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Rapport de durabilité des entreprises : les commissaires aux comptes aux avant-postes

Développement durable. Transposée en droit français depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne CSRD, qui vise à homogénéiser et standardiser les reportings extra financiers, requiert des entreprises dépassant certains seuils de publier un rapport de durabilité traduisant leur politique RSE. Selon Laure Mulin, présidente de la CRCC de Toulouse, elle constitue également pour les PME une opportunité d’améliorer leurs performances.

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Photo de vapeur s'échappant d'une usine
Depuis 1er janvier 2024 (rapport publié en 2025 sur l’exercice 2024), certaines grandes entreprises d’intérêt public (cotées sur un marché règlementé, banques, assurances) avec plus de 20 M€ de total bilan ou plus de 40 M€ de chiffre d’affaires et plus de 500 salariés sont concernées par la directive CSRD (©Pixabay).

Depuis plusieurs années, les commissaires aux comptes accompagnent les entreprises dans leurs démarches RSE à travers leurs missions de diagnostics, de vérification et d’attestations. Aujourd’hui leur champ d’intervention s’élargit et se diversifie avec l’application de la CSRD en droit français.

Pourquoi la CSRD ?

La CSRD est la mise à jour de l’actuelle Non financial reporting directive (NFRD), qui en 2014, a créé des obligations de reporting et de transparence sur les sujets de durabilité pour un certain nombre d’entreprises européennes. La NFRD laissait une marge de manœuvre importante dans la mise en œuvre des obligations de reporting. Cela s’est traduit par une information hétérogène, couteuse à produire et parfois même trompeuse ou source de confusion.

La CSRD s’inscrit dans la volonté d’orienter les capitaux vers des activités plus durables, c’est-à-dire respectueuses de l’environnement et prenant en compte les droits humains. Cette transition vers une économie responsable nécessite une information fiable et la réglementation actuelle ne permettait pas la divulgation d’informations homogènes, comparables et de qualité.

Directive CSRD, qui est concerné ?

Transposée en droit français depuis le 1er janvier, la directive européenne CSRD requiert des entreprises dépassant certains seuils de publier un rapport de durabilité traduisant leur politique et leur performance en termes de RSE. Toutefois, un calendrier d’application progressive a été mis en place :

  • Au 1er janvier 2024 (rapport publié en 2025 sur l’exercice 2024) sont concernées certaines grandes entreprises d’intérêt public (cotées sur un marché règlementé, banques, assurances) avec plus de 20 M€ de total bilan ou plus de 40 M€ de chiffre d’affaires et plus de 500 salariés ;
  • Au 1er janvier 2025 (rapport publié en 2026 sur l’exercice 2025), sont concernées les grandes entreprises répondant à deux de ces trois critères : plus de 250 salariés ; plus de 40 M€ de CA ; plus de 20 M€ de total bilan [1]
  • Au 1er janvier 2026 (rapport publié en 2027 sur l’exercice 2026), sont concernées les PME cotées sur un marché règlementé.

Une opportunité pour les PME

Les PME, quant à elles, sont à ce jour en dessous des seuils d’obligation. Bien qu’elles ne soient pas directement concernées, cette obligation entraînera des répercussions sur les PME. Elles pourront être sollicitées par leurs fournisseurs et leurs clients. Elles doivent s’attendre à une augmentation des demandes et des exigences d’information et de reporting RSE. Le rapport de durabilité des PME constitue donc une démarche volontaire, mais largement encouragée.
Or, explique Laure Mulin, présidente de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) de Toulouse :

Quels que soient leur taille, leur chiffre d’affaires, leur nombre de salariés ou leurs ambitions, la directive européenne CSRD constitue une réelle opportunité pour les entreprises d’améliorer leur performance. En effet, cela leur permet plusieurs actes et engagements, tels que : pérenniser leurs activités en limitant leur exposition aux risques (climatiques, sociaux, réputationnels…) et limiter les coûts futurs, innover et faire évoluer leur modèle économique en transformant les risques en opportunités d’affaires, augmenter leur attractivité auprès des talents, améliorer leur image de marque pour les clients et les consommateurs, valoriser leur structure vis-à-vis des investisseurs et enfin développer leur capacité à obtenir des financements publics ou privés "durables" ».

Selon la présidente de la CRCC, la standardisation du reporting de durabilité peut mettre fin à la jungle des multiples demandes (labels, notations, questionnaires) et devenir un outil de transformation et de résilience des PME, en même temps qu’un outil au service de la compétitivité à long terme. La CSRD impose en effet des normes qui ne comportent pas d’obligations de comportement des entreprises mais une obligation de transparence sur leur stratégie, leurs politiques, actions et résultats.

Dépasser l’enjeu de conformité

Photo de Laure Mulin
Laure Mulin, présidente de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (©CRCC).

« Ces missions de vérification de données extra financières et d’accompagnement des PME sur les enjeux de durabilité ne sont pas nouvelles pour le commissaire aux comptes, ajoute Laure Mulin. La réglementation, d’une part, prévoit déjà son intervention en tant qu’Organisme Tiers Indépendant, dans la vérification des déclarations de performance extra-financière (DPEF) ou dans la vérification du respect des objectifs statutaires des sociétés à mission (qui sont pour la plupart des TPE-PME). Mais de manière volontaire, nous sommes amenés régulièrement à attester la régularité et la cohérence d’indicateurs de durabilité dans le cadre de financements bancaires ou de démarches de labellisation et notation extra financières. Enfin, nous réalisons à la demande de nos clients des diagnostics RSE permettant de les accompagner dans leur démarche. »

Depuis 2021 et l’annonce de la création de la CSRD, les commissaires aux comptes se sont formés pour accompagner les entreprises dans ce nouveau cadre légal. Ils se présentent aujourd’hui comme les interlocuteurs privilégiés des dirigeants d’entreprise et leurs alliés dans leur stratégie de transformation sociétale et environnementale. Et face à l’attente citoyenne de plus en plus forte qui appelle des actions tangibles et mesurables, notamment pour lutter contre le risque du greenwashing, les commissaires aux comptes se disent les mieux placés pour répondre au besoin de confiance nécessaire dans l’information non financière, élément essentiel au développement d’une économie plus durable et plus équitable.

Et Laure Mulin de conclure :

Au service de l’intérêt général, et face aux soupçons de greenwashing, nous souhaitons contribuer à la diffusion d’une information fiable et comparable et garantir la qualité de l’information financière, comme extra-financière. »

La CNCC ouvre la 3e édition des Challenges Durabilité - Responsabilité Sociétale, son concours destiné à valoriser l’engagement des commissaires aux comptes, de leurs clients et de leurs parties prenantes en faveur d’une performance plus durable. Ils distinguent quatre lauréats dans les catégories suivantes : Démarche RSE, Reporting de durabilité (DPEF), Cabinet engagé, Société à Mission, Mémoire DEC, Mémoire RSE - Etudiants en master. Ouvert aux entreprises, organisations diverses, cabinets d’audit, mémorialistes de la profession et étudiants en master, les candidats ont jusqu’au 30 avril pour déposer leur dossier dans une ou plusieurs des catégories proposées. La cérémonie aura lieu le 3 juillet prochain.

[1En attente de transposition en France du relèvement des seuils à 50 M€ de CA et 25 M€ de total bilan au niveau européen