Peu d’actifs, aujourd’hui, peuvent se targuer d’écrire une histoire professionnelle pendant plus de deux décennies au sein d’une même structure, les temps étant plutôt au changement d’air. Lorsque Céline Vachey pousse les portes de l’Ademe à 27 ans, elle ne s’imagine pas, à cette époque, y dessiner une carrière. Et pourtant, cette diplômée de l’Insa, en génie des procédés industriels, à Toulouse, a gravi les échelons, avec un parcours sans faute, en toute discrétion. « À l’école d’ingénieur, j’ai le souvenir qu’on nous encourageait à mener une carrière, à gérer des équipes, etc. Quand je suis entrée sur le marché du travail, j’avais alors en tête l’objectif d’évoluer professionnellement mais pas celui de faire carrière à l’Ademe. Au fil des années, j’ai simplement saisi les opportunités qui s’offraient à moi. Mais si on m’avait dit ça, à l’époque, je ne l’aurais pas cru », sourit-elle.
La quadra, qui n’aime pas se mettre en avant, vient de prendre les rênes de la direction régionale de l’Ademe Occitanie – succédant ainsi Michel Peyron qui fait valoir ses droits à la retraite. Un rôle qui s’inscrit dans la continuité de son poste de directrice régionale adjointe depuis un an et demi. Celle qui a démarré au sein de l’agence de la transition écologique comme chargée de projets énergies renouvelables a, aujourd’hui, pour mission de piloter les actions sur le territoire régional et de coordonner le travail des équipes de Toulouse et Montpellier. Au-delà du volet managérial, elle a à coeur notamment de porter les ambitions de la structure qui l’a vu évoluer. Céline Vachey revient ainsi sur les trois grandes priorités de l’Ademe fortement mobilisée dans le cadre du plan de relance.
« Nous nous apprêtons à entrer dans une autre dimension avec plus de projets gérés au niveau national »
« Au niveau national, l’Ademe a été mobilisée par l’État pour gérer sept dispositifs soit 2 Mds€, à savoir un budget 2,5 fois plus élevé que le budget annuel consacré. Nous sommes donc au service des entreprises, qui sont désormais contraintes de se plier à de nouvelles réglementations environnementales, et qui représentent notre cible prioritaire. Notre objectif est de les accompagner sur des projets durables tant sur le plan technique que financier, en faisant de leur transformation écologique un outil de relance et de compétitivité », souligne-t-elle. En 2021, l’agence a soutenu des projets à hauteur de 110 M€, contre un budget annuel en moyenne de 40 M€, et a renforcé son équipe de six collaborateurs pour tenir ses engagements. Dans la feuille de route de la nouvelle directrice, s’inscrit la poursuite des actions dans le cadre du plan France Relance.
L’Occitanie sur le podium des régions agricoles françaises
Plusieurs axes stratégiques comme la décarbonation de l’industrie, l’hydrogène, l’économie circulaire, les friches, le tourisme durable sont au programme. Sans oublier que l’Occitanie arrive première sur le podium des régions agricoles françaises, les bilans carbones pour une agriculture durable constituant aussi un volet essentiel. « Nous avons mis en place une opération de diagnostic carbone pour les jeunes exploitants et proposé des plans d’action pour déterminer la vulnérabilité de leurs exploitations au changement climatique. L’objectif est d’aider 500 exploitants agricoles », détaille-t-elle. L’an passé, l’agence a ainsi accompagné, au total, 350 projets pour un budget global de 300 M€ et a ainsi mobilisé plus de 300 entreprises locales. « Les dispositifs d’aides sont très divers. Il peut s’agir de l’acquisition d’un véhicule électrique pour une PME ou d’un projet structurant qui nécessite un investissement conséquent. La fourchette varie généralement entre 5 000 et 13 M€ par projet. »
En parallèle, figure également l’implication de l’équipe régionale dans la mise en oeuvre du nouveau plan d’investissement France 2030, pour lequel l’agence se verra confier des programmes structurants. « Nous nous apprêtons à entrer dans une autre dimension avec plus de projets gérés au niveau national, souligne la directrice. Notre rôle est, entre autres, d’accompagner la création de filières comme la filière hydrogène à l’échelle régionale. » Autre point stratégique et parfois de friction pour la nouvelle directrice : l’accompagnement des collectivités dans leurs démarches de transition écologique dont principalement les 15 territoires ayant signé un Contrat d’Objectif Territorial dans le cadre de leur Contrat de Relance et de Transition Écologique.
« L’objectif est de mobiliser et de former les élus locaux aux problématiques environnementales, dans une démarche globale. Cela concerne l’urbanisme durable, la mobilité, l’économie des ressources, etc. Pour ce faire, une mobilisation des élus est indispensable. Il faut leur faire prendre conscience des enjeux de la transition écologique, leur montrer que ce n’est pas quelque chose qu’ils doivent subir, mais au contraire, que cela a un impact fort sur leurs territoires. C’est en bonne voie mais il reste du chemin à faire afin d’oeuvrer pour des territoires durables ».
Une intervention à la fois sur le volet écologique et sociologique
À travers ses différentes casquettes au sein de l’Ademe, Céline Vachey qui a le sentiment de distiller un message urgent, note que « depuis 20 ans, face à des enjeux climatiques énergétiques d’envergure, les choses ont évolué mais nécessitent une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs. L’enjeu de nos métiers est de répondre à la problématique : « comment faire pour que la transition écologique ne soit pas seulement une transition qui permette de réduire les émissions des gaz à effet de serre et d’améliorer le climat, etc., mais une transition qui engage la société vers une amélioration des modes de vies, et booste la compétitivité des entreprises ? ». C’est une intervention qui s’inscrit à la fois sur le volet économique et sociologique. » En effet, au fil de ses missions, elle allonge son CV et la liste de ses ambitions : d’abord en tant que chargée de mission énergies renouvelables pendant six ans où elle accompagne les porteurs de projets (collectivités et entreprises) dans le développement des énergies renouvelables, et où elle joue également un rôle de structuration des filières, notamment celle de la géothermie.
« Tandis que les jeunes d’aujourd’hui sont sensibles à l’écologie, il y a 20 ans, l’engagement pour la protection de l’environnement faisait moins partie de nos préoccupations d’adolescents »
« J’oeuvrais particulièrement pour le déploiement du solaire thermique pour les particuliers et les collectivités. À l’époque, la filière s’est bien développée mais elle est aujourd’hui en souffrance car d’autres produits la concurrencent. ». S’ensuit le poste de chargée de mission Énergie Bâtiment qui consiste à concevoir des bâtiments performants où elle met en place un dispositif avec la Région pour accompagner la construction des premiers bâtiments à basse consommation d’énergie. Toujours avec cette envie chevillée au corps d’évoluer, elle devient responsable du pôle Transition Énergétique, en premier lieu pour le Languedoc-Roussillon où elle chapeaute une équipe de six ingénieurs. « Mon rôle consistait à faire le lien, à vérifier que les dossiers soient instruits de la même façon, à suivre une stratégie pour l’intervention de la direction régionale, à m’assurer du suivi budgétaire, etc. Il y avait cependant une particularité pour le côté managérial, lequel était sans lien hiérarchique. Je devais m’imposer par mes compétences et apporter des outils concrets aux collègues. Ce qui m’a plu et me plaît encore, c’est le fait d’accompagner mes collaborateurs dans l’aboutissement de leurs projets, et de les guider dans l’élaboration de leurs stratégies ».
Un défi vient s’ajouter en 2016 avec la fusion des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. « Je me suis confrontée à un autre enjeu de management, avec la fusion de deux équipes qui avaient chacune leur fonctionnement et des partenariats différents. S’ajoutait à cela, la multiplicité des acteurs et des contextes locaux, etc. Cette période charnière n’a pas été de tout repos, car il a fallu apporter une autre vision et une autre façon de travailler », confie la chef d’orchestre. Fille d’un père militaire et d’une mère au foyer, rien ne prédisposait cette Mosellane d’origine à se pencher sur les questions environnementales. « Tandis que les jeunes d’aujourd’hui sont sensibles à l’écologie, il y a 20 ans, l’engagement pour la protection de l’environnement faisait moins partie de nos préoccupations d’adolescents », concède cette mère de trois enfants âgés de 11 à 21 ans.
Souvenirs heureux
C’est lors d’un stage de fin d’études que le déclic opère, au sein de l’entreprise associative Solagro, qui apporte son expertise au service de la transition énergétique. « Je travaillais sur un projet expérimental relatif à l’épuration du biogaz produit dans une décharge tarn-et-garonnaise en vue de l’injecter dans le réseau de gaz. C’est ce qui a tout déclenché. » Elle intègre alors l’Agence méditerranéenne de l’environnement à Montpellier en qualité de chargée de mission d’énergies renouvelables. Une aventure qui durera quatre ans. « Nous étions notamment les premiers au niveau national à mettre en place une prime destinée aux particuliers pour l’installation de chauffe-eau solaire thermique et à former les chauffagistes sur cette activité. C’était très intéressant mais j’ai eu envie de voir plus grand ».
La jeune femme, qui, dans le cadre de ses missions, collabore avec l’Ademe, tente alors sa chance. « Dans mon agence régionale, j’étais seule à travailler sur le sujet. Au sein de l’Ademe, nous travaillons en réseaux avec les autres délégations régionales et les experts, ce qui permet de progresser, de construire des actions et d’avoir une dynamique d’échanges », souligne-t-elle. L’environnement durable dans sa complexité est ainsi devenu le terrain de jeu de Céline Vachey. Cet écosystème de travail lui rappelle aussi, de loin, les moments passés au sein des scouts entre ses 10 et 15 ans. Des souvenirs heureux avec un brin de liberté pour cette cadette d’une fratrie de trois enfants, nourrie alors à la débrouillardise et au rythme des pérégrinations familiales. « Le scoutisme apprend la vie en collectif, le respect des règles, l’entraide, sans oublier cette chance de profiter des bienfaits de la nature et d’apprendre l’autonomie ».
Fille de gradé, elle a été bercée par les déménagements successifs. Du calme de sa petite bourgade de Moselle, elle est plongée à huit ans dans la frénésie de Djibouti. « D’abord un choc, se souvient celle qui n’avait pas encore voyagé, puis l’envie de tout découvrir avec mes yeux d’enfant ». Deux ans après, la famille, qui referme définitivement le chapitre africain, pose ses valises à Paris pour une parenthèse de cinq ans, avant de s’installer à Montauban. Pour l’adolescente, cet énième changement qui intervient en milieu d’année de troisième, est alors vécu « comme difficile ». Pourtant, malgré les bouleversements, elle continue de porter l’étiquette de « bonne élève » – elle passe un bac S haut la main, sans pour autant vouloir embrasser une carrière en particulier, avant de réaliser des études d’ingénieurs. Un « titre » qui ne quittera pas celle qui navigue aujourd’hui entre Toulouse, son point d’ancrage, et Montpellier où sa famille est installée.