Éric Bille
Invités / Entretiens

Éric Bille

Pour l’amour du houblon.

Lecture 8 min
Eric Bille
Le quinqua est à la tête de la Braxéenne, une microbrasserie devenue grande, aujourd’hui installée à
Pujaudran où il promeut « une bière authentique, locale, bio et engagée ». (Crédit : DR)

Éric et Véronique Bille ont les yeux qui pétillent quand ils parlent de la petite dernière de la famille, leur microbrasserie, née à Brax en Haute-Garonne et installée à Pujaudran, aux portes du Gers. « Avec 15 000 € d’investissement en fonds propres, j’ai commencé à faire les premiers brassages dans mon garage, pour m’amuser puis j’ai investi la cuisine, le salon, se souvient Éric Bille. On collait les étiquettes en famille avec les enfants. »

Très vite, l’entrepreneur a été contraint de trouver d’autres solutions pour se développer. Voici l’histoire d’une microbrasserie devenue grande : elle produit aujourd’hui 60 000 litres par an et compte monter à 80000. « C’est une petite production, explique modestement Éric Bille, comme il en existe beaucoup. On compte 2600 brasseurs en France et 280 en Occitanie. Avant le Covid, il se créait une microbrasserie par jour. »

Mais, Éric Bille tient à préciser qu’il ne s’est pas lancé dans le métier pour suivre la tendance, c’est le produit et l’envie d’entreprendre qui ont été les déclencheurs. L’entrepreneur a appris à brasser en Italie auprès d’un ami passionné par la bière. À cette époque, il travaille pour Maserati et Ferrari. Rien à voir avec la bière.

De fait, Éric Bille a toujours été curieux, voire même touche-à-tout. À 28 ans, il crée sa première entreprise, un bureau d’études spécialisé dans la CAO (conception assistée par ordinateur). Attiré par les voyages, il part avec sa femme et leurs trois enfants au Canada travailler pour Mecanica Solutions à Montréal. Il y restera six ans. La famille Bille a la bougeotte, nouvelle expatriation à Maranello en Italie pour assurer la gestion d’un bureau d’études.

En 2007, la famille rentre en France, séduite par Toulouse et la belle image véhiculée par le secteur aéronautique. La famille souhaite aussi se rapprocher de la montagne. Ce dernier élément est important et sera déterminant pour la création de la Braxéenne. Éric Bille travaille en sous-traitance pour Airbus et, sur son temps libre, ouvre un club d’escalade dans le village de Brax. La famille se fait très vite un cercle d’amis.

« C’est au club d’escalade que l’idée de l’entreprise a germé, s’amuse le brasseur, je faisais toujours de la bière pour le plaisir et j’en offrais au club. Un jour un copain me dit : tu nous donnes toujours de la bière, cette fois je vais te la payer et il me tend un billet de 5 €. Si on voulait me payer pour faire de la bière, pourquoi pas en faire mon métier ? »

L’idée était née, ce billet, ô combien précieux, a trouvé sa place sur le pêle-mêle accroché sur le mur de la brasserie. Son épouse Véronique a rejoint l’entreprise, elle s’occupe de la comptabilité. Le frère d’Éric Bille, Xavier, a quitté sa Bretagne pour venir travailler à la brasserie. Lui qui travaillait dans l’univers de la piscine a plongé dans la bière.

FÉDÉRER LES BRASSEURS

Éric Bille aime le côté associatif, se dire qu’ensemble, on est plus fort. Il est devenu président de l’Association des brasseurs indépendants d’Occitanie. L’association mutualise, par exemple, l’achat de matériel, organise des journées techniques pour les nouveaux brasseurs.

L’homme a tissé sa toile en Occitanie. Il aimerait bien développer la filière brassicole en collaboration avec la chambre d’agriculture et la Région. « L’idée est d’inciter les agriculteurs à replanter de l’orge, du malt pour booster les circuits courts et valoriser leur travail. » Développer une filière brassicole permettrait de créer du lien entre agriculteurs, coopératives, malteries et brasseurs.

UN PROFESSIONNEL ENGAGÉ POUR L’ENVIRONNEMENT

Éric Bille reçoit régulièrement des stagiaires dans son entreprise, il dispense des cours au Cifca, centre de formation des métiers du commerce à Toulouse et chez Beer Fabrik auprès de futurs brasseurs et cavistes. Il a également mis en place des stages, le samedi matin, dans sa brasserie pour apprendre toutes les ficelles du métier. « C’est déjà un vrai succès, Il faut réserver longtemps à l’avance », s’enthousiasme le brasseur. Éric Bille va tester de nouvelles façons de travailler au sein de sa brasserie.

Accompagné par le lycée agricole d’Auch, il va cultiver du houblon et de l’orge. Éric Bille achète la matière première au plus près de sa brasserie, 90% provenant de la malterie du Vieux silo dans le Tarn. « C’est mon côté militant, le local avant tout », confie Éric Bille sur un sourire. Il s’intéresse également fortement au système de consigne pour ses bouteilles et travaille avec la coopérative Bières des Régions pour optimiser ses livraisons chez les restaurateurs et dans les épiceries fines. Avec les étudiants de l’IUT d’Auch, l’entrepreneur travaille sur la gestion des eaux usées.

« C’est capital pour nous. Nous avons décidé de faire un bilan carbone pour l’entreprise, il y a deux ans, afin de prendre de nouvelles orientations. » Éric Bille valorise ainsi 95% des déchets de la brasserie, des agriculteurs voisins récupérant les drêches pour leurs vaches et des maraîchers en font du compost. À Lasserre, en Haute-Garonne, une boulangère, elle aussi engagée, utilise les drêches pour fabriquer du pain. La Braxéenne propose 10 bières et des cuvées éphémères pour les fêtes.

« On vit à 100% pour la bière, on pense bière, on parle bière », s’amuse Éric Bille qui ne se lasse pas du houblon. Dans son laboratoire, il écrit de nouveaux accords. « Je m’amuse », vous dira-t-il. Il achète de vieux fûts de chêne ayant contenu du vin ou du whisky et fait vieillir ses bières en tonneau. Il travaille, entre autres avec Black Mountain, dans le Tarn. Une autre façon de consommer la bière et sans aucun doute l’ouverture de nouveaux marchés !