Nouveauté en droit de la famille : de l’indignité successorale à l’indignité matrimoniale
Droit. Inspirée de l’indignité successorale, la loi du 31 mai 2024 crée une indignité matrimoniale à l’égard des conjoints condamnés pour avoir attenté à la vie ou à l’intégrité physique de l’époux.
La loi de justice patrimoniale au sein de la famille du 31 mai 2024 crée une indignité matrimoniale à l’encontre des personnes condamnées pour avoir attenté à la vie de leur conjoint, lui avoir fait subir des violences, des sévices ou des injures graves.
Cette disposition s’inspire de l’indignité successorale, qui exclut de la succession l’auteur des mêmes faits répréhensibles, conjoint ou autre successible, ou encore de l’ingratitude qui permet la révocation d’une donation. La loi 2020-936 du 30 juillet 2020 a en outre étendu l’indignité successorale aux conjoints condamnés pour des violences conjugales (violences, viol, agression sexuelle, tortures et actes de barbarie).
Le législateur a souhaité élargir le dispositif en créant une indignité matrimoniale pour permettre la déchéance des avantages matrimoniaux dont peut bénéficier l’époux auteur des faits (code civil, articles 1399-1 et 1399-2). La loi est entrée en vigueur le 2 juin 2024. Elle s’applique à toutes les conventions matrimoniales, qu’elles aient été conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi.
Définition des avantages matrimoniaux
Le code civil ne précise pas ce qu’est un avantage matrimonial. On peut définir l’avantage matrimonial comme étant le profit procuré à un époux par rapport à l’autre et qui résulte du seul fonctionnement du régime matrimonial (régime de communauté) et du contrat de mariage.
Citons les clauses prévoyant un partage inégal de la communauté ou une attribution intégrale des biens communs, les clauses d’exclusion des biens professionnels, ou encore les clauses de préciput.
La clause de préciput permet à l’un des époux de prélever sur la communauté un bien, tel le logement ou un meuble, ou une somme d’argent. La clause de prélèvement de biens communs permet les mêmes prélèvements moyennant indemnisation de la communauté. La clause de prélèvement de biens propres permet à un époux de se voir attribuer d’un bien propre du conjoint, lors du partage de la communauté en cas de décès.
Déchéance des avantages matrimoniaux
La déchéance des avantages matrimoniaux n’a d’effet que pour les avantages qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial par le divorce ou au décès d’un des époux. Pour des raisons de sécurité juridique, notamment à l’égard des tiers, la déchéance ne s’applique pas aux avantages matrimoniaux ayant pris effet au cours du mariage. La nouvelle loi prévoit deux régimes de déchéance des avantages matrimoniaux, déchéance de plein droit et déchéance prononcée judiciairement.
La déchéance est de plein droit lorsque l’époux est condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort à son conjoint ou commis des violences ayant entraîné sa mort sans intention de la donner (Code civil, article 1399-1). Cette déchéance s’applique même en cas de décès de l’époux auteur des faits, par suicide notamment, et que l’action publique n’a pas pu être exercée ou s’est éteinte.
La déchéance peut être prononcée judiciairement à la demande de l’époux victime, des héritiers ou du ministère public. Il en est ainsi en cas de condamnation de l’époux pour des faits de violences volontaires, viol, agression sexuelle, tortures, actes de barbarie, commis envers son conjoint. Il en est de même en cas de condamnation pour témoignage mensonger contre le conjoint dans une procédure criminelle, de dénonciation calomnieuse pour les faits encourant une peine criminelle, ou encore en cas d’abstention volontaire d’empêcher une agression ayant entraîné la mort du conjoint, alors qu’aucun risque n‘était encouru (code civil, articles 1399-2 et 1399-3).
Restitution des fruits
La déchéance des avantage matrimoniaux (de plein droit ou judiciaire) s’accompagne de la restitution de tous les fruits et revenus résultant des avantages matrimoniaux dont l’époux condamné aurait eu la jouissance entre la dissolution du régime matrimonial et sa liquidation (code civil, article 1399-4). Alors que l’indignité successorale prévoit une possibilité de pardon de la part de la victime, aucun pardon n’est possible compte tenu de la situation d’emprise qui existe souvent dans les situations de violences conjugales.