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Présomption de démission en cas d’abandon de poste : le Conseil d’Etat précise les conditions

Jurisprudence. Dans une décision datée du 18 décembre 2024, le Conseil d’État rappelle que pour que la présomption de démission soit retenue en cas d’abandon de poste, la mise en demeure adressée au salarié par l’employeur doit indiquer les conséquences de l’absence de reprise du travail sans motif légitime.

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Selon la Dares, au 1er semestre 2022, environ 70 % des licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé étaient ainsi motivés par un abandon de poste. Cela représente 123 000 salariés, dont 116 000 en CDI. (©Pixabay)

Un abandon de poste décrit une situation dans laquelle un salarié quitte son poste de travail sans avoir prévenu ou obtenu l’autorisation de son employeur. Jusqu’en 2022, il pouvait donner lieu à un licenciement ou une rupture anticipée de CDD pour faute grave ou lourde et permettait potentiellement d’ouvrir un droit à l’assurance chômage. Selon la Dares [1], au 1er semestre 2022, environ 70 % des licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé étaient ainsi motivés par un abandon de poste, représentant 123 000 salariés, dont 116 000 en CDI.

Ces règles ont été modifiés par la loi du 21 décembre 2022. Elle a en effet instauré un dispositif de présomption de démission du salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans le délai fixé par l’employeur.

Quid de l’existence d’un motif légitime

Les modalités d’application de cette nouvelle procédure ont été fixées par le décret du 17 avril 2023. Des syndicats ont alors saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation du décret. La haute juridiction vient de se prononcer dans un arrêt daté du 18 décembre 2024.

Le Conseil d’État souligne que, comme le décret le rappelle, l’abandon de poste ne peut pas être considéré comme volontaire en cas de motif légitime, par exemple des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation, ou des modifications du contrat à l’initiative de l’employeur. La présomption de démission ne peut donc jouer dans ces situations.

Informer le salarié des conséquences

En outre, cette loi prévoit l’envoi par l’employeur d’une mise en demeure au salarié qui a abandonné son poste. Cette mise en demeure a pour objet de s’assurer du caractère volontaire de l’abandon de poste du salarié, en lui permettant de justifier son absence ou de reprendre le travail dans le délai fixé.

S’agissant de l’abandon de poste dans la fonction publique, le Conseil d’État avait déjà jugé que, pour que la démission de l’employé puisse être présumée, ce dernier devait nécessairement être informé des conséquences que pouvait avoir l’absence de reprise du travail sans motif légitime. Dans cette nouvelle décision, le Conseil d’État adopte la même position pour les salariés du privé, même si le décret ne l’avait pas explicitement précisé.

Le Conseil d’État n’apporte toutefois pas de précision sur l’information à donner au salarié. Aussi, est-il conseillé aux employeurs d’indiquer qu’à défaut de réponse, de motif légitime d’absence ou de reprise du travail dans le délai imparti, le salarié est présumé démissionnaire et que son contrat de travail est rompu. Il est également prudent d’indiquer les conséquences de la démission sur le préavis et l’absence d’indemnisation du chômage.

[1(Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques)