Qualité d’associé du conjoint commun en biens : anticipez les potentielles discordes !
Jurisprudence. Dans un arrêt du 12 mars 2025, la Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles le conjoint d’un époux marié sous le régime de la communauté qui a utilisé des biens communs pour réaliser un apport en société, peut revendiquer la qualité d’associé… ou bien y renoncer.

Dans un couple marié sous le régime légal de la communauté, un conjoint ne peut pas employer des biens du patrimoine commun pour acquérir des parts sociales ou faire un apport à une société, sans en avertir l’autre conjoint. L’acte d’acquisition doit le justifier.
Cette obligation d’information du conjoint, qui résulte de l’article 1832-2 du code civil, est destinée à lui permettre de bénéficier de son droit à être reconnu comme personnellement associé pour la moitié des parts sociales acquises. Le conjoint doit notifier à la société son intention d’être reconnu associé, soit lors de l’apport ou de l’acquisition des parts, soit postérieurement.
Une renonciation tacite
Le conjoint peut aussi renoncer à revendiquer la qualité d’associé. Cette renonciation peut être formalisée dans un document ou être simplement tacite, étant entendu que l’inaction ou le silence ne valent pas renonciation. La renonciation est irrévocable.
Dans un arrêt du 12 mars 2025 (Cass. com. 12 mars 2025 n° 23-22.372), la Cour de cassation vient de préciser les conditions de cette renonciation, ceci afin de protéger les droits du conjoint revendiquant la qualité d’associé.
Dans cette affaire, l’épouse a créé avec l’apport de biens de la communauté une société de transports dont elle devient la gérante. Son conjoint notifie à la société sa revendication d’être reconnu associé pour la moitié des parts sociales. Par la suite, son épouse refusant de lui communiquer les comptes de la société, il saisit la justice pour faire constater sa qualité d’associé et obtenir communication des comptes sociaux.
L’épouse conteste sa demande en faisant valoir un accord familial selon lequel chaque époux constituait sa propre société, de manière concomitante et indépendante, sans que l’autre en soit associé. D’où il résulterait que chacun avait renoncé à revendiquer la qualité d’associé dans la société de l’autre.
La Cour de cassation balaie l’argument d’un revers de main. Elle rappelle que si un époux peut effectivement renoncer à la qualité d’associé, la renonciation doit résulter « d’un comportement sans équivoque, incompatible avec le maintien du droit du conjoint d’être reconnu associé ».
Mais sans équivoque
Or, en l’espèce, l’accord familial, invoqué par l’épouse mais non établi, est insuffisant pour démontrer une renonciation sans équivoque à la qualité d’associé de la société du conjoint. L’époux n’avait donc pas renoncé à son droit.
La haute juridiction ajoute qu’en l’absence de toute clause d’agrément prévue aux statuts de la société, susceptible de faire obstacle à la revendication de la qualité d’associé, le conjoint avait donc bien la qualité d’associé lui donnant droit à la communication des comptes sociaux.
Une jurisprudence qui doit conduire les praticiens à anticiper. C’est le conseil que donne Nadège Jullian, professeure agrégée de droit privé à l’École de Droit de Toulouse, dans un post sur le réseau social Linkedin.
Selon la juriste, pour éviter ce type de situation il conviendra d’acter « une renonciation expresse pour éviter toute contestation » et de prévoir « une clause d’agrément couvrant spécifiquement cette situation. »