Fabien Lhérisson
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Fabien Lhérisson

Porte-voix de la culture.

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Photo de Fabien Lhérisson
(Crédit : JEAN-PIERRE MONTAGNÉ)

Il suffit de quelques minutes avec lui pour s’en rendre compte, Fabien Lhérisson fait partie de ces gens qui se sentent bien dans leurs baskets, d’ailleurs il en porte au quotidien. Elles viennent parfaire un look décontracté jean/t-shirt, qui correspond à l’image que l’on se fait (parfois à tort) d’un directeur artistique d’une salle de spectacle.

À savoir, quelqu’un de cool et résolument branché. Avec sa barbe de trois jours et ses bagues aux doigts, le quinquagénaire est le nouveau visage du Metronum. Il succède à Virginie Choquart. En poste depuis seulement trois ans, la jeune femme a décidé de voguer vers d’autres aventures. Fabien Lhérisson a pris officiellement ses fonctions le 2 janvier dernier.

C’est à lui désormais que revient la charge de piloter les deux salles de concert et les deux studios de répétition que compte le Metronum, sans oublier les résidences d’artistes et bien sûr le Festival Rio Loco.

Une responsabilité qui ne fait pas peur au nouveau venu, bien au contraire « c’est un nouveau challenge que j’ai hâte de relever ». Il faut dire que ce père de famille de deux enfants a pour lui plus de 32 ans d’expérience dans le milieu culturel et artistique.

Ses débuts dans le monde culturel

Né au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, c’est là-bas qu’il s’épanouit pendant les premières années de sa vie. Musicien amateur et curieux de nature, sa première immersion dans le monde de la culture avec un grand C, date de ses années étudiantes.

Après un cursus scientifique, il change de voie et intègre l’université Paris 8 pour suivre des études de géopolitique. « J’ai 24 ans et alors que je me prédestine à devenir géopoliticien, une annonce pour créer un festival étudiant de musique va venir bouleverser tous mes plans », raconte Fabien Lhérisson.

« Baptisé Campus à l’oreille, ce projet était piloté par le Festival d’Ile-de-France. L’aventure a finalement duré deux ans pendant lesquels j’ai découvert un univers et un métier. Et franchement, voir une salle pleine à craquer vibrer pour un artiste que vous avez programmé, c’est tout simplement waouh ! Là, vraiment, je me suis dit : c’est ça que je veux faire ! »

Fort de cette décision, il choisit de devenir objecteur de conscience pendant son service militaire obligatoire pour pouvoir le passer au sein d’une structure associative. Son choix se porte naturellement sur le Festival de Saint-Denis.

Un rendez-vous d’envergure international, dédié à la musique liturgique. « Pour la première fois, j’ai été amené à mettre en place ce que l’on appelle aujourd’hui des actions de médiation et de sensibilisation. En gros, je m’appuyais sur la programmation pour développer des projets auprès de différents publics », se rappelle le directeur du Metronum qui assure aussi les missions de programmateur et de chargé de relations publiques jusqu’en 1998.

Cette deuxième expérience le conforte dans son choix de carrière : il veut continuer à provoquer des émotions, abolir les frontières et rendre accessible la culture. « La notion d’accessibilité est quelque chose d’essentiel, tout comme la circulation des publics. Autrement dit, amener les personnes à s’intéresser à plusieurs genres musicaux : cela permet de développer sa curiosité et aussi de décloisonner les musiques. »

Une expérience dans la direction artistique

Après une brève excursion dans le milieu du cinéma, il est rappelé par le Festival d’Ile-de-France qui lui donne carte blanche pour créer un nouveau rendez-vous musical. Sa mission ? Attirer un public plus jeune. Pour la première fois, il endosse le rôle de directeur artistique. Son événement, baptisé Factory, propose une programmation plus éclectique avec des styles musicaux émergents que sont à l’époque le jazz, le rap ou encore l’électro…

La première édition a lieu en 1999, à Saint-Denis dans les usines Christofle. « L’aventure Factory va durer 13 années, pendant lesquelles j’ai expérimenté, j’ai créé et j’ai rencontré des personnes incroyables. J’ai énormément appris », se remémore Fabien Lhérisson qui quitte alors son poste de directeur de festival pour prendre pour la première fois les commandes d’une salle de spectacle, et pas n’importe laquelle.

Il s’agit en effet de l’ancien temple du rock’n’roll : Le Plan, situé à Ris Orangis dans l’Essonne. Et le chantier est de taille dans ce département où la population se paupérise.

« Je n’ai pas hésité longtemps avant de prendre le poste car j’ai toujours pensé que la culture a son rôle à jouer dans la prévention et la réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale. »

« Et puis ce poste répondait aussi à quelque chose qui me guide depuis le début de ma carrière : lutter contre l’attractivité parisienne pour amener la curiosité et l’excellence musicale dans les quartiers », explique l’intéressé.

Entre 2013 et 2022, il redonne une identité et une direction artistique au lieu. Il obtient surtout sa labellisation Smac par le ministère de la Culture. Ce label est attribué aux structures porteuses d’un projet artistique et culturel d’intérêt général dans le champ des musiques actuelles et qui incarnent le triptyque : programmation de concerts, diffusion (d’informations) et accompagnement d’artistes.

Avec aussi une vraie politique musicale de proximité. Autre défi à relever pour Fabien Lhérisson et ses équipes : rendre la salle de concert plus attractive. Pas une mince à faire lorsque toute la scène musicale est vampirisée par Paris.

« Pour se démarquer, j’ai notamment décidé d’en faire un lieu de résidence référence pour les artistes avec un deal simple : pétrole contre nourriture. Nous mettions à leurs dispositions l’ensemble de nos infrastructures, matériels et savoir-faire, et en contrepartie ils donnaient un concert. C’était un levier nécessaire pour attirer des artistes de renom que l’on n’aurait pas pu faire venir autrement. Et ça a marché. Très vite, on a fait partie des trois lieux de résidence les plus demandés en France et on a gagné en visibilité et notoriété. De quoi attirer des têtes d’affiches à l’image de Juliette Armanet, Clara Luciani, Gregory Porter… »

Désormais à la tête du Metronum, Fabien Lhérisson a une vision claire de ce qu’il veut mettre en place. « Mon travail en tant que directeur est de fédérer mes équipes autour d’un projet artistique, culturel et social et de le co-construire avec elles pour ensuite le déployer sur le territoire. Notre mission est aussi de devenir une source d’inspiration pour l’ensemble des acteurs culturels qui font partie de notre écosystème, ici dans le quartier de Borderouge, et plus largement dans toute la métropole toulousaine. Le Metronum bénéficie d’une bonne réputation dans le milieu, notamment grâce à la qualité de son équipement technique et de sa programmation. Mais je pense vraiment qu’il n’a pas encore donné tout son potentiel. Nous avons une marge de progression très importante », assure le Toulousain d’adoption qui annonce aussi ses ambitions pour le Rio Loco.

Rendez-vous incontournable de la saison culturelle à Toulouse depuis sa création en 1995, il jouit d’une notoriété nationale et internationale grâce à une programmation qui met à l’honneur les musiques actuelles et du monde.

« Rio Loco est unique en son genre en France car il a été pensé comme un festival intergénérationnel populaire, avec des tarifs très bas, donc accessible. Il propose aussi chaque année une thématique et ça, face à l’hyperconcentration et l’uniformisation des programmes, c’est le modèle idéal pour tirer son épingle du jeu », indique Fabien Lhérisson.

Et de poursuivre : « Pour autant, je pense sincèrement que le festival a fait un peu le tour. Il est temps de s’inscrire dans des thématiques différentes, pas forcément relié à une zone géographique. »

Voilà pourquoi à son arrivée en janvier, il a décidé de détricoter ce qui avait été imaginé pour la 28e édition de Rio Loco, qui aura lieu du 14 au 18 juin, et de repartir sur une page blanche ou presque.

« Nous avons pensé la programmation comme une grande épopée musicale. Mundo mix, c’est son nom, se veut un plaidoyer pour les musiques populaires d’aujourd’hui et de tous les continents. Elle emportera le public de Cuba à Bamako en passant par le Brésil, l’Iran, la Colombie, le Chili, la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud. Le tout impulsé par de jeunes artistes, des figures con nues et des créations musicales en hommage au maître de l’afrobeat Tony Allen et de la reine de la soul Aretha Franklin. »

Passionné par son métier, Fabien Lhérisson compte mettre toute son expérience au service de la réussite du Metronum et du Festival Rio Loco. L’objectif ? Faire d’eux les locomotives de la vie culturelle et musicale à Toulouse.