Gérant majoritaire de SARL ou président assimilé salarié de SAS ? Faites le bon choix !
Stratégie. Créer une entreprise implique de faire des choix entre différents statuts : microentreprise, entreprise individuelle classique ou société. Et dans ce dernier cas, le créateur a encore plusieurs options à sa disposition avec, pour chacune, d’importantes conséquences. Mais alors quels critères retenir pour prendre la bonne décision ? Explications de Bertrand Sers, associé fiscaliste chez Walter France, réseau de cabinets d’expertise comptable, d’audit et de conseils.

Selon l’Insee, en France, en 2024, 1 111 200 nouvelles entreprises ont été créées, soit 6 % de plus qu’en 2023. Cet engouement pour l’entrepreneuriat ne se dément pas depuis 10 ans et la loi de 2014 dite « Artisanat, commerce et très petites entreprises » qui a introduit plusieurs évolutions importantes.
De fait, cette hausse est essentiellement portée par le régime de la micro-entreprise, dont le nombre a fortement progressé en 2024, avec 716 200 créations, soit +7 %, le plus haut niveau jamais atteint, tandis que le format de l’entreprise individuelle classique a de moins en moins d’adeptes avec 110 500 créations l’an dernier, en recul de 3 %.
Le nombre de sociétés nouvelles a lui aussi bondi l’an dernier de 5 % avec 284 600 structures créées. Avec pour leurs fondateurs un choix cornélien à opérer : celui de la forme juridique. Les entrepreneurs français peuvent en effet opter pour sept statuts différents. Plusieurs critères peuvent guider ce choix : nombre d’associés, montant du capital social ou encore régime social ou fiscal du dirigeant ainsi que l’étendue de la responsabilité.
Pour ne prendre que les plus répandus, le choix entre les statuts de la société à responsabilité limitée (SARL) et de la société par actions simplifiée (SAS) a en effet des implications majeures en terme de charges sociales, de fiscalité, de protection sociale et de responsabilité personnelle du chef d’entreprise.
D’importants écarts de charges sociales
Dans le détail, un gérant majoritaire de SARL a le statut de non salarié, et se verse une rémunération nette, sur laquelle il devra s’acquitter d’environ 43 % de charges sociales. Un président de SAS a un statut d’assimilé salarié ; il se verse un salaire net, sur lequel il devra acquitter environ 65 % de charges sociales.
L’écart est considérable : sur une rémunération nette annuelle de 100 000 €, l’économie de charges sociales pour un gérant majoritaire de SARL peut atteindre 22 000 €. Toutefois, cette économie a un revers : une protection sociale bien plus faible, notamment en matière de retraite et de prévoyance. Pour compenser, le gérant de SARL devra donc souscrire des contrats facultatifs, réduisant ainsi l’écart réel de cotisations.
Rappelons que cette différence de charges sociales entre salariés et non-salariés s’explique, entre autres, par le fait que les salariés cotisent à l’assurance maladie en matière d’invalidité/décès et peuvent être indemnisés à ce titre, alors que les non-salariés n’ont droit qu’à une faible indemnisation en cas de survenance d’un tel événement. Enfin, et c’est le plus important, la couverture retraite est nettement plus favorable pour les assimilés-salariés.
Dividendes et cotisations sociales : un faux enjeu
Si le régime fiscal du dividende est le même dans les deux cas de figure (imposition au taux de 12,8 % avec, sur option, possibilité d’imposer le dividende au barème progressif), le régime social des dividendes diffère sensiblement entre un gérant travailleur non salarié (TNS) de SARL et un président associé unique de Société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU).
Pour le gérant majoritaire de SARL, relevant du régime TNS, la part des dividendes qui excède 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant d’associé est soumise aux cotisations sociales, avec un taux global avoisinant 43 %. En dessous de ce seuil, seuls les prélèvements sociaux de 17,2 % s’appliquent, comme pour tout associé.
À l’inverse, le président associé unique de SASU, assimilé salarié, voit l’intégralité de ses dividendes uniquement soumise aux prélèvements sociaux de 17,2 %, sans assujettissement aux cotisations sociales, quel que soit le montant distribué. Ce traitement (apparemment…) plus favorable en SASU explique en partie le choix de cette structure pour optimiser la fiscalité et les charges sociales sur les dividendes à court terme.
Néanmoins, et dans le cas du gérant TNS de SARL, le surplus de cotisations sociales versé est déductible fiscalement et procure surtout un actif social différé en matière de droits à la retraite quand les prélèvements sociaux versés par le président de SASU le sont en pure perte…
Responsabilité du dirigeant
Enfin, la responsabilité du dirigeant face aux dettes sociales est un critère crucial. En cas de difficultés économiques ou de liquidation de l’entreprise, les dirigeants de SARL, qui relèvent de la sécurité sociale des indépendants, sont personnellement responsables des cotisations sociales impayées ; ils peuvent être poursuivis sur leurs biens propres. En revanche, dans une SAS, les dettes sociales restent des dettes de la société, protégeant ainsi le dirigeant d’un passif personnel en cas de défaillance de l’entreprise.
Un choix à la carte… selon le profil du dirigeant
En résumé, le choix entre SARL et SAS dépend fortement de la stratégie personnelle du dirigeant :
- Recherche-t-il une meilleure maîtrise du coût de la rémunération ? La SARL offre un net avantage sur les charges dans le régime obligatoire ;
- Est-il sensible à la qualité de sa protection sociale ? Si la prévoyance en matière d’indemnité journalière est comparable (avec un léger avantage pour le gérant de SARL), le statut d’assimilé salarié de SAS, plus coûteux, est aussi plus protecteur en cas d’invalidité/décès ainsi qu’en matière d’acquisition de droits à la retraite ;
- Veut-il limiter les risques personnels en cas de difficulté économique ? La SAS constitue dans ce cas une option plus sécurisante.
Pour Bertrand Sers : « Ce choix est donc loin d’être anodin et doit être réfléchi en fonction du profil du dirigeant, de ses objectifs patrimoniaux et de son aversion au risque. Une simulation chiffrée est fortement recommandée, réalisée par un expert-comptable, afin de bien appréhender les enjeux en matière de couverture sociale. »