Christine Roynette
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Christine Roynette

Entrepreneuse à fort impact.

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Photo de Christine Roynette
(Crédit : DR)

Pour tous ceux dont les souvenirs de grec sont trop lointains, il n’est peut-être pas superflu de rappeler qu’Asclepios (Esculape pour les intimes) est le dieu de la médecine dont l’attribut le plus célèbre est un bâton autour duquel s’enroule un serpent… Son art consommé de la guérison lui valut d’ailleurs l’ire du père des dieux, sous la forme d’un coup de foudre de Zeus dont notre héros ne se remit pas.

Asclepios, c’est aussi le nom d’une start-up toulousaine cofondée en décembre 2019 par Christine Roynette et son mari Patrick Roynette. Cette diplômée de Centrale Supelec et ce spécialiste de l’optoélectronique ont développé au bout d’un an de travail une technologie de rupture à base de Led, baptisée Boxilumix. Aujourd’hui protégée par un brevet, elle permet grâce à la lumière, à savoir la génération de signaux lumineux modulés et pilotés à plusieurs longueurs d’onde, de traiter les fruits et les légumes sans recourir à la chimie.

Ces signaux incitent en quelque sorte les plantes à générer leur propre défense contre les potentielles contaminations par les champignons, les bactéries, etc. Ce qui permet en l’occurrence, d’allonger très sensiblement leur durée de conservation mais aussi d’améliorer leurs qualités nutritionnelles. L’objectif pour le couple est ainsi de réduire le gaspillage mais aussi et surtout l’utilisation des pesticides et autres fongicides, nocifs pour la santé et l’environnement.

Triple impact

Cette « solution unique, durable, à impact », comme la qualifie Christine Roynette, lui a valu de recevoir en décembre 2020, tout juste un an après sa création, le label Solar Impulse Efficient Solution, décernée par la fondation de l’explorateur suisse Bertrand Piccard, et plus récemment le 31 janvier dernier le prix « Innovation & Alimentation durable et responsable » dans le cadre du concours Les Inn’Ovations organisé chaque année par la Région Occitanie.

Pour Christine Roynette, la solution développée par Asclepios Tech est triplement vertueuse puisqu’elle a, à la fois, un impact « économique car nous allons permettre aux agriculteurs d’augmenter leurs revenus en réduisant leurs pertes et en réduisant leurs dépenses récurrentes dans les intrants chimiques ; un impact social, puisque cette réduction des intrants chimiques va leur permettre d’améliorer leur santé et celle des consommateurs, sachant également que nos systèmes peuvent être mis en œuvre dans de petites fermes comme de grandes exploitations ; »

« Notre solution qui consomme peu d’énergie et réduit les émissions de CO2, va permettre de mieux exploiter les terres agricoles, puisqu’elle n’utilise pas d’eau et protège la biodiversité. »

La dirigeante compte notamment, en améliorant la qualité nutritive des fruits et légumes, lutter contre des maladies non transmissibles telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires ou Alzheimer.

Soutenue depuis ses débuts par la Région et son agence de développement économique Ad’Occ, Asclepios Tech est le fruit d’une trentaine d’années d’expérience accumulée par Christine Roynette et son mari dans les domaines de l’informatique, de l’électronique et de l’optique. Une dirigeante qui peine à se livrer, notamment s’agissant de son parcours, tant, selon elle, l’enjeu est ailleurs. « Ce que j’ai fait avant n’intéresse pas les jeunes ! » s’amuse celle qui vient de fêter ses 60 ans. « Ce qui est important c’est ce que nous avons développé ». Tout juste saura-t-on que c’est sous l’impulsion de leurs enfants que Christine Roynette et son mari ont commencé à travailler sur le sujet.

Du champ à l’assiette

« Nos enfants nous ont demandé de mettre à profit nos compétences pour s’atteler aux problématiques de développement durable », explique-t-elle. « Nous avons alors pensé que les connaissances que nous avions acquises sur la décontamination par la lumière de l’air, de l’eau et des surfaces, nous pourrions les utiliser sur le vivant et en particulier les végétaux. Nous sommes donc partis sur l’idée de décontaminer les plantes. Pendant un an, nous avons essayé de comprendre les actions de la lumière sur le végétal, et nous nous sommes rapidement rendu compte que nous pouvions aller bien au-delà, en particulier protéger préventivement les végétaux contre les agressions mais également jouer sur l’aspect nutrition du fruit ou du légume, c’est-à-dire améliorer la densité nutritive des plantes, et ce de façon respectueuse pour le végétal, sans stress. »

Depuis 2021, la jeune pousse qui emploie cinq salariés, commercialise sa solution auprès d’acteurs du monde agricole, notamment des coopératives. Elle a également trouvé de nouveaux débouchés dans les secteurs de la nutrition et de la santé puisque l’innovation développée par Christine Roynette et son équipe permet aussi d’augmenter les principes actifs des plantes à parfum aromatiques et médicinales (PPAM). La start-up a notamment déployé une activité de service autour de sa technologie avec Pink Lady Europe et les Laboratoires Pierre Fabre.

La pépite, qui a récemment remporté des appels à projets financés par Bpifrance et l’Europe, veut accélérer le développement de ses produits « à toutes les échelles de marché : le champ, les PPAM, les serres, etc. », détaille Christine Roynette. Son équipe a développé un premier module qu’il est possible d’intégrer par exemple dans un tunnel de lavage, « ce qui permet de traiter en post récolte sans modifier les process de l’entreprise. Ces mêmes modules peuvent aussi être embarqués sur des robots, pour les productions maraîchères et dans les vergers. C’est ce que nous sommes en train de développer. »

Elle projette le recrutement de profils scientifiques et commerciaux, l’ambition étant de partir rapidement à l’international. Elle a déjà noué des relations avec l’Inde et le Canada. « Notre objectif est d’être le leader européen du traitement du végétal par photobiologie d’ici cinq ans », conclut la présidente d’Asclepios Tech.