La canicule désormais reconnue comme motif de chômage technique dans le secteur du BTP
Droit du travail. Jusqu’ici exclues, les périodes de canicule ont été reconnues via un décret publié le 28 juin 2024 comme motif officiel de chômage technique dans le BTP, ouvrant la voie à des indemnisations en cas d’arrêt de chantier. Une victoire pour les salariés et les syndicats qui se battaient depuis de longues années pour une reconnaissance de la canicule comme « un facteur de danger nécessitant l’arrêt du travail ».
L’été 2024 sera-t-il aussi chaud que celui de 2023 ? Si pour l’heure, la France n’a pas encore connu d’épisodes de fortes chaleurs prolongés, le mois d’août pourrait bien changer la donne à l’image de ce qu’il s’est passé l’an dernier avec une canicule exceptionnellement tardive du 17 au 24 août. Au total, l’Hexagone avait finalement été marqué par quatre épisodes de canicule.
Sur ces seules périodes, environ 1 500 décès ont été attribués à la chaleur, soit un sur dix. Et si dans son bilan « Canicule et santé », publié le 8 février 2024, l’agence Santé publique France indique que 75 % de ces décès sont survenus chez des populations âgées de 75 ans et plus, elle révèle aussi que 11 accidents du travail mortels en lien possible avec la chaleur ont été notifiés par la Direction générale du travail, dont près de la moitié dans le cadre d’une activité professionnelle de construction et travaux.
Alors que le réchauffement climatique s’accélère, pour mieux prévenir les accidents du travail et leurs conséquences parfois tragiques, les ouvriers du bâtiment et des travaux publics soutenus par les syndicats demandaient depuis longtemps aux pouvoirs publics de reconnaître les « intempéries fortes chaleurs et canicule » dans les conditions atmosphériques énumérées à l’article L.5428-8 du code du travail.
Une avancée majeure pour la santé des travailleurs du BTP
C’est désormais chose faite. Un décret publié au Journal officiel le 28 juin 2024 ajoute la canicule à la liste des conditions météorologiques (neige, verglas, etc.) ouvrant droit au régime spécifique de « chômage intempéries » géré par le réseau congés intempéries BTP, composé de 13 caisses. Le législateur élargit ainsi un dispositif datant des années 1940.
Une nouvelle dont s’est félicité Patrick Blanchard, secrétaire national de la Fédération CFDT Construction et Bois (FNCB). Dans un article publié le 16 juillet dernier sur le média Syndicalisme Hebdo (version numérique de l’hebdomadaire historique des militants de la CFDT), l’intéressé salue cette avancée majeure :
Jusqu’à présent, c’était au cas par cas. Si les organisations syndicales étaient présentes dans l’entreprise, elles pouvaient demander à l’employeur d’arrêter le chantier ou de modifier les horaires de travail, mais rien ne l’y obligeait légalement. Ce n’est plus le cas. »
Une indemnisation avec un niveau de prise en charge particulier
Quid aujourd’hui ? Lorsque Météo France émet une alerte de vigilance canicule orange ou rouge, l’entreprise est désormais dans l’obligation d’interrompre le travail sur les chantiers ou en atelier. Le salarié, lui, est indemnisé à partir du deuxième jour. Le remboursement normal à l’employeur est calculée sur la base de 75 % du salaire horaire dans la limite de 120 % du plafond horaire de la sécurité sociale (soit 34,80 €), la première heure d’arrêt de travail n’étant pas indemnisable.
Le décret prévoit que, pour les arrêts de travail en période de canicule, le montant des indemnités versées aux salariés, pris en compte pour calculer le remboursement à l’employeur, pourrait être révisé à la baisse. Cette baisse est justifiée par la « soutenabilité » du dispositif en période de canicule dans l’hypothèse d’une hausse des sinistres à venir.
À noter également que le décret n’intègre pas pour l’instant les pics de chaleur. À savoir : un épisode bref de chaleur intense (de 24 à 48 heures) durant lequel les températures sont supérieures aux normales de saison pendant lesquels l’entreprise peut maintenir son activité. Ils correspondent au niveau de vigilance canicule jaune activé par Météo France. Plusieurs arrêtés doivent d’ailleurs venir préciser le décret.
(Références : décret 2024-630 du 28 juin 2024 - code du travail, articles D5424-7 et suivants)