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Loi de finances pour 2025 : ce qui change pour les entreprises

Fiscalité. Du fait de l’adoption d’une motion de censure, la loi de finances pour 2025 n’a pu être votée dans les délais habituels, laissant les acteurs économiques dans l’incertitude. Le texte a finalement été promulgué le 14 février dernier. Philippe Hupé et Bertrand Sers, associés fiscalistes chez Walter France, en décryptent les principales dispositions applicables aux entreprises.

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La Loi de finances pour 2025 contient de nombreuses dispositions qui affectent les entreprises. Et notamment les Jeunes Entreprises Innovantes dont les dépenses de R&D devront représenter désormais au moins 20 % des charges. (©Pixabay)

Promulguée le 14 février dernier, la loi de finances pour 2025 contient plusieurs dispositions qui affectent parfois de façon importante la vie des entreprises. Fiscalistes chez Walter France, réseau de cabinets indépendants d’expertise-comptable, d’audit et de conseil, Philippe Hupé et Bertrand Sers, en ont dressé un petit florilège à l’occasion d’un webinaire qui a rassemblé plus de 300 entrepreneurs.

Contribution exceptionnelle sur les bénéfices

L’une des dispositions majeures de la loi de finances pour 2025 concerne la création d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices. Elle ne concerne cependant que les grandes entreprises qui réalisent plus d’1 Md€ de chiffre d’affaires. Elle est calculée sur une moyenne de l’IS (impôt sur les sociétés) des deux derniers exercices comptables, et son taux est de 20,6 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 Mds€, et de 41,2 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur 3 Mds€. Il existe un dispositif de lissage permettant de limiter les effets de seuils.

Signalons que pour cet impôt, il est possible d’imputer des crédits d’impôts. Comme pour la contribution exceptionnelle pour les hauts revenus pour les particuliers, la logique est d’empêcher l’optimisation fiscale pour les « très riches » ! Par ailleurs, un acompte par anticipation de 98 % devra être réglé en fin d’année. Selon Bercy, cette surtaxe devrait rapporter 8 Mds€ au budget de l’État.

Adhésion à un centre de gestion agréé

Rappelons que l’adhésion à un centre de gestion agréé (CGA) ou à une association de gestion
agréée
(AGA) permettait aux TPE de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu pouvant aller jusqu’à 915 €, pour les dépenses de tenue de comptabilité et d’adhésion à ces organismes. Cet avantage est supprimé à compter de l’imposition des revenus 2025. Cette suppression remet en cause l’intérêt, pour les TPE, d’adhérer à un tel organisme…

Évolution du crédit impôt recherche

La loi de finances pour 2025 aménage le crédit d’impôt recherche en supprimant la prise en compte d’un certain nombre de dépenses. A été notamment supprimée la possibilité de doubler les dépenses liées à la première embauche des doctorants durant les 24 premiers mois. Par ailleurs, jusqu’à présent, le taux forfaitaire de prise en compte des dépenses de fonctionnement était de 43 % des dépenses de personnel. Ce taux est abaissé à 40 %.

De surcroît, certaines dépenses ne peuvent plus être prises en compte, notamment :

  • toutes les dépenses liées aux brevets : frais de prise et de maintenance des brevets, dotations aux amortissements de brevets, etc.
  • les entreprises pouvaient affecter jusqu’à 60 000 € de dépenses liées à la veille technologique ; cette « enveloppe » a été supprimée.

Une incertitude demeure : la loi de finances ayant été promulguée le 14 février, on ne sait pas si ces dispositions s’appliquent à compter du 15 février, ou pour toute l’année 2025. Par ailleurs, la loi de finances pour 2025 précise la notion de « subvention publique » : il s’agit de toutes les aides versées par les personnes morales de droit public ou par les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public.

Prorogation du crédit d’impôt innovation

Un temps menacé, le crédit d’impôt innovation est finalement prorogé de trois ans jusqu’au 31 décembre 2027. C’est une bonne nouvelle pour les PME, même s’il évolue lui aussi dans le sens où le taux des dépenses éligibles passe de 30 à 20 %, et toujours dans la limite de 400 000 € à compter du 1er janvier 2025.

Seuils rabaissés pour les auto-entrepreneurs

Les auto-entrepreneurs ne déclarent pas la TVA, et ne la collectent pas non plus, à condition qu’ils ne dépassent pas un certain montant de chiffre d’affaires. Ces seuils allaient de 36 800 à 101 000 € selon la nature de l’activité. Ils sont drastiquement rabaissés à un plafond unique de 25 000 €, et sans distinction entre la nature des activités exercées. Ce faisant, la France fait le choix de s’aligner sur les seuils européens.

Près de 350 000 entrepreneurs sont concernés par cette mesure qui va entraîner une complexité accrue, obligeant certains d’entre eux à faire une déclaration de TVA. Selon la Fédération nationale des auto-entrepreneurs et micro-entrepreneurs (FNAE), un auto-entrepreneur sur cinq devrait ainsi basculer dans le régime réel de comptabilité. Face à la contestation qu’elle a soulevée, cette disposition de la loi de finances est suspendue jusqu’au 1er juin 2025. Fortement mobilisée, la FNAE organise le 3 mai dans 22 villes de l’Hexagone, dont Toulouse, une grande manifestation pour exiger l’abrogation de la baisse du seuil de TVA.

Régime simplifié d’imposition pour la TVA

Jusqu’à présent, les entreprises qui ont choisi le régime simplifié d’imposition de TVA versaient deux acomptes dans l’année et une régularisation en mai de l’année suivante. La loi de finance réforme ce mécanisme à partir de 2027. Il n’y aura plus de notion d’acompte. L’entreprise devra faire des déclarations mensuelles, comme dans le régime du réel normal. Toutefois si son chiffre d’affaires se situe en dessous d’un seuil d’1 M€, elle pourra opter pour des déclarations trimestrielles. Cela évitera à ces entreprises des problématiques de trésoreries.

Lutte contre la fraude à la TVA

Dans le cadre de la lutte contre la fraude à la TVA, pour prouver que leur logiciel de caisse était conforme, les commerçants pouvaient jusqu’alors fournir une attestation individuelle émanant de l’éditeur du logiciel. La loi de finances supprime cette possibilité. Désormais, les éditeurs doivent obtenir un certificat délivré par un organisme accrédité attestant que leur logiciel est conforme, et le fournir à leurs clients commerçants.

Suppression de la CVAE repoussée

En vue de diminuer les impôts de production, le gouvernement s’étend engager à supprimer la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) d’ici 2027, via une baisse progressive de son taux. Compte tenu de l’état des finances publiques, d’une part cette suppression a été reportée de trois ans et ne sera effective qu’en 2030 ; et d’autre part, le taux de 2025 sera finalement identique à celui de 2024 : 0,28 %.

Mais ce taux de 0,28 % n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît… En effet le taux voté initialement pour 2025 était de 0,19 %. Techniquement, il ne pouvait plus être modifié. Pour faire rentrer de l’impôt, une taxe additionnelle pour 2025 a été votée, égale à 47,4 % de la CVAE due. Faites le calcul : cela revient à un taux de 0,28 %.

Cette petite complexité aura une incidence sur le paiement de cette cotisation : un acompte sera dû en juin sur la base du taux initial de 0,19. Et en septembre 2025, un autre acompte devra être versé sur la base du taux de 0,19 et un autre sur la totalité de la contribution différentielle. Attention donc à bien calculer le montant exigible en septembre !

Critères durcis pour les JEI

Les Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) créées jusqu’en 2024 pouvaient bénéficier d’exonérations sur l’IS, sur les impôts locaux et sur les cotisations sociales sous réserve de réaliser des dépenses de recherche et développement représentant au moins 15 % des charges. La loi de finances pour 2024 a créé une sous-catégorie : les Jeunes Entreprises de Croissance (JEC), avec un taux de dépenses de R&D moins important, entre 5 et 20 %, et en parallèle des avantages moins importants. Ces entreprises peuvent certes bénéficier d’exonération sur les impôts locaux et sur les cotisations sociales, mais pas sur l’impôt sur les bénéfices.

Pour être exonérées de cotisations sociales, les JEI doivent désormais consacrer 20 % de leurs
dépenses à la recherche et au développement, contre 15 % précédemment. En conséquence, les JEI qui n’atteignent pas le taux de 20 % perdront certains avantages fiscaux et "tomberont" de facto sous le statut des JEC. Ces dispositions sont applicables depuis mars 2025.