Babakar Wade
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Babakar Wade

Engagé par nature.

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Babakar Wade
(Crédit : BIG HAPPY)

Fédérer, rassembler, transmettre… ces mots reviennent souvent dans les propos de Babakar Wade. Le jeune chef d’entreprise est à la tête des Bons Buffets, une agence culinaire qui fédère justement producteurs, artisans, primeurs, traiteurs et prestataires de services du Grand Marché, le Min de Toulouse, pour bâtir une offre « engagée et à impact » pour des buffets jusqu’à 800 couverts.

Cette offre disruptive a déjà séduit « la Patrouille de France, BNP Paribas, Alstom, Tisséo, l’agence d’intérim Synergie, les artistes Bigflo et Oli, Airbus, des agences d’événementiel comme Pur’events, des architectes et des écoles », énumère le trentenaire.

De belles références engrangées en quelques mois d’activité seulement qui montrent que l’offre qu’il déclinera également aux Halles de la Cartoucherie, dès septembre, ainsi qu’à Diagora à Labège, correspond à un réel besoin : « bâtir des événements plus responsables, qui ont du sens ».

« Les entreprises qui nous contactent se retrouvent dans les valeurs que je défends, poursuit-il : les relations humaines, l’entraide, les valeurs de la RSE ». Denrées alimentaires issues à 100 % de producteurs locaux (de Haute-Garonne et du Gers) et à près de 90 % bio ; collecte des biodéchets avec Hector le Collector, actions à impact avec la Croix Rouge, la Banque alimentaire, et les associations de maraude, concernant les produits qui n’ont pas été touchés et qui sont restés dans la chaîne du froid, bouteilles en verre consignées, refus du plastique…

Babakar Wade pousse loin la démarche : « Je sollicite également l’école d’insertion de Thierry Marx, Cuisine Mode d’emploi(s), à l’occasion de chaque prestation pour entraîner les stagiaires et les mettre en situation réelle. » Jouer collectif et s’appuyer sur l’expertise de chacun de ces acteurs leur permet, selon lui, « de toucher des marchés qui, au départ, ne leur étaient pas destinés ou sur lesquels ils ne se seraient pas naturellement positionnés ».

Babakar Wade a bâti son offre peu après avoir intégré la Pépinière alimentaire du Grand Marché. Elle regroupe aujourd’hui une quarantaine de start-up. Une « richesse extraordinaire » et une diversité inspi-rantes pour le jeune entrepreneur qui est également le fondateur de La Coterie Française. Cette plateforme, créée en 2019, « fédère producteurs et bouchers pour livrer des viandes de race d’exception aux particuliers et aux restaurateurs », détaille-t-il.

C’est en faisant la queue, comme tout le monde, chez son boucher, que l’idée lui est venue. L’application, initialement dénommée My Meat, change de nom rapidement : « C’est un outil qui permet de réunir des personnes autour d’un intérêt commun, ce qui est la véritable définition de la coterie », précise-t-il.

C’est donc un peu par hasard si ce Toulousain a finalement créé son entreprise dans le secteur de l’alimentation. « Cela aurait tout aussi bien pu être l’ingénierie, ce qui me correspondait plus », explique cet ingénieur en mécatronique. En revanche le désir d’entreprendre est là depuis longtemps. Fils d’un horloger et d’une restauratrice, arrivés du Sénégal dans les années 60, dernier né d’une fratrie de huit enfants, Babakar Wade a grandi dans le quartier Bonnefoy et baigné dans ce milieu d’artisans toute son enfance. Des parents « qui m’ont poussé à aller aussi loin que possible à l’école. Si je n’avais pas eu cette rigueur et cette discipline insufflé par mon père, je ne serais pas allé aussi loin », reconnaît-il.

« Passionné par les maths et les sciences », le bachelier rejoint l’école nationale d’ingénieurs de Brest. Une fois diplômé, de retour dans la Ville rose, il intègre Altran, devenu depuis Capgemini Engineering. Il y passera « sept belles années ». L’ingénieur travaille sur différents sujets pour Dassault et Airbus.

Puis très vite, rattaché au directeur régional, en lien avec l’ensemble de la direction opérationnelle, il se voit confier des missions transverses en support des outils internes. « Je leur dois beaucoup parce qu’ils m’ont fait confiance très tôt », reconnaît-il. Désireux d’évoluer, il obtient le financement d’une formation, un exécutif MBA àTBS Education, spécialisé en transformation digitale. « Cela m’a transformé, assure-t-il. C’est ce qui m’a donné le bagage technique pour entreprendre, cette capacité d’analyse et de prise de décision. »

À l’issue de sa formation, Babakar Wade quitte Capgemini pour fonder My Meat, accompagné un temps par TBSeeds et Inco, incubateur basé à Saint Bertrand de Comminges. « C’est tombé au moment où mon fils venait d’arriver, où j’ai commencé à faire attention à ce qu’il mangeait », se rappelle-t-il. Mais une autre chose l’anime : « la volonté d’être aligné avec ma personnalité, de réaliser des choses professionnelles en phase avec moimême, ce qui n’était pas le cas dans le cadre de mon activité de consultant, détaille-t-il. C’est un métier très normé alors que j’apparaissais un peu comme un électron libre, de part mon parcours, ma curiosité, mon éducation, mon attachement à certains domaines artistiques.Tout cela a fait de moi quelqu’un d’hybride dans ce milieu. »

Depuis son plus jeune âge, Babakar Wade pratique en effet le breakdance en compétition, ce qui l’a amené à beaucoup voyager. Une culture – le hip-hop – qui a, elle aussi, des valeurs fortes, ajoute-t-il : « le partage, l’échange, l’écoute, le respect de l’autre, le dépassement, la transmission ». Il fait le parallèle avec son engagement au sein du Comex40 du Medef de Haute-Garonne, ce comité d’une quinzaine de chefs d’entreprise de moins de 40 ans, créé pour « challenger la direction, apporter un regard neuf, plancher sur la formation, les nouveaux modèles économiques, la solidarité ».

Un nouvel engagement qu’il n’a pas pris à la légère. « On travaille avec les juniors entreprises, avec de jeunes demandeurs d’emploi pour mieux cerner les attentes des nouveaux diplômés et celles des employeurs pour qu’il y ait un meilleur matching », détaille celui qui, malgré ses 35 ans, se qualifie d’un peu d’« old school ». « Les jeunes générations n’ont pas la même appréciation de la valeur travail. Elles parlent de sens, de bien être travail, d’équilibre vie perso/pro, et sont à la recherche d’expériences éphémères. D’où la question : comment les accueillir ? Nos travaux au sein du Comex40 portent là-dessus ».

En parallèle, imprégné par cette culture du collectif, l’entrepreneur donne de son temps dans le cadre d’actions solidaires avec la Banque alimentaire ou le Secours Populaire. Il s’investit aussi auprès des Déterminés, ce programme du Medef dont l’ambition est d’accompagner des jeunes des quartiers dans la création d’entreprise.

Il est aussi le mentor de deux jeunes, dans le cadre du dispositif Parrain’Oc porté par Pôle emploi et intervient dans les prisons de Seysses et Muret pour accompagner là aussi des détenus via l’entrepreneuriat via l’association Excubateur. Serait-il lui aussi en quête de sens ? « Je ne me pose même pas la question. Ça fait partie de ma nature », conclut-il.