Baptiste Beaulieu
Invités / Entretiens

Baptiste Beaulieu

Le pouvoir des mots.

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Baptiste Beaulieu. (©Céline NIESZAWER/Leextra/Éditions L’Iconoclaste)

Même s’il affiche déjà 274 000 followers sur Instagram, s’il a déjà publié une quinzaine d’ouvrages, s’il enchaîne les chroniques sur France Inter, Baptiste Beaulieu se tient loin du starsystem. « C’est très important pour moi de faire la différence, je veux que les patients viennent me voir parce que je suis un bon médecin et non parce qu’ils ont lu mes livres ou m’ont vu à la télévision. Écrire est une partie de ma vie qui ne doit pas interférer dans ma vie professionnelle. Le plus important, c’est le patient, ce n’est pas moi. » Tout est dit…

Évidemment que la salle d’attente du médecin généraliste est pleine à craquer, quelque part à Toulouse (Haute-Garonne), mais on ne vous dévoilera pas l’adresse de Baptiste Beaulieu. Il tient à préserver son anonymat. Évidemment que certains patients savent qu’il est devenu un écrivain célèbre mais « peu importe, si on m’en parle – trop –, je sais mettre les barrières là où il faut », souligne Baptiste Beaulieu.

Les patients viennent le rencontrer parce qu’il a un sens aiguisé et inné de l’écoute, une bienveillance hors norme. C’est un médecin qui sait prendre le temps. Il n’entend pas réformer notre système de santé mais souhaite l’améliorer à son niveau. « Les patients vieillissent, ils ont de plus en plus besoin de médecins. Notre système est sous pression. La situation s’est dégradée au fil des années. Dans les années 80, le temps de consultation chez le généraliste était de 20 minutes, aujourd’hui on est à six minutes par patient. C’est le reflet de notre société. »

Baptiste Beaulieu avoue qu’il se sent démuni face à cette situation. « Je ne veux pas d’une médecine à deux vitesses. Tout ce que je peux faire, c’est écouter, accueillir les gens dans mon cabinet, je fais pour le mieux. » Si l’homme porte un discours militant, il se garde bien de tout engagement politique. « Non, ce n’est pas pour moi, il n’y a que des coups à prendre, je garde ces idées au fond de moi et c’est bien comme ça. »

Que dit Baptiste Beaulieu ?

Le généraliste a toujours considéré qu’il était au service des gens : « un médecin rentre dans l’intimité des familles, les gens nous font confiance. » Le Toulousain a commencé à écrire ce qu’il voyait lors de ses gardes aux urgences pour sauvegarder la mémoire. Il a d’abord consigné ses écrits sur un blog, ouvert en 2012. « Je voyais tellement de choses bouleversantes, de drames humains, j’avais l’impression que les soignants arrivaient à tout supporter et à tourner la page. »

Le médecin hypersensible a été repéré par le journal Le Monde qui s’est intéressé à ses écrits en ligne, sans le contacter, sans lui en parler. « Du jour au lendemain, je suis passé de quelques lecteurs sur mon blog à 300 000. C’était incroyable ! Et là, tout s’est enchaîné… » L’humaniste est passé de l’ombre à la lumière, les maisons d’édition ont commencé à le solliciter.

Il a publié son premier livre, Alors Voilà, du nom de son blog. En toute simplicité et avec beaucoup d’humanité, Baptiste Beaulieu relate les anecdotes racontées par ses patients. Il parle aussi de maltraitance médicale, de la cause LGBT, des femmes, du sexisme, de la lutte contre la grossophobie, des clichés, du regard des autres, de la santé des soignants qui savent si bien prendre soin des autres et s’oublient parfois, de l’homoparentalité, de son bébé de quelques mois…

Il répond à ses followers sur Instagram au milieu de la nuit, lorsqu’il vient de donner le dernier biberon, il partage ses expériences de jeune papa. « Je partage, je ne fais pas la morale. »

Doit-on dire médecin ou écrivain ?

Ou peut-être l’inverse ou les deux, à égalité… « J’ai accompli mon rêve d’enfant, s’enthousiasme l’intéressé. J’ai choisi deux métiers. J’ai fait un bac scientifique et postulé à une prépa littéraire tout en ayant envie de m’inscrire en médecine. » L’écriture pour Baptiste Beaulieu est une soupape, une liberté qu’il s’offre entre deux patients, la nuit, au petit matin… Il ne travaille pas à la commande.

Les éditeurs lui font confiance. « Je raconte, je défends des valeurs. Je sers de portevoix à tous ceux qui ne sont pas assez visibles. Il faut réfléchir sur la façon dont on soigne aujourd’hui, comment on peut améliorer la situation. Je veux essayer de faire bouger les lignes en permettant aux gens de s’exprimer. »

L’auteur cultive la discrétion mais un écrivain peut-il se passer de promotion ? Bonne question, répond Baptiste Beaulieu. « Je ne refuse pas, mais je ne ferai jamais passer la promotion avant le reste, je pars du principe que si le livre est bon, il n’a pas besoin d’exposition médiatique. » Il s’étonne d’ailleurs toujours de voir autant de monde lorsqu’il présente son livre en librairie (NDLR : il sera le 18 novembre 2023 à Ombres Blanches à Toulouse).

Baptiste Beaulieu déborde d’énergie, les projets ne manquent pas, le premier est de se consacrer à « 200% à sa parentalité », d’écrire encore et toujours. « Si on peut permettre aux gens de s’évader, sans demander la carte vitale, alors j’aurai accompli ma mission. »