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Travailler 12 jours consécutifs est légal selon la Cour de cassation

Social. Dans un arrêt du 13 novembre dernier, la Cour de cassation tranche un débat qui anime la doctrine et la jurisprudence depuis longtemps sur la notion de repos hebdomadaire. Une décision aux conséquences importantes pour de nombreux secteurs, notamment ceux soumis à des pics d’activité.

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De nombreux secteurs pourraient être concernés par cette décision de la Cour de cassation, parmi lesquels la restauration, le commerce ou encore les transports. (©Pixabay)

Aux termes de l’article L. 3132-1 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. L’article L. 3132-2 du même code précise, lui, que le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les 11 heures consécutives de repos quotidien.

Dans la pratique, l’imprécision de ces textes a fait naître un important contentieux sur le point de savoir si ce repos hebdomadaire devait impérativement être pris à l’issue de six jours de travail consécutifs. Par un arrêt du 13 novembre 2025, la Cour de cassation vient de fait de trancher le débat.

Dans cette affaire, un salarié avait saisi la justice pour obtenir la requalification de la rupture de son contrat de travail, survenue en 2018, en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il reprochait à son employeur de ne pas avoir respecté son droit au repos hebdomadaire, précisant qu’il avait parfois été amené à travailler 11 ou 12 jours consécutifs.

En novembre 2023, la cour d’appel de Pau avait donné raison au salarié et condamné l’employeur à lui verser des dommages-intérêts pour le non-respect de son droit au repos. Selon la cour, faire travailler un salarié pendant 11 ou 12 jours d’affilée constituait une violation de l’article L3132-1 du code du travail, qui, on l’a dit, interdit de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine. L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation.

Se basant sur une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 9 novembre 2017, António Fernando Maio Marques da Rosa contre Varzim Sol – Turismo, Jogo e Animação SA, C-306/16), la Cour de cassation vient d’annuler la décision de la cour d’appel.

La CJUE estime en effet que l’article 5 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, « oblige les États membres à assurer que tout travailleur bénéficie, au cours d’une période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de 24 heures, auxquelles s’ajoutent les 11 heures de repos journalier prévues à l’article 3 de la directive 2003/88, sans préciser toutefois le moment auquel cette période minimale de repos doit être accordée. »

La semaine civile comme période de référence

En clair, le droit européen exige non pas que la période minimale de repos hebdomadaire soit accordée au plus tard le jour qui suit une période de six jours de travail consécutifs, mais impose que celle-ci soit accordée à l’intérieur de chaque période de sept jours.

La Cour de cassation relève que l’article L3132-1 du code du travail n’édicte pas que le repos hebdomadaire doit nécessairement être accordé immédiatement après six jours de travail consécutifs.

La haute juridiction précise que pour vérifier le respect du repos hebdomadaire, il convient de se baser sur la semaine civile allant du lundi 0 heures au dimanche 24 heures. Dès lors, l’employeur peut faire travailler son salarié plus de six jours consécutifs à condition qu’il lui accorde un jour de repos au cours de la semaine civile.

Concrètement, un salarié peut travailler jusqu’à 12 jours consécutifs sur deux semaines, à condition de bénéficier d’un jour de repos durant chaque semaine civile, par exemple du mardi de la première semaine au samedi de la seconde.

La décision devrait intéresser plus particulièrement les entreprises et les salariés des secteurs soumis à des pics d’activité saisonniers comme l’hôtellerie-restauration, le commerce, les transports ou encore l’événementiel.

Un cadre juridique strict

Si l’arrêt de la Cour de cassation clarifie la notion de repos hebdomadaire, les employeurs demeurent tenus de respecter la durée minimale de repos quotidien (11 heures) ainsi que la durée maximale hebdomadaire de travail fixée à 48 heures. De manière plus globale, ils sont tenus d’une obligation de sécurité à l’égard de leurs salariés dont ils doivent protéger la santé physique et mentale.

Il n’est pas inutile de rappeler également que le repos dominical reste la norme pour de nombreux salariés (article L3132-3 du code du travail). Si de multiples dérogations à ce principe existent, elles sont soumises à certaines conditions qu’il conviendra de vérifier. Enfin, une convention collective peut déroger à cette solution jurisprudentielle.