Les télétravailleurs ont-ils droit aux titres-restaurant ?
Droit du travail. Les salariés en télétravail peuvent-ils bénéficier des titres-restaurant alors qu’ils n’engagent pas de frais supplémentaires de repas puisqu’ils peuvent se restaurer à leur domicile ? Si la question a partagé la jurisprudence pendant des années, la Cour de cassation vient de mettre fin au débat. Explications.
 
Créés en 1967, les titres-restaurant constituent un soutien financier dans le quotidien de plus de 5,2 millions de travailleurs français. Selon les statistiques publiées par la commission nationale des titres restaurants (CNTR) pour l’exercice 2023, plus d’un milliard de titres restaurants ont été émis pour une valeur faciale totale chiffrait à près de 8,5 Md€.
Attribués par plus de 180 000 entreprises, ces derniers ont été utilisés auprès de 235 000 commerçants, dont 150 000 restaurateurs (200 000 estimés), 13 500 grandes et moyennes surfaces, 1 900 détaillants en fruits et légumes et 69 600 autres établissements affiliés (boulangeries, traiteurs, charcuteries...). Exempté de cotisations sociales et patronales et d’impôt sur le revenu, ce dispositif est subventionné par les pouvoirs publics à hauteur d’environ 1,5 Md€ par an.
Des années d’incertitudes jurisprudentielles
L’utilisation des titres de paiement a des limites. Ces derniers ne peuvent être utilisés que dans le département du lieu de travail et les départements limitrophes, avec un plafond quotidien de 25€. Ils ne sont pas utilisables les dimanches, jours de repos et jours fériés. Les salariés absents (arrêt maladie, accident du travail, congés payés, etc.) n’ont ainsi pas droit aux titres-restaurant.
Quid des télétravailleurs ? Autrement dit les salariés qui effectuent leur contrat de travail en dehors des locaux de l’employeur, de façon régulière ou permanente, et donc n’engagent pas (ou peu) de frais supplémentaires de repas ? La question a partagé la jurisprudence pendant des années.
Dès 2021, le ministère du travail indiquait en effet que les télétravailleurs bénéficiaient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les employés travaillant dans les locaux de l’entreprise et que les titres spéciaux de paiement faisaient partie de ces avantages. Le Bulletin officiel de la sécurité sociale a la même position. Cependant, les décisions des tribunaux restaient, elles, divergentes.
Ainsi, pour la cour d’appel de Paris, « les salariés en télétravail pendant le confinement lié à la pandémie de la Covid-19 ne peuvent prétendre aux titres-restaurant en l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, outre qu’aucuns frais de restauration n’ont été engagés par les télétravailleurs pendant la période de confinement » (CA Paris 16 novembre 2023, n° 22/12401).
Une question d’égalité de traitement
Pour d’autres juridictions, les télétravailleurs ont droit aux titres spéciaux de paiement pour chaque jour travaillé pendant lequel le repas est compris dans leur horaire de travail. En octobre dernier, la Cour de cassation a finalement mis fin à la controverse en rendant deux arrêts sur la remise ou non de titres-restaurant à des salariés en télétravail (source : direction de l’information légale et administrative).
Dans les faits, ces affaires portaient sur : l’attribution de titres-restaurant seulement aux employés physiquement présents sur le lieu de travail ainsi que sur la suspension de ces titres de paiement suite à la fermeture du restaurant d’entreprise en raison de la Covid-19.
La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a reconnu, dans les deux cas, « le droit du salarié en télétravail d’obtenir des titres-restaurant ». Le placement en télétravail ne permet donc pas à l’employeur de supprimer cet avantage. En effet, le collaborateur en télétravail « bénéficie des mêmes droits » que le salarié présent physiquement dans l’entreprise conformément à l’article L. 1222-9 du code du travail.
La Cour rappelle que l’unique condition pour obtenir un titre-restaurant est que le repas du salarié soit compris dans son horaire journalier. Ainsi, le télétravail ne peut pas constituer une raison de suppression de ce droit. À noter que suite à ces arrêts, les salariés en télétravail n’ayant pas obtenu de titres-restaurant peuvent réclamer une indemnité correspondant à la participation employeur sur les titres de paiement sur les trois dernières années.
Références : Cass. Soc. 8 octobre 2025 n° 24-12.373 et source : direction de l’information légale et administrative