Maladie pendant les congés payés : la Cour de cassation vient de trancher
Ressources humaines. Le salarié en arrêt maladie pendant ses congés payés a droit au report de ces jours de congés dès lors que l’arrêt maladie est notifié à l’employeur. C’est ce que vient de juger la Cour de cassation dans un arrêt très attendu du 10 septembre 2025.
C’est l’épilogue d’un long feuilleton juridique. La Cour de cassation opère enfin un revirement de sa jurisprudence de 1996 concernant les droits du salarié malade pendant ses congés payés. Jusqu’à présent, aucun pourvoi ne lui avait permis de se prononcer sur cette question.
L’évolution du droit
Aucune disposition légale ne prévoit les conséquences d’un arrêt maladie empêchant le salarié de bénéficier de ses congés payés. Ce vide législatif a été comblé par la jurisprudence qui, depuis un arrêt de la Cour de cassation de 1996, établit une distinction selon que la maladie survient avant ou pendant les congés payés.
Le salarié en arrêt maladie avant le départ en congé payés pouvait reporter ses congés après sa guérison. En revanche, un arrêt maladie pendant la prise des congés ne donnait aucun droit au salarié. La Cour de cassation considérait que l’employeur était réputé avoir rempli ses obligations en versant l’indemnité de congés payés et que le salarié ne pouvait exiger le report des jours de congés dont il n’avait pas pu profiter du fait de sa maladie.
La justice européenne considère au contraire que le congé annuel est un droit essentiel du salarié, destiné à lui permettre de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Un arrêt maladie répond à la nécessité de permettre au salarié de se soigner et de se rétablir d’une maladie entraînant une incapacité de travail. Aussi, une incapacité de travail survenant pendant un congé annuel ne peut entraîner la perte du droit à congé.
La Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction pour manquement à la directive européenne sur le temps de travail (Directive 2003/88/CE) et mis la France en demeure de se mettre en conformité avec les règles de l’Union économique en prévoyant un droit au report des congés d’un salarié malade pendant ses congés payés.
La loi du 22 avril 2024 a institué un droit au report des congés pendant une période de quinze mois en faveur des salariés privés de tout ou partie de leurs congés en raison d’une maladie ou d’un accident survenant avant la période des congés payés (Code du travail, article L 3141-19-1). Il restait donc encore à aligner sur le droit européen le cas des arrêts maladie survenant pendant la prise des congés. C’est ce que fait l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 (Cass. Soc. 10 septembre 2025 n° 23-22.732).
Les faits
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une salariée à temps partiel (1,5 jour par semaine) a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement d’heures complémentaires. De son côté, l’employeur a formé une demande reconventionnelle pour être remboursé de jours de congés payés dont la salarié a bénéficié au-delà de ses droits à congés (la salariée prenait l’ensemble des vacances scolaires). L’employeur décompte 171 jours de congés indûment payés au cours des trois dernières années du contrat de travail.
En première instance, la salariée est condamnée à rembourser plus de 58 K€ de congés excédentaires. La cour d’appel confirme le jugement mais retient qu’il convient de déduire du décompte des congés excédentaires, 20 jours correspondant à des arrêts maladie pendant les congés. La cour d’appel fait ainsi application de la jurisprudence européenne. La condamnation de la salariée est ramenée à 39,4 K€.
La Cour de cassation approuve la cour d’appel pour avoir jugé que les arrêts maladie ne pouvaient pas réduire le nombre de jours de congés payés, dès lors que les arrêts maladie avaient été notifiés à l’employeur. Avec de revirement de jurisprudence, un arrêt maladie intervenant pendant la prise des congés payés ouvre désormais au salarié le droit au report des jours congés coïncidant avec la maladie. La Cour précise aussi que, pour bénéficier du report des jours de congés, il est nécessaire que le salarié ait notifié son arrêt maladie à l’employeur.
Conséquences pratiques
La nouvelle jurisprudence s’applique dès les litiges en cours pour des situations passées. Dès lors que la notification de l’arrêt de travail a été effectuée dans les 48 heures, le salarié a droit au report des congés. Les salariés concernés peuvent agir pour obtenir le report de leurs jours de congés notifiés à leur employeur, soit dans les deux ans (prescription biennale), soit, si le contrat de travail est rompu, dans les trois ans de l’expiration de la période de prise des congés payés (prescription triennale des actions en paiement des salaires).
Si l’employeur a suivi la jurisprudence antérieure, il n’a pas accordé le report des congés et le salarié a cumulé l’indemnité de congé payé et les indemnités journalières de sécurité sociale.
Selon la nouvelle jurisprudence, le salarié malade pendant ses congés aurait dû percevoir le complément légal de salaire de l’employeur et non l’indemnité de congé payé.
En effet, le contrat de travail étant suspendu pendant un arrêt maladie notifié, l’indemnité de congé payé n’est pas due. L’employeur peut agir en répétition de l’indemnité de congé payé versée à tort. La Cour de cassation précise à cet égard que l’employeur dispose pour agir du délai de trois ans à partir de la date du paiement.
Rappelons que les indemnités de la sécurité sociale sont versées après un délai de carence de trois jours et le complément légal de l’employeur à partir du huitième jour d’arrêt. Il est donc possible que la solution entraîne une perte de revenu pour le salarié.
Organisation du report des congés
Il convient de se conformer aux dispositions de la loi du 22 avril 2024 (n° 2024-364) qui a instauré une période de quinze mois au cours de laquelle le salarié peut reporter les congés qu’ils n’a pas pu prendre en raison d’une maladie. La même loi a également prévu que tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à des congés payés. Pour une maladie non professionnelle, le salarié n’a droit qu’à deux jours ouvrables de congé par mois (contre 2,5 normalement), dans la limite de 24 jours par période de référence.
À l’issue de l’arrêt de travail, l’employeur doit fournir au salarié des informations sur la date jusqu’à laquelle les congés reportés peuvent être pris et sur le nombre de jours de congé acquis.
Cette information doit être faite dans le mois suivant la reprise du travail par tout moyen, en pratique au moyen du bulletin de paie. L’obligation d’information s’impose quelle que soit la durée de l’arrêt de travail et même s’il n’a pas de conséquence sur les droits à congés payés.