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Téléphone professionnel et échanges privés : mesurez vos propos !

Jurisprudence. Adresser avec son téléphone professionnel des SMS à des collègues pour dénigrer la direction de l’entreprise peut coûter cher. Dans un arrêt du 11 décembre 2024, la Cour de cassation estime que ces messages ne revêtent pas un caractère privé et peuvent donc être retenus dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

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Des messages adressés par un salarié à des collègues via un téléphone professionnel, SMS contenant des propos critiques à l’égard de la société et dénigrants à l’égard de ses dirigeants et dont le contenu est en rapport avec son activité professionnelle, peuvent être retenus au soutien d’une procédure disciplinaire. (©Pixabay)

Il n’est pas toujours aisé de savoir où se situe la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Le cas des échanges de messages par téléphone dans le cadre du travail est un bon exemple de cette difficulté. Depuis 2015, la Cour de cassation juge ainsi que des SMS envoyés par un salarié avec un téléphone portable mis à disposition pour le travail sont présumés avoir un caractère professionnel, à moins qu’ils ne soient identifiés comme personnels et relèvent de la vie privée du salarié (Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-14.779).

La haute juridiction vient de réaffirmer sa position dans un nouvel arrêt rendu le 11 décembre 2024 (Cass. soc. 11 décembre 2024, n° 23-20.716). Dans cette affaire, un salarié est licencié pour faute lourde pour avoir adressé avec son téléphone portable professionnel des SMS à des collègues contenant des propos critiques et dénigrants à l’égard des dirigeants de son entreprise, le directeur général étant désigné de façon homophobe.

Des limites à la liberté d’expression

Le salarié conteste le licenciement en faisant valoir qu’il s’agissait d’échanges privés relevant de sa liberté d’expression et n’étant pas destinés à être rendus publics. La liberté d’expression des salariés autorise l’expression d’opinions, même critiques, sauf si elle dégénère en abus (insultes, diffamation, discrimination, etc.), ou manque à l’obligation de loyauté du salarié envers l’employeur (critique publique de l’entreprise, divulgation d’informations confidentielles...).

La cour d’appel avait relevé que le contenu des SMS était manifestement en rapport avec l’activité professionnelle : les SMS étaient adressés à des salariés en poste ou ayant quitté la société, portaient sur des litiges prud’homaux en cours entre l’employeur et des salariés, et contenaient des propos critiques envers la société et dénigrant ses dirigeants. Ces propos excédaient la liberté d’expression du salarié, les abus étant nombreux (insultes, diffamation, discrimination).

La Cour de cassation rappelle que des messages émis avec un téléphone portable professionnel mis à la disposition d’un salarié pour les besoins de son travail, n’ont pas de caractère privé dès lors que leur contenu est en rapport avec l’activité professionnelle.

Un usage strict des outils professionnels

Peu importe, selon la Cour de cassation, que les échanges n’aient été adressés qu’à quelques personnes et qu’ils n’étaient pas destinés à être rendus publics. Ces circonstances n’affectent pas le caractère professionnel des échanges et n’excusent pas le caractère abusif des propos.

Les SMS pouvaient ainsi être retenus par l’employeur pour justifier une sanction disciplinaire et, en l’espèce, le licenciement pour faute grave (la faute lourde ayant été écartée faute d’intention de nuire).