Les principaux repères pour analyser un bilan
Analyse. De nombreuses entreprises dont l’exercice comptable se termine au 31 décembre établissent actuellement leur bilan. Pierre Gérard, associé Absoluce, donne les principaux repères qui permettent aux dirigeants eux-mêmes et à leurs partenaires d’analyser la situation de leur entreprise à travers sa lecture.
Pour analyser correctement un bilan sans être expert, il faut d’abord connaître quelques principes fondamentaux, puis identifier les points d’analyse rapides et enfin, savoir comment en optimiser sa présentation.
Les principes fondamentaux à connaître
Avoir en tête que le bilan est la valeur du patrimoine de l’entreprise. Rappelons que le bilan reflète la situation patrimoniale de l’entreprise. Tout ce qu’elle possède figure à l’actif (à gauche !) et tout ce qu’elle doit au passif (à droite).
La différence, qui constitue les capitaux propres que l’on retrouve en haut à droite, représente ce qu’on pourrait définir comme la « dette terminale » de l’entreprise vis-à-vis de ses associés ou actionnaires.
La classification des postes s’organise du moins liquide, en haut, vers le plus liquide, en bas. C’est ainsi qu’à l’actif on trouve les immobilisations en haut et tout en bas les charges constatées d’avance : elles sont tellement liquides qu’elles ont déjà été payées…
Au passif, les dettes seront classées des moins exigibles (emprunts à long terme) aux plus exigibles (les impôts et les produits constatés d’avance).
Savoir que la valorisation des différents postes comptables varie. En effet, les immobilisations sont valorisées à leur coût historique. Comptablement, la valeur d’un matériel, au bilan, sera égale à son prix d’achat minoré du coût de son utilisation (les amortissements).
Dans la pratique, cette valeur comptable peut être sensiblement éloignée de la vraie valeur du bien. Cette valeur minimum se base sur le principe de prudence.
En revanche, les actifs liquides, tels que la trésorerie, représentent bien la vraie valeur de ce que l’entreprise possède. Bien distinguer le fonds de roulement, le besoin en fonds de roulement et la trésorerie.
Le fonds de roulement est la différence entre tous les capitaux dits « permanents » : les capitaux apportés par les associés ou laissés par eux au fil du temps dans l’entreprise (résultats antérieurs) plus les capitaux prêtés à long terme par les financeurs ; et tout ce que l’entreprise a besoin de dé penser comme investissements à long terme.
Si l’entreprise possède plus de capitaux permanents que d’investissements à faire : elle a du fonds de roulement. Le besoin en fonds de roulement (BFR) quant à lui représente tout ce qui est nécessaire d’avancer comme argent pour faire vivre l’entreprise au jour le jour.
Un fabricant de champagne par exemple devra attendre au minimum deux ans pour que sa production arrive à maturation et qu’elle soit vendable.
L’entreprise devra en conséquence financer deux ans de besoin en fonds de roulement. De même, un entrepreneur qui crée sa société devra avoir de la trésorerie initiale pour pouvoir financer le début de son activité et le délai de trésorerie existant entre l’achat du stock, le paiement des clients et le paiement des fournisseurs.
À l’inverse, c’est aussi le BFR qui a permis la réussite de la grande distribution car dans cette activité, le besoin en fonds de roulement est négatif : le client paie immédiatement ses courses en caisse, mais le distributeur règle ses fournisseurs au minimum à un mois d’échéance…
Quels sont les points d’analyse rapide ?
Comment peut-on, en quelques minutes, tirer les principaux enseignements de la lecture d’un bilan ? Un lecteur extérieur regardera :
- Le montant des capitaux propres. C’est, au minimum, la valeur de l’entreprise, sans tenir compte des plus-values latentes, ni de la capacité à faire du résultat futur.
- La trésorerie présente à l’actif.
- La trésorerie présente au passif. Attention, car si l’entreprise possède beaucoup de capitaux propres et encore plus de trésorerie, cela signifie juste qu’elle a de la trésorerie qui dort. On pourrait penser qu’une bonne trésorerie est synonyme de bonne santé financière, mais pas toujours. En résumé, quand une entreprise n’a pas de trésorerie (ou une trésorerie au passif ), ce n’est pas bon signe ; et quand elle en a, ce n’est pas forcément bon signe non plus !
- La trésorerie nette. Elle se calcule en soustrayant les dettes à long terme de la trésorerie. Si la trésorerie à court terme couvre les dettes à long terme, cela est clairement le signe que l’entreprise est en bonne santé, même si elle est endettée. A contrario, si l’entreprise n’a pas de trésorerie mais un million de dettes à rembourser sur dix ans, ce n’est pas forcément alarmant. En revanche elle est fragile, puisqu’elle devra générer au minimum 100 000 € de trésorerie par an pour rembourser l’emprunt (hors intérêts).
- Le ratio d’endettement. Il s’agit du rapport des dettes à long terme sur les capitaux propres. Si par exemple, l’entreprise a 50 000 € de capitaux propres et 50 000 € de dettes : 50 000/50 000 = ratio de 1. Le ratio dettes long terme/ (capitaux propres + dettes long terme) donne le pourcentage d’indépendance de la structure par rapport à ses financeurs (les banques le plus souvent). Avec le même exemple : 50 000/(50 000 + 50 000) = 0,5. La banque a prêté autant que l’actionnaire, elle est « virtuellement propriétaire » de 50 % de l’entreprise.
- Les postes de BFR (variation des stocks, clients et fournisseurs). Il sera intéressant de comparer l’exercice N-1 et l’exercice N. Le montant de ce que les clients doivent n’est en soi pas forcément significatif ; ce qui l’est beaucoup plus est la variation de ce poste. Si cette variation est défavorable parce que les clients paient de plus en plus tard, c’est mauvais signe. En revanche, si la variation augmente mécaniquement parce que le chiffre d’affaires augmente, c’est normal ! Pour financer sa croissance, l’entreprise a besoin de trésorerie. En revanche, ce qui est beaucoup moins intuitif à comprendre, c’est que lorsqu’une entreprise est en décroissance, mécaniquement là encore, elle crée de la trésorerie. Le poste clients diminue car ceux-ci doivent moins d’argent, mais en contrepartie les stocks diminuent, les dettes fournisseurs également mais moins vite que les créances clients car ils sont en prix d’achat. Les dirigeants devront faire très attention, en période de décroissance, à ne pas consommer leur trésorerie, car ils en auront besoin lorsque les affaires repartiront à la hausse.
- Les autres postes. Des postes similaires d’une année sur l’autre, à condition bien sûr que l’entreprise soit en bonne santé, sont rassurants. À l’inverse, si le pourcentage du total d’un poste par rapport au total du bilan varie beaucoup, il conviendra de rechercher les raisons de cette variation.
Comment « optimiser » son bilan ?
- Travailler ses ratios.Le dirigeant vérifiera tous les points ci-dessus. Si le montant de ses capitaux propres est conséquent, qu’il a une bonne trésorerie et une bonne trésorer ie net te, que son rat io d’endettement est maîtrisé et que son BFR est stable, il peut être serein !
- Réfléchir à la possibilité de réévaluer librement ses actifs. Selon les normes comptables, les actifs sont valorisés à leur coût historique. Pour aider les entreprises à faire face aux difficultés engendrées par la crise du Covid, la loi de finances 2021 les autorise, jusqu’aux exercices clos en 2022, à réévaluer leurs actifs, et elle neutralise les conséquences de cette réévaluation sur le résultat imposable. Cette réévaluation des actifs à leur « juste valeur » permet mécaniquement d’améliorer les ratios d’endettement ; les entreprises pourront plus facilement négocier des emprunts bancaires.
- Vendre des liquidités. Un bon moyen d’améliorer son bilan est de vendre des placements offrant une plus-value importante. Les produits financiers ainsi générés con courent à améliorer le résultat, et donc les capitaux propres.
- Travailler le classement des comptes du bilan. Les entreprises qui présentent des comptes individuels (par opposition aux comptes consolidés) et qui appartiennent à un groupe ont tout intérêt à bien travailler l’annexe des comptes sur plusieurs points. Tout d’abord concernant le fonds de roulement, le BFR et la trésorerie, le dirigeant devra soigneusement compléter le tableau détaillant les différents délais de paiement.
Ensuite, dans un groupe, quand une société A prête à une société B, elle devra être attentive à l’endroit où elle classe sa créance : ce peut être soit une créance long terme (qui influera sur le fonds de roulement), soit une créance court terme (qui influera sur le BFR), soit même en trésorerie.
La Banque de France étudie avec attention les différents éléments figurant dans l’annexe et dans la liasse fiscale (répartition des dettes à moins d’un an ou à plus de cinq ans), et notamment les délais de paiement, pour établir son analyse financière.
Par exemple, A et B étant dans un même groupe, l’inscription du compte courant de la société A dans les comptes de la société B figurant dans les dettes à court terme va obérer le BFR ; c’est très dommage si, dans les faits, ladite société A n’attend pas forcément le remboursement de son compte courant dans l’année qui vient.
Il ne s’agit là que des éléments fondamentaux d’analyse d’un bilan que même un dirigeant ou un tiers peut étudier. Bien évidemment, l’analyse d’un bilan peut aller beaucoup plus loin. Le dirigeant aura tout intérêt, avant sa publication, à faire analyser son bilan par un expert-comptable, un banquier, ou un autre professionnel averti afin de recueillir ses commentaires et pouvoir, si nécessaire, rectifier certains éléments.