Les commissaires aux comptes, acteurs incontournables de la transparence économique
Audit légal. Passage de témoin à la tête de la compagnie régionale des commissaires aux comptes : le 1er novembre 2024 Philippe Gandon succédera à Laure Mulin à la présidence de la CRCC. Dans la continuité du travail accompli, il se donne pour priorité de renforcer la communication et la formation.
Le 1er novembre prochain, Philippe Gandon, 58 ans, prendra les rênes de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Toulouse (CRCC). Il succèdera à Laure Mulin, élue présidente de la CRCC depuis novembre 2020. Une période pendant laquelle cette dernière a essuyé deux cataclysmes : la crise sanitaire d’une part et d’autre part l’entrée en vigueur de la loi Pacte.
Pour rappel, certaines sociétés doivent faire certifier leurs comptes annuels par un commissaire aux comptes. La mission de certification des comptes vise à assurer la régularité et la sincérité des comptes produits par une entité, de sa situation financière et de son patrimoine. La loi Pacte de mai 2019 a relevé les seuils de cet audit légal obligatoire pour les rapprocher des seuils européens. Mais ce faisant, elle a fait perdre aux commissaires aux comptes de très nombreux mandats même si elle leur a également laissé entrevoir des possibilités de mener de nouvelles missions au sein d’entités dont ils ne certifiaient pas les comptes.
Cinq ans après, cette modification des règles de désignation des commissaires aux comptes a eu de forts impacts au sein de la profession. À l’échelle nationale, le nombre de mandats est passé de plus de 263 000 en 2019 à 230 000 en 2022, soit une chute de 12 %. Au sein de la compagnie régionale des commissaires aux comptes, ce sont près de 2 000 mandats qui ont été perdus puisque leur nombre est passé de près de 8 000 à 6 100. Le nombre des commissaires aux comptes inscrits est lui même passé de près de 430 en 2019 à 391 cette année dans le ressort de la compagnie régionale qui couvre les départements de l’Ariège, de la Haute-Garonne, du Tarn et du Tarn-et-Garonne.
Un véritable « séisme » pour Laure Mulin « puisqu’il a en quelque sorte remis en cause notre utilité ». La profession s’est vue dans l’obligation de très rapidement s’adapter. Pour tenir compte des nouvelles thématiques qui rentraient dans son champ de missions telles que la durabilité, le numérique, etc., la profession a en effet dû faire évoluer son offre de formation. Et alors qu’elle se faisait jusque-là très discrète, elle a aussi dû développer sa communication.
Stratégie d’influence payante
« Il s’agissait de mieux faire connaitre la profession, de rendre plus visible son utilité, et donc sortir de notre attitude de discrétion propre à notre déontologie professionnelle », se souvient Laure Mulin. Depuis les liens ont été renforcés avec les organisations professionnelles et les institutions, au niveau local et national : Medef, CPME, CCI, Banque de France, etc. « L’objectif est d’avoir avec nos parties prenantes un dialogue constructif pour que, lorsque le sujet du relèvement des seuils revient sur la table, l’on puisse échanger », poursuit l’actuelle présidente de la CRCC.
Ce risque n’est en effet pas écarté. En février 2024, le gouvernement a d’ailleurs publié un nouveau décret instaurant un nouveau relèvement des seuils de l’audit légal obligatoire. Désormais, les entreprises qui dépassent deux des trois seuils définis doivent désigner un commissaire aux comptes, à savoir un chiffre d’affaires de 10 M€, un total de bilan de 5 M€, et un effectif de 50 salariés.
Le ministère de l’Économie et des Finances projetait d’aller au-delà et de porter les seuils à 15 M€ de CA. Cependant la stratégie de communication déployée par la compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) a porté ses fruits : en mettant les entreprises de son côté, elle a réussi à infléchir les projets de Bercy sur ce point. Mais rien n’est écrit dans le marbre.
Diversification tous azimuts
Le nouveau président de la CRCC le sait bien, qui entend comme toute la profession, rester vigilant. Diplômé de l’ISEG et de l’École nationale de commerce de Paris, Philippe Gandon a débuté sa carrière en tant qu’auditeur à Toulouse chez KPMG où il est resté huit ans. Il a rejoint ensuite le cabinet indépendant Serco Kouby et associés, à Labège, devenu depuis Serco Partners. Il est associé au sein de ce cabinet depuis 26 ans.
Celui qui dans quelques jours présidera la compagnie régionale a pour priorité de poursuivre cette stratégie d’influence, notamment au sein des PME qui constituent l’essentiel du tissu économique local. Et de préciser :
Le précepte qui a longtemps été le nôtre "pour vivre heureux vivons cachés" n’est plus d’actualité. Nous devons montrer notre savoir-faire, montrer ce que nous sommes capables de proposer aux entreprises, au-delà de la seule certification des comptes. Pour reprendre les mots de notre président national Yannick Ollivier, nous devons passer d’une utilité décrétée à une utilité de valeur ajoutée ».
En marge des missions légales qu’ils assument, les commissaires aux comptes peuvent en effet effectuer des missions « sur mesure » : audits, attestations, diagnostics, tant dans le champ des données financières mais aussi en matière de RSE ou de cybersécurité.
Question d’attractivité
Philippe Gandon souhaite ainsi « promouvoir une vision élargie de notre métier, en intégrant les nouvelles exigences en matière de durabilité et de données extra-financières ». Selon lui, le commissaire aux comptes doit évoluer pour devenir un acteur de la transparence économique, non seulement sur les chiffres, mais aussi sur la durabilité. « Nous devons travailler à la pédagogie, tant auprès des entreprises que des commissaires aux comptes eux-mêmes, notamment sur les audits RSE et les nouvelles normes qui nous attendent », assure-t-il.
Il compte sur ces nouvelles missions en lien avec la durabilité et le numérique pour attirer de nouvelles recrues au sein de la profession. 17 ont rejoints les rangs de la CRCC cette année. « Nous devons préparer les professionnels aux défis de demain, en particulier en ce qui concerne l’intelligence artificielle. Je souhaite que notre institution devienne un leader dans la formation et l’accompagnement des commissaires aux comptes face à ces évolutions technologiques, afin que personne ne soit laissé de côté », conclut-il.
L’IA sera justement au cœur des débats lors des 35e Assises nationales des commissaires aux comptes qui auront lieu à Grenoble les 5 et 6 décembre prochains. Elles ont en effet pour thème : « IA et confiance : quelles mutations pour l’audit ? »