Difficile d’imaginer que derrière cet anonyme et austère portail de bois de la rue Mirepoix, ces hauts murs de brique abritent une foncière familiale en plein développement. Aux manettes, deux jeunes femmes : Caroline et Sophie Monné qui ont hérité de leur père Robert Monné, cofondateur de la société de promotion immobilière Monné-Decroix, une véritable passion pour l’immobilier.
Caso Patrimoine, qu’elles codirigent aujourd’hui, depuis les bureaux toulousains et ceux de la rue de Rome à Paris où elles ont ouvert une agence il y a deux ans, compte aujourd’hui dans son portefeuille de très belles adresses dans la Ville rose, notamment place Wilson, rue Alsace-Lorraine ou rue Croix- Baragnon, ainsi que dans la capitale, soit près de 800 lots pour une superficie totale de 100 000 m2.
Fondée en 2002, par leur père au moment de l’achat du château des Demoiselles à Frouzins, la société connaît une croissance rapide. Depuis deux ans, la foncière investit en effet de l’ordre de 60 M€ chaque année – un rythme que les deux soeurs souhaitent maintenir – tout en diversifiant ses actifs, composés pour un tiers de bureaux, un tiers de commerces et un tiers de logements, situés essentiellement en centre-ville. Caso Patrimoine, qui vient de mettre la main sur un immeuble R + 5 dans le Marais, rue Saint- Antoine à Paris, a, par exemple, acquis en novembre dernier un bien route de Revel dans la Zac de Malepère, un quartier en pleine mutation qui fait l’objet d’un vaste projet d’urbanisme mené par Oppidea pour Toulouse Métropole.
Pour l’heure, ce qui occupe beaucoup les deux jeunes femmes, ce sont les travaux qui ont débuté sur le site de l’UGC allée Franklin Roosevelt à Toulouse, l’ancien cinéma que Caso Patrimoine a acheté en 2019. Un chantier titanesque et extrêmement contraint dont doivent émerger à l’horizon 2025 un centre commercial, des bureaux et des restaurants. Une magnifique vitrine pour Caroline et Sophie Monné qui, en peu d’années, ont réussi à se faire un prénom dans ce monde très fermé de l’immobilier. Ces « vraies » Toulousaines, qui ont grandi dans le quartier des Amidonniers puis fréquenté Fermat, ont des parcours très différents.
Un changement de voie
Un cursus universitaire pour Caroline Monné, qui après des études de droit à l’université Toulouse 1 Capitole et un master spécialisé à TBS, a embrassé le Barreau en 2008. Avocat pendant trois ans, elle planche sur les baux commerciaux, et traite en parallèle les dossiers juridiques de Caso Patrimoine. En 2011, Caroline Monné rejoint définitivement la foncière familiale où sa soeur Sophie travaille déjà depuis deux ans. Cette dernière a passé quelques mois sur les bancs de la fac d’économie et a très vite abandonné.
« Ça ne m’a pas plu, dit-elle dans un sourire. Je suis alors allée travailler avec mon père ». En 2006, elle rejoint donc le promoteur, spécialisé dans les résidences sécurisées. « J’ai fait un peu tous les services », se souvient la benjamine. Un an plus tard, Robert Monné cède Monné-Decroix au Crédit Agricole. « Il aurait souhaité que nous reprenions l’entreprise. Cependant, je n’avais que 20 ans, ma soeur commençait sa carrière d’avocat. Ni l’une ni l’autre, nous nous sommes senties capables de reprendre une telle structure qui employait à ce moment-là 500 salariés. »
En 2008, Sophie Monné commence à reprendre les actifs gérés à l’époque par Monné-Decroix : « nous avons petit à petit commencé à faire de la recherche foncière pour développer le patrimoine. » En 2009, la société familiale s’installe dans ses locaux actuels avec une toute petite équipe. « Avec le recul, assure Sophie Monné, nous n’avons pas de regret parce que nous avons pu développer la société à notre façon, à notre rythme, avec nos erreurs, notre méthode, à notre main. » « Cela a été une énorme chance, renchérit Caroline Monné, car cela nous a permis de nous forger une expérience hors de l’ombre paternelle. Notre père étant très connu dans le monde de l’immobilier, ce n’était pas facile pour nous d’exister à côté de lui en tant que professionnelles. »
Une entreprise renommée
Une dizaine d’années, c’est le temps qu’il aura fallu pour « qu’on reconnaisse notre travail », pointe Sophie Monné. Rien que de très logique cependant pour les deux soeurs. « Dans le milieu de l’immobilier, la renommée est importante. Il faut savoir faire ses preuves », ajoute Caroline Monné. Une réputation bien assise aujourd’hui même si, dans le passé, ces deux jeunes femmes, s’agissant d’investissements très conséquents, n’ont pas toujours été « prises au sérieux » dans cet univers très masculin. Pour autant, « cela n’a jamais été un frein », assure l’ainée.
En 2012, Caroline et Sophie Monné s’associent avec un ancien de Monné-Decroix, le promoteur Stéphane Aubay, fondateur de Green City. Aux côtés de ce professionnel, elles apprennent d’autres méthodes de travail. « Cela a été une belle aventure », reconnaît Caroline Monné. Elle s’achève en 2021 lorsque les deux soeurs se désengagent de Green City Immobilier.
La revente de leurs participations à Lone Star Funds, un fonds d’investissement anglosaxon, a permis aux jeunes femmes de booster le montant de leurs investissements. « Depuis 2021 notamment, nous avons fait beaucoup d’acquisitions », reconnaît Caroline Monné. Notamment à Paris où les deux soeurs ont mis un pied en 2017. « Sur le marché parisien, on ne nous faisait pas confiance. Pour tout dire, nous n’étions pas attendus. Nous avons acquis notre premier bien lors d’une vente aux enchères. À partir de là, on a pu sérieusement commencer à travailler des dossiers sur la capitale », se souvient Caroline Monné.
Une croissance en continu
Face à cette croissance rapide, Caso Patrimoine a dû se restructurer avec un changement de système informatique et surtout le recrutement d’une directrice générale en janvier 2022 pour manager l’équipe composée d’une trentaine de personnes. « Nous faisons toute la gestion en interne, qu’il s’agisse de la recherche de locataires, du suivi des travaux,etc. Cela fait beaucoup de compétences en interne, mais nous y tenons parce que c’est essentiel pour avoir une bonne con - naissance de notre patrimoine et être plus réactif, mais aussi pour savoir vers quoi orienter notre développement », ajoute Caroline Monné.
Vers quoi mais aussi vers où : « nous regardons également le marché bordelais, précise Sophie Monné, même si nous n’avons pas encore franchi le pas. » Lyon pourrait offrir aux deux soeurs un autre terrain de jeu, « mais c’est également un marché très fermé », résume la jeune femme.
« Et puis, Toulouse et Paris nous occupent déjà beaucoup ! », ajoute Caroline Monné. Près de Toulouse, d’ailleurs, les deux soeurs ont d’autres centres d’intérêt. Elles ont en - semble mené la restauration du château des Demoiselles, propriété de la famille depuis 20 ans. Niché au coeur d’une propriété agricole où prospère un élevage de porcs noirs gascons, le domaine comprend également une orangerie et une écurie, le tout géré par Caroline Monné en parallèle. Le bâtiment proprement dit, qui date du XVIIIe siècle, a été complètement rénové et transformé en lieu d’accueil de séminaires et de mariages. L’activité, qui a démarré fin 2021, occupe aujourd’hui une douzaine de personnes. 33 mariages sont déjà programmés cette année.
« Nous avons mené ces travaux dans le respect du bâti et du lieu. Nous avons également fait appel au paysagiste Mathieu Labeille, avec qui nous avons retravaillé le parc du château pour, tout en continuant l’histoire botanique du lieu, y apporter un peu de modernité », ajoute Caroline Monné. « Idem pour le château. C’était une belle endormie, que nous avons réveillée en le modernisant », s’amuse Sophie Monné. Les deux soeurs se sont personnellement beaucoup investies dans cette rénovation.
« Nous avons suivi le chantier de A à Z, acheté les meubles en salles des ventes et choisi tout nous mêmes, jusqu’à la petite cuillère et au porte-papier toilette ! »
Un projet que les deux jeunes femmes ont visiblement pris beaucoup de plaisir à mener ensemble et qui leur donne bien envie de recommencer. Cet attachement au patrimoine, c’est bien ce qui guide les deux jeunes femmes. « Cela nous passionne de connaître l’histoire d’un immeuble, qui s’inscrit lui-même dans l’histoire de la ville. Nous essayons d’avoir un impact positif sur cet immeuble ou le quartier. Même si nous ne sommes là que de passage, ça nous plaît de faire partie de cette histoire. L’idée n’est pas de laisser une trace mais de participer, à travers nos immeubles, à la vie de la cité. »