Licenciement abusif : la Cour de cassation lève des doutes sur l’application du barème d’indemnisation
Jurisprudence. Dans un arrêt du 29 avril 2025, la Cour de cassation vient de juger qu’à partir de la onzième année complète d’ancienneté du salarié, le montant minimal de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui qui est fixé au tableau annexé à l’alinéa 2 de l’article L. 1235-3 du code du travail, en fonction de la durée de l’ancienneté, quel que soit l’effectif de l’entreprise.

Près de huit ans après son instauration par les ordonnances Travail du 22 septembre 2017, le barème Macron fait encore parler de lui. Ce barème permet aux juges de déterminer l’indemnité que doit verser l’employeur à un salarié en cas de licenciement abusif, c’est-à-dire sans cause réelle et sérieuse. Lorsque c’est le cas, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur.
Elle tient compte de la rémunération du salarié et de son ancienneté dans l’entreprise. Le niveau d’indemnisation, exprimée en mois de salaire brut, est strictement encadré : la somme pouvant être versée est soumise à un plancher et à un plafond. Intégré sous forme de tableaux dans l’article L1235-3 du code du travail, l’un pour les employeurs de moins de 11 salariés, l’autre pour ceux de 11 salariés et plus, le barème a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel en 2018. Pour autant, son application a depuis fait l’objet de nombreux débats juridique sur sa conformité au droit international.
La Cour de cassation, dans deux décisions du 11 mai 2022, a pour sa part jugé que le barème n’était pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail. Lequel prévoit qu’en cas de « licenciement injustifié », le juge doit pouvoir ordonner le versement d’une indemnité « adéquate » au salarié. La Haute juridiction, dans un arrêt du 29 avril dernier (Cass. soc. 29 avril 2025 n° 23-23.494) est revenue une nouvelle fois sur l’application de ce barème.
Le premier tableau est en effet général et ne distingue pas selon l’effectif de l’entreprise. Il fixe les montants minimum et maximum de l’indemnité jusqu’à 30 ans d’ancienneté et au-delà. Il prévoit ainsi une indemnité comprise entre 0 et 1 mois de salaire pour un salarié ayant un an d’ancienneté, et une indemnité entre 3 et 20 mois de salaire pour un salarié d’au moins 30 ans d’ancienneté. Le second tableau s’applique, par dérogation, aux entreprises de moins de 11 salariés, et détermine les seuls montants minimaux pour les salariés dont l’ancienneté varie de moins d’un an (aucune indemnité minimale) à 10 ans (indemnité minimale de 2,5 mois de salaire).
Des doutes persistants dans la pratique
La combinaison de ces deux tableaux pour un salarié ayant plus de 10 ans d’ancienneté dans une entreprise de moins de 11 salariés a pu susciter des incompréhensions. Dans l’affaire jugée récemment par la Cour de cassation, le salarié justifiait d’une ancienneté de 16 années et un mois et l’entreprise employait moins de 11 salariés. La cour d’appel s’était donc référée au barème prévu pour les entreprises de moins de 11 salariés pour déterminer le montant de l’indemnité minimale, soit 2,5 mois de salaire brut, correspondant à la dernière ligne du barème.
Pour la Cour de cassation, cette interprétation est erronée. L’indemnité ne diffère en fonction de l’effectif de l’entreprise que jusqu’à 10 années d’ancienneté. À partir de la onzième année, l’effectif de l’entreprise n’est plus pris en compte et c’est le barème général qui doit être appliqué. Le salarié avait donc droit à l’indemnité prévue pour 16 années d’ancienneté, soit entre 3 et 13,5 mois de salaire.
Une baisse des indemnités versées
Pour mémoire, le barème des indemnités des licenciements sans cause réelle et sérieuse institué par les ordonnances Travail poursuivait deux objectifs :
- Lever les freins au recrutement, en accroissant la prévisibilité des décisions rendues et en sécurisant les entreprises, notamment les TPE-PME, au regard des risques liés à la rupture du contrat de travail.
- Renforcer l’égalité de traitement devant la justice et faciliter la résolution des litiges, notamment en incitant à la conciliation et en diminuant le taux d’appel (taux supérieur à 60 %).
Dans la pratique et sans grande surprise, selon le rapport du comité d’évaluation des ordonnances Travail, publié en 2021, l’application de ce barème a avant tout conduit à une baisse des montants des indemnités, concentrée surtout sur les salariés ayant peu d’ancienneté – entre deux et cinq ans.
Depuis son entrée en vigueur, l’indemnité moyenne de licenciement sans cause réelle et sérieuse est en effet légèrement plus faible : elle est de 6,6 mois de salaires contre 7,9 mois auparavant. L’indemnité médiane a diminué également passant de 6,5 mois antérieurement à 6 mois désormais.