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Refonte des allégements de cotisations sociales patronales, une fausse bonne idée ?

Social. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS), le dispositif d’allègement des charges sociales patronales sur les salaires devrait être harmonisé et réduit. La mesure est censée générer 4 Mds€ de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.

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Inspiré du rapport des économistes Antoine Bozio et Étienne Wassmer, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit une refonte des allègements de cotisations sociales patronales. (©Pixabay).

Quelle est l’efficacité de la politique de réduction des cotisations employeur sur les bas salaires en terme de création d’emploi ? Pour les économistes Antoine Bozio et Étienne Wassmer, auteurs d’un rapport sur le sujet et remis au Premier ministre début octobre, lors de sa mise en place dans les années 1990, cette politique s’est révélée « particulièrement efficace quand le chômage de masse touchait en priorité la population moins qualifiée. » Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Selon les deux chercheurs, si cette politique « reste pertinente », « l’amélioration de la situation du marché du travail et le niveau important des réductions actuelles de cotisations employeur rendent son efficacité en termes de création d’emploi moindre ». D’où la nécessité selon eux d’infléchir ces politiques.

S’inspirant de ces travaux, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025 prévoit une refonte du système d’allègements de charges. Le dispositif actuel, pour le moins complexe, permet d’alléger le coût du travail mais il est régulièrement dénoncé par les syndicats de salariés comme ayant l’effet d’une « trappe à bas salaires, d’une Smicardisation » selon FO notamment qui note qu’en quelques années la part de Smicards en France a fortement progressé, de 12 % en 2021 à 17,3 % au 31 décembre 2023.

Un coût de 75 Mds€ en 2023

Aujourd’hui, les allégements des cotisations sociales patronales sur les salaires sont très importants au niveau du Smic, puis se réduisent rapidement jusqu’à 1,6 Smic, avant de se transformer en allégement partiel et proportionnel aux salaires jusqu’à 3,5 Smic. Concentré ainsi sur les bas salaires, le dispositif a donc la réputation de dissuader les employeurs de pratiquer des hausses de salaires compte tenu de l’importance de leur coût.

Pour lutter contre le « Smic à vie », le PLFSS 2025 prévoit une harmonisation de ces règles qui ont un coût élevé pour la collectivité, d’environ 75 Mds€ en 2023 soit près de 20 Mds€ de plus qu’en 2021, en raison de la forte inflation constatée ces dernières années et des revalorisations du Smic qu’elles ont entrainées, sans que l’impact de cette augmentation sur l’emploi ou les salaires les justifie pleinement.

La refonte progressive des allégements de cotisations patronales sur les bas salaires doit conduire à intensifier les allégements sur les niveaux de rémunération compris entre 1,3 et 1,9 Smic. Ainsi, les exonérations de cotisations patronales baisseront légèrement au niveau du Smic, de deux points en 2025 et de deux points supplémentaires en 2026, jusqu’à 1,3 Smic. Elles seront ensuite renforcées entre 1,3 et 1,8 Smic. Elles baisseront au-delà, pour s’éteindre à 3 Smic. Cette refonte doit permettre de générer pour la Sécurité sociale 4 Mds€ de recettes supplémentaires par an qui seront affectées aux branches vieillesse et maladie.

De son côté, le Medef s’oppose à la suppression des allégements de cotisations patronales, notamment pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic. Selon l’organisation patronale, elle se « traduirait immanquablement par un choc négatif de compétitivité pour les entreprises françaises. » Dans une interview accordée aux Échos, Patrice Martin, président de l’organisation patronale, ne fait pas dans la demi-mesure. « Baisser les allègements de charges détruira des centaines de milliers d’emplois », prévient-il. De son côté, François Asselin, président la CPME, assure que les PME qu’il représente seront les premières impactées par cette hausse du coût du travail. Au micro de France Info, il a récemment prédit des destructions d’emploi, notamment « dans les entreprises avec un fort taux de main d’œuvre ».