d’entreprises.

Le dossier de demande de radiation doit comporter les comptes définitifs de la société et la décision de l’assemblée générale des associés qui les a approuvés. Ces documents sont ensuite transmis au greffe en vue de leur dépôt en annexe au registre du commerce et des sociétés (RCS).

À compter du 1er octobre 2024, le liquidateur devra également produire une attestation fiscale et une attestation sociale établissant que la société est à jour de ses déclarations et paiements.
L’attestation fiscale est constituée par le certificat fiscal (ou «   attestation de régularité fiscale  ») qui peut être obtenu de façon dématérialisée depuis le compte fiscal professionnel sur le site des impôts, ou demandée au service des impôts (imprimé 3666-SD disponible sur ce même site). L’attestation sociale est l’«  attestation de vigilance   » qui peut être obtenue sur le site internet de l’Urssaf.

Transmission universelle du patrimoine

La transmission universelle du patrimoine (TUP), aussi appelée « dissolution simplifiée » ou « dissolution sans liquidation », concerne le cas particulier d’une société dont le seul associé est une autre société. Il peut s’agir d’une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) ou d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).

L’associé unique peut à tout moment dissoudre la société par déclaration au greffe du tribunal de commerce en vue de la mention de la dissolution au registre du commerce et des sociétés (RCS).
La dissolution de la société unipersonnelle entraîne la transmission universelle de son patrimoine à la société associé unique sans qu’il faille passer par une liquidation (code civil, article 1844-5).

L’intégralité du patrimoine de la société dissoute (actif, droits, créances, bail commercial…) est transmise à la société associé unique qui devient aussi responsables des dettes. La transmission universelle du patrimoine permet de bénéficier d’un régime fiscal avantageux comme pour les fusions (exonération des plus-values d’actif, taxation réduite des provisions).

En pratique, la société associée unique rédige un procès-verbal dans lequel elle décide de la dissolution avec TUP puis publie sa dissolution sans liquidation dans un journal d’annonces légales avant d’effectuer les formalités au registre du commerce et des sociétés au guichet unique des formalités d’entreprises.

À compter de la publication de l’avis, les créanciers de la société unipersonnelle, notamment le fisc et l’Urssaf, disposent d’un délai de 30 jours pour faire opposition à la dissolution devant le tribunal de commerce s’ils estiment qu’elle risque de leur porter préjudice.

Le tribunal de commerce peut, soit rejeter l’opposition, soit ordonner le paiement des créances ou la constitution de garanties. La dissolution n’intervient qu’une fois que les créances sont payées ou les garanties constituées. À défaut d’opposition, la dissolution et la transmission du patrimoine sont effectivement réalisées au terme du délai d’opposition de 30 jours.

Risque de fraudes

Cette opération peut être détournée par certaines sociétés dans un but frauduleux, ce qui a conduit le gouvernement à renforcer la protection des créanciers, en particulier le fisc et l’Urssaf. Certaines sociétés attendent en effet le terme du délai de 30 jours pour déclarer la dissolution au Registre du commerce et des sociétés.

Ainsi, les créanciers, qui ont pu ne pas avoir connaissance de l’avis publié dans un journal d’annonces légales, ne sont informés de la radiation de la société et de la transmission universelle de patrimoine qu’à la publication au Bodacc. Le délai de 30 jours étant expiré, les créanciers ne bénéficient plus de la possibilité de faire opposition et le recouvrement des créances devient impossible.

À compter du 1er octobre 2024, le délai d’opposition de 30 jours commencera à courir, non pas à la publication dans unjournal d’annonces légales, mais à partir de la publication de la dissolution au Bodacc (le lendemain du jour de la publication). Selon la notice du décret, cette mesure vise particulièrement les sociétés ayant recours à la fraude fiscale et au travail illégal et qui recourent à la transmission universelle du patrimoine pour échapper aux redressements.