Entouré de ses 40 hectares de vigne, le Château Guilhem a vu passer cinq générations de propriétaires. Bertrand Gourdou, l’actuel possesseur, a posé ses valises à Malviès (Aude), sur les terres du marquis d’Auberjon, en 2005.
Depuis, il n’a eu de cesse de faire monter ses vins en gamme et de diversifier les activités du domaine viticole. Pourtant, s’il a baigné dans le monde du vin durant toute sa jeunesse, le Toulousain ne se destinait pas à reprendre les rênes de l’entreprise familiale.
Ambassadeur de vins de qualité
L’ancien élève du Caousou s’est orienté très tôt vers l’œnologie. En 1997, le Bac en poche, il s’installe outre-Manche et se fait embaucher en tant que responsable des achats par la marque de vin Harrods, propriété du célèbre grand magasin londonien éponyme. « À l’époque, Harrods cherchait à lancer sa propre étiquette de vin. J’ai donc participé à l’aventure et aidé à sa création », explique Bertrand Gourdou.
L’épopée anglaise se poursuit en 1998 chez Laytons Wine Merchants, une société d’import-export où il se voit chargé de la distribution de vins français dans les restaurants londoniens. Côtes-du-rhône, bordeaux, et chablis rejoignent les tables des consommateurs britanniques qui ne boudent pas leur plaisir quand il s’agit de cépages venus de l’Hexagone. Même si les goûts de la clientèle anglaise divergent de ceux des Français, précise Bertrand Gourdou :
Les Anglais ont tendance à préférer les vins secs, contrairement à nous autres Français qui optons plutôt pour des vins ronds. »
En parallèle, le Toulousain prépare les concours d’entrée en école de commerce. En 2000, il intègre le programme Grande École de TBS Education. Au cours d’une année de césure, il est recruté par Ernest & Julio Gallo, un producteur de vin basé à Modesto (Californie). « La société cherchait à se faire une place sur le marché français », détaille Bertrand Gourdou. L’intéressé participe à la création du bureau parisien.
Après l’obtention de son diplôme en 2003, le jeune homme s’installe outre-Atlantique et pilote la distribution des vins Ernest & Julio Gallo au Canada. Il devient alors fine wine ambassador (ambassadeur de vins de qualité) chargé de vendre les vins californiens dans les restaurants du Québec. Un poste qu’il occupera peu de temps.
La même année en effet, Bertrand Gourdou rencontre par hasard le directeur de l’enseigne Monoprix qui lui propose un emploi. Trois jours après, la proposition est acceptée. Il prend alors en charge de la gestion de 1 500 références de vins, participe à des foires…
Deux ans plus tard, un coup de fil en provenance du Château Guilhem vient bouleverser son quotidien : « Ma mère, qui était la gérante de la propriété familiale, cherchait à vendre. Elle m’a laissé entendre qu’elle avait trouvé un acheteur », se souvient-il. Sous le choc, Bertrand Gourdou est indécis. C’est le directeur de Monoprix qui l’encourage à franchir le pas.
Retour aux sources
À son arrivée à Malviès, le domaine comprend quinze hectares de vignes ensoleillées. Sa mère, Brigitte Gourdou, fille de l’ancien propriétaire Jacques Guilhem, lui confie les clés. « Les deux premières années ont été une mise à l’épreuve parce que je ne m’étais pas préparé à prendre la relève », confie-t-il.
D’autant qu’à l’époque, en France, un phénomène prend de l’ampleur : la baisse de la consommation de vin, liée à un changement dans nos habitudes alimentaires mais aussi à une évolution dans les comportements des nouvelles générations, comme l’explique Bertrand Gourdou :
Nous associons traditionnellement le vin, en particulier le rouge, à de la viande. Or, aujourd’hui, les jeunes générations consomment moins de viande et de vin, pour des raisons financières, de choix d’alimentation ou bien en raison des campagnes de prévention sur la santé. En quinze ans, la consommation de vin a diminué de 30%. »
Pour autant, pas question pour le nouveau propriétaire de baisser les bras. En 2007, il obtient l’Appellation d’origine protégée (AOP) Malepère rouge et la certification Agriculture Biologique trois ans plus tard.
Rapidement, le succès est au rendez-vous : la propriété viticole s’agrandit et compte désormais quarante hectares. Près de 40% de la production sont destinés aux cafés, hôtels et restaurants de l’Hexagone, tandis que l’export représente 50% des ventes, le reste étant destiné aux particuliers.
Développer l’œnotourisme
Changement climatique oblige, Bertrand Gourdou développe des partenariats avec des entreprises de la région. « C’est un pari gagnant sur le terrain économique, écologique et social parce que nos partenaires utilisent des matières recyclables et recyclées. Le papier des étiquettes provient de Saint-Gaudens et la verrerie d’Albi. Nous favorisons ainsi les circuits-courts et les savoir-faire régionaux, en plus de limiter les dépenses », se félicite le vigneron.
Jamais à court d’idée, le viticulteur se lance de nouveaux défis. Hébergement, événementiel, mariages complètent l’offre proposée par le domaine. « Se tourner vers l’organisation d’évènements permet d’élargir notre champ d’activité et de créer un esprit de convivialité pour les clients », explique Bertrand Gourdou qui souhaite développer plus activement l’œnotourisme.
Il veut être également plus présent sur les marchés à l’export. « Nous venons de signer avec la Tchéquie », indique-t-il. Une signature qui vient s’ajouter à la quinzaine de pays vers lesquels l’entreprise familiale expédie déjà ses produits, dont le Royaume-Uni et le Japon.