Saisie des rémunérations : attention les règles changent à compter du 1er juillet 2025 !
Recouvrement. La loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 a prévu de confier, à compter du 1er juillet 2025, la mise en œuvre des saisies sur salaires aux commissaires de justice, sous le contrôle du juge de l’exécution. Un bouleversement majeur. Explications.

La saisie sur rémunération permet à un créancier d’obtenir directement de l’employeur qu’il retienne une fraction du salaire du débiteur en vue du remboursement de sa dette. Cette saisie peut aussi concerner les organismes versant des pensions de retraite, des allocations de chômage ou des indemnités journalières de maladie et de maternité.
Pour mettre en oeuvre une saisie sur salaire, le créancier doit être en possession d’un titre exécutoire et saisir le juge de l’exécution. Le créancier et le débiteur sont alors convoqués à une audience de conciliation. À défaut de conciliation, à l’issue des délais de recours, le greffier du tribunal envoie un acte de saisie par lettre recommandée avec avis de réception à l’employeur.
Selon les chiffres du ministère de la Justice, en 2023, 106 800 saisies sur rémunération ont été déposées devant les tribunaux judiciaires, un chiffre en baisse de 1 % sur un an. En vue de désengorger les juridictions et de faire des économies de budget [1], la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 a réformé cette procédure jugée « lourde » et « lente ». Elle a dès lors confié aux commissaires de justice (anciennement huissiers de justice) la procédure de saisie sur rémunération. La réforme sera applicable à compter du 1er juillet 2025
Nouvelle procédure
À cette date, la procédure ne nécessitera plus d’intervention préalable du juge. Le salarié pourra cependant, à tout moment de la procédure, contester la saisie devant le juge de l’exécution. Les règles de fond de la procédure demeurent cependant inchangées.
Le commissaire de justice initie la procédure de saisie des rémunérations par la signification d’un commandement de payer au débiteur. Ce commandement de payer doit être inscrit sur le registre numérique des saisies des rémunérations. Tenu par la Chambre nationale des commissaires de justice, ce dernier répertorie toutes les saisies des rémunérations.
Du côté du salarié
Le commandement de payer signifié au salarié mentionne le titre exécutoire qui fonde les poursuites et le décompte des sommes réclamées (principal, frais, intérêts et taux des intérêts). Il précise que le salarié dispose d’un délai d’un mois pour payer les sommes dues ou bien trouver un accord avec le créancier ou enfin contester la mesure.
Un procès-verbal de saisie, ou acte de saisie, doit être notifié à l’employeur dans les trois mois de la délivrance du commandement de payer au salarié. Il informe l’employeur qu’il doit verser tous les mois une somme égale à la fraction saisissable du salaire (le mode de calcul de la fraction saisissable est précisé).
Le versement doit être adressé au commissaire de justice répartiteur (et non plus au greffe du tribunal judiciaire comme actuellement). Ce dernier est chargé de recevoir les paiements et de les reverser au créancier et de répartir les fonds en cas de pluralité de créanciers.
Du côté de l’employeur
Dans les quinze jours à dater de la notification de l’acte de saisie, l’employeur doit déclarer au commissaire de justice des renseignements sur la nature du contrat de travail (CDD, CDI…) et le montant de la rémunération du salarié. Le cas échéant, l’employeur doit également indiquer les autres saisies en cours, saisies administratives à tiers détenteur, cessions volontaires de rémunérations à un tiers ou paiement direct de créances d’aliments (pensions alimentaires à un époux, descendant ou ascendant). À défaut de déclaration, ou en cas de déclaration mensongère, l’employeur peut être condamné à une amende civile de 10 000 € maximum.
Part saisissable
Seule une fraction des rémunérations peut faire l’objet d’une saisie. Elle se calcule selon un barème défini pour un débiteur vivant seul et appliqué à la rémunération nette. Le montant des tranches est majoré, pour chaque personne à la charge du débiteur, de 143,33 €. Il est obligatoire de laisser à la disposition du débiteur le solde bancaire insaisissable (SBI). Il est égal au montant forfaitaire mensuel du Revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule, soit 646,52 € à compter du 1er avril 2025.
Total des ressources mensuelles saisissables | Part saisissable | Montant maximum de la saisie (montant cumulé) |
Jusqu’à 370,00 € | 1/20e | 18,50 € |
Au-delà de 370,00 € et jusqu’à 721,67 € | 1/10e | 53,67 € |
Au-delà de 721,67 € et jusqu’à 1 074,17 € | 1/5e | 124,17 € |
Au-delà de 1 074,17 € et jusqu’à 1 424,17 € | 1/4 | 211,67 € |
Au-delà de 1 424,17 € et jusqu’à 1 775,00 € | 1/3 | 328,61 € |
Au delà de 1 775,00 € et jusqu’à 2 133,33 € | 2/3 | 567,50 € |
Au-delà de 2 133,33 € | 100 % | 567,50 € + la totalité des sommes au-delà de 2 133,33 € |
Déjudiciarisation aux lourdes conséquences
Dès l’adoption de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice en 2023, l’association Crésus, dédiée à l’accueil des ménages surendettés et à la prévention de l’exclusion financière et économique, a alerté sur les conséquences sociales de cette réforme de la procédure de saisie des rémunérations.
« L’application de cet article, dans des conditions économiques et sociales très tendues, risque de fragiliser d’autant plus une population déjà précaire », écrit-elle sur son site internet. Un danger bien réel sachant que le nombre de dépôts de dossiers de surendettement a progressé en France 10,8 % l’an dernier, notamment du fait de l’inflation.
L’association regrette la disparition de la phase préalable de conciliation, le contrôle du juge s’exerçant désormais seulement a posteriori. Elle pointe également une charge financière supplémentaire pour le débiteur qui devra supporter, en complément de la créance à recouvrer en principal, la rémunération du commissaire de justice, avec notamment des frais de signification du commandement de payer et de signification de l’acte de saisie qui n’avaient pas lieu d’être dans le cadre actuel car assumés par le greffe du tribunal.
[1] La réforme devrait permettre, à compter de 2025, une économie annuelle potentielle de 4,9 M€ en masse salariale et de 4,2 M€ en frais de notification, selon l’étude d’impact de la loi de programmation.