Quelle protection pour la résidence principale de l’entrepreneur individuel ?
Défaillance professionnelle. Entrepreneurs, votre résidence principale est-elle à l’abri de vos créanciers ? Depuis l’entrée en vigueur du statut unique de l’entreprise individuelle, le patrimoine personnel du chef d’entreprise est protégé. Mais jusqu’où s’étend cette protection ? On fait le point sur la question.
Depuis le 15 mai 2022, un nouveau statut unique d’entrepreneur individuel est entré en vigueur pour toute création d’entreprise individuelle. Il supprime progressivement le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limité (EIRL). L’un des principaux apports de ce nouveau statut est qu’il instaure une protection du patrimoine personnel.
Le statut unique de l’entreprise individuelle opère en effet une séparation de plein droit entre biens professionnels et biens personnels (code de commerce, article L 526-22).
Aucune formalité n’est à accomplir pour identifier les biens professionnels, ni déclaration ni état descriptif. Le patrimoine professionnel est composé de tous les biens, corporels ou incorporels, droits, obligations et sûretés, dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à l’activité professionnelle. Ces biens sont ceux qui servent à cette activité, par nature, par destination ou en fonction de leur objet (code de commerce, article R 526-26). Ce patrimoine constitue le seul gage des créanciers professionnels.
Le patrimoine personnel, protégé des créanciers professionnels, comprend tous les autres biens, et en particulier la résidence principale de l’entrepreneur. En cas de liquidation judiciaire, la résidence principale ne constitue pas le gage commun des créanciers et le liquidateur ne peut pas la saisir pour la faire vendre aux enchères.
Avant l’entrée en vigueur du statut unique de l’entreprise individuelle, deux autres dispositifs ont été institués pour protéger la résidence principale des créanciers professionnels : l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale et la déclaration notariée d’insaisissabilité. Ces deux dispositifs sont toujours en vigueur et conservent un intérêt, même s’il reste marginal.
Insaisissabilité de plein droit
Depuis la loi du 6 août 2015 n° 2015-990, la résidence principale de l’entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit (code de commerce, article L 526-1). Cette disposition conserve son intérêt pour les créances nées avant l’entrée en vigueur de la séparation des patrimoines, le 15 mai 2022.
Les créanciers antérieurs, professionnels et personnels, disposent d’un droit de gage général sur l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur, mais les créancier professionnels ne peuvent pas saisir la résidence principale (dès lors que leur créance est née à compter de l’entrée en vigueur de l’insaisissabilité de plein droit, le 8 août 2015).
Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour l’activité professionnelle, la partie qui n’est pas affectée à l’activité est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire. Inversement, la séparation des patrimoines est sans effet pour les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité (code de commerce, article. L 526-22).
Déclaration notariée d’insaisissabilité
Depuis la loi du 1er août 2003 n° 2003-721, l’entrepreneur individuel peut déclarer par acte notarié sa résidence principale insaisissable par ses créanciers professionnels. Cette faculté a été étendue par la loi 2008-776 du 4 août 2008 à tout bien immobilier non affecté à l’usage professionnel. Elle peut donc être utilisée pour protéger une résidence secondaire (code de commerce, article L 526-1).
Exceptions volontaires à la séparation des patrimoines
La limitation du gage des créanciers professionnels peut constituer une difficulté d’accès au crédit et nécessiter d’engager la résidence principale. L’entrepreneur individuel peut renoncer à la séparation de ses patrimoines en faveur d’un créancier particulier, pour une créance déterminée.
La renonciation est faite à la demande écrite du créancier. L’entrepreneur dispose d’un délai de réflexion de sept jours francs, ou trois jours si l’entrepreneur ajoute à sa signature une mention manuscrite spécifique (code de commerce, article L 526-25).
Le créancier pourra ainsi se faire payer sur tous les biens de l’entrepreneur, professionnels et personnels. L’entrepreneur peut cependant demander au créancier de saisir en priorité les biens du patrimoine professionnel à condition qu’ils soient suffisants pour garantir le paiement de la créance. Le créancier peut refuser cette demande (code des procédures civiles d’exécution, article L 161-1).
L’entrepreneur individuel peut aussi continuer à garantir une dette professionnelle par un élément de son patrimoine personnel. Il peut ainsi consentir au créancier une hypothèque sur sa résidence principale. Bien entendu, les garanties consenties avant le commencement de l’activité professionnelle sur la résidence principale conservent leur effet.
Dettes fiscales et sociales
La résidence principale n’est pas protégée vis à vis de l’administration fiscale et des organismes de cotisations sociales. Les dettes fiscales et sociales sont professionnelles par nature et ne sont en principe recouvrables que sur la patrimoine professionnel. L’administration fiscale bénéficie cependant d’un droit de gage général sur l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur, professionnel et personnel, pour l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux (CSG, CRDS) et la taxe foncière sur les immeubles professionnels.
Les organismes de sécurité sociale bénéficient du même droit de gage pour le recouvrement des cotisations sociales et du versement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu des auto-entrepreneurs.
En cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées par l’entrepreneur de ses obligations fiscales ou sociales, tant en matière professionnelle que personnelle, toutes les dettes fiscales et sociales peuvent être recouvrées sur l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur, professionnel et personnel, y compris la résidence principale.