Activité des influenceurs : face aux multiples dérives, quelles obligations et quelles sanctions ?
Numérique. 150 000. C’est le nombre d’influenceurs actifs en France sur les différents réseaux sociaux. Alors que de nombreux scandales pour pratiques commerciales trompeuses, publicité cachée ou encore escroquerie ont entaché ces dernières années ce petit monde de l’influence, la loi de 2023 définissant et encadrant leur activité vient d’être retouchée par une ordonnance afin de mieux se conformer au droit européen.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, un nouveau métier est apparu : celui d’influenceur. Selon la définition du Larousse, un influenceur ou une influenceuse « est une personne qui, en raison de sa popularité et de son expertise dans un domaine donné (mode, sport, finance, etc.), est capable d’influencer les pratiques de consommation des internautes par les idées qu’elle diffuse sur un blog ou tout autre support interactif : forum, réseau social... ».
Selon les derniers chiffres gouvernementaux, la France compterait environ 150 000 influenceurs actifs sur Youtube, Instagram, Tiktok, Facebook... suivis par des communautés allant de quelques milliers à plusieurs millions de personnes pour les plus populaires. De quoi attiser l’appétit des marques et des entreprises qui les sollicitent pour vanter leur mérite et ceux de leurs produits auprès de leurs abonnés : prêt-à-porter, maroquinerie, automobile, formations, médecine esthétique, placements financiers, applications en tout genre... tout y passe.
Des influenceurs et des influvoleurs ?
Un juteux business qui connaît malheureusement des dérives. Ces dernières années, plusieurs affaires mettant en cause ces créateurs de contenu pour des pratiques commerciales trompeuses ou encore pour publicité cachée ont en effet émaillé l’actualité. En 2023, deux plaintes collectives réunissant 88 plaintes conjointes pour escroquerie et abus de confiance ont même été déposées auprès de la procureure de Paris.
Des scandales à répétition qui ont poussé le législateur à agir. Entrée en vigueur le 8 novembre 2024, la loi du 9 juin 2023 encadrant l’activité des influenceurs vient d’être retouchée par une ordonnance afin de mieux se conformer au droit européen (directives e-commerce et sur les services de médias audiovisuels). Elle traite des multiples acteurs du secteur : les influenceurs, y compris mineurs, leurs agents et les plateformes qui hébergent leurs contenus. Objectif ? Protéger les consommateurs et utilisateurs des réseaux sociaux, en particuliers les mineurs, en luttant contre certaines dérives et manipulations.
Une activité strictement encadrée
Désormais, à partir d’un certain niveau de rémunération ou d’avantages en nature (à définir par décret), les relations entre les influenceurs, leurs agents ou les annonceurs, doivent faire l’objet d’un contrat écrit. Ce dernier devra comporter certaines clauses obligatoires : définition des missions, conditions de rémunération, droit applicable…
Par ailleurs, les mineurs qui exercent cette activité commerciale sont protégés par le code du travail. Les contrats avec les annonceurs doivent donc être signés par les parents ou leurs représentants légaux. Enfin, le travail des mineurs de moins de 16 ans est soumis à la loi du 19 octobre 2020 (n° 2020-1266) sur le travail des enfants sur les plateformes de partage de vidéos et notamment sur l’obligation de consignation des revenus à la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant.
Des promotions jugées dangereuses interdites
Alors que la règlementation sur la publicité est aujourd’hui insuffisante à encadrer et sanctionner les principales dérives et arnaques pratiquées par quelques créateurs de contenu peu scrupuleux, la loi interdit la promotion de certaines activités ou produits : la chirurgie esthétique, les médecines alternatives, l’abstention thérapeutique, les régimes alimentaires dangereux, les produits de nicotine ou encore, les animaux sauvages.
Est également interdite la promotion de certains produits financiers (notamment les crypto-monnaies) ainsi que celle portant sur des abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs. À noter que les communications commerciales relatives aux jeux d’argent et de hasard ne sont autorisées que sur les plateformes en ligne offrant un dispositif permettant d’interdire leur contenu aux mineurs (mention explicite, mécanisme d’exclusion). Enfin, les plateformes en ligne doivent proposer un bouton pour signaler les contenus illicites et retirer au plus vite les contenus illégaux.
Une obligation de transparence
Pour une meilleure information de leurs abonnés, les influenceurs doivent désormais indiquer clairement la mention « publicité » ou « collaboration commerciale » sur leurs contenus promotionnels. Pour protéger les plus jeunes, les photos ou vidéos de visage ou de silhouette modifiées, notamment à l’aide de filtres, ou réalisées par intelligence artificielle doivent contenir la mention « images retouchées » ou « images virtuelles ».
Ces obligations d’informations sont assouplies par l’ordonnance puisque les mentions peuvent être remplacées par une « mention équivalente adaptée aux caractéristiques de l’activité d’influence et au format du support de communication ». Par ailleurs, lorsque la promotion porte sur des inscriptions à des formations professionnelles, notamment via le compte personnel de formation (CPF), ces mentions doivent être complétées par un ensemble d’informations sur les conditions d’accès aux formations (éligibilité, engagements, financement) et sur l’identité de leurs prestataires.
Quelles responsabilité et sanctions ?
Alors que plusieurs victimes présumées se sont regroupées au sein de collectifs pour réclamer justice après avoir pour certains perdus des milliers d’euros, la loi prévoit de lourdes sanctions et des contrôles renforcés. Ainsi, les influenceurs sont comptables vis-à-vis des acheteurs en cas de vente de produits défectueux, de contrefaçons ou d’absence de livraison. Avec leurs agents et les annonceurs, ils sont aussi responsables de l’indemnisation des victimes éventuelles. Ceux résidant hors Europe, à Dubaï notamment, et visant un public en France doivent désigner un représentant légal dans l’Union Européenne et souscrire une assurance civile dans l’UE.
Quid des sanctions pécuniaires ? Celles-ci sont alignées sur celles applicables aux pratiques commerciales trompeuses (code de la consommation, article L 132-2). Les infractions commises en ligne en matière de pratiques promotionnelles sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 750 K€ d’amende. Les contrevenants, eux, s’exposent également à une interdiction d’exercer leur métier.
(Références : loi 2023-451 du 9 juin 2023. Ordonnance 2024-978 du 6 novembre 2024)