Le monde agricole est loin d’être un univers figé : les évolutions technologiques rapides et constantes que vivent nos sociétés vont jusqu’aux champs, et nombre de cultivateurs et d’éleveurs sont équipés de matériel sophistiqué et parfois d’applications spécialisées. À côté, et en complément de ces changements d’outils, la réflexion sur les méthodes de commercialisation et de production fait son bonhomme de chemin. Elles suivent les goûts des consommateurs, les impératifs économiques, mais aussi les contraintes sanitaires. Pas facile de sortir des pesticides, les fameux intrants, qui permettent de stabiliser les récoltes, de limiter les maladies, et de garantir un revenu. C’est autant une affaire de mentalités que d’ouvrage. C’est dans cette direction que s’est engagé Florian Castebrunet, gérant de l’Earl les Pléiades, à Lapenche dans le Nord du Tarn-et-Garonne. Sur cette exploitation de 80 hectares, il produit des céréales, melons, prunes, poires, pommes, raisin pour le vin et quelques légumes. Depuis 2014, il expérimente un procédé pour réintroduire de la vie dans le sol, le couvert végétal. « Je sème des végétaux dans les champs en automne, ils se développent, et on les détruit. Cela permet d’apporter de la matière organique au sol, de capter l’azote dans l’air et de la restituer dans le sol. »
Et donc d’améliorer la fertilité. Florian Castebrunet est curieux, mais pragmatique. « Cela m’intéresse, j’y crois, mais pas non plus à 100%. Ramener de la vie dans le sol cela ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n’est pas facile à démontrer, et cela se fait sur le long terme ou le très long terme. Mais je sens déjà l’évolution en arboriculture, la terre est plus facile à travailler, on va plus vite, on utilise moins de gasoil. » Le jeune agriculteur a décidé de continuer l’expérience. Né en 1986, Florian Castebrunet a grandi dans l’exploitation créée par ses arrière-grands-parents à Lapenche, à une trentaine de kilomètres au Nord-Est de Montauban, près de la limite avec le département du Lot. Dès son plus jeune âge, il aide ses parents. Il ne se projette pas ailleurs que dans le domaine agricole. Attiré par la production de raisin et sa transformation, il entreprend et réussit des études de viticulture-oenologie à Cahors, BEP puis Bac pro. Mais il s’arrête là, faute d’installations pour faire du vin sur le domaine de son père. « Monter une cave, c’est très compliqué, il faut beaucoup de matériel, c’était trop cher. »
« L’an dernier, tout a gelé, nous n’avons presque rien produit sur la partie arbres. Cette année, ça s’est mieux passé, mais la partie sécheresse a été très très dure. Je pense que nous avons perdu 10 à 15% de fruits parce que nous n’avons pas pu assez arroser. »
Florian Castebrunet poursuit son cursus avec un BTS analyse et conduite d’exploitation agricole à Vic-en-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées puis une formation professionnelle en mécanisme et machinisme en Aveyron. En 2009, il est prêt. « Je me suis pré-installé : j’ai pris des terres en fermage sur l’exploitation familiale, je m’occupais de céréales. L’objectif c’était de travailler dans la ferme familiale, je savais que j’allais m’y installer par la suite. » 2009 est une année charnière pour l’Earl les Pléiades, qui décide de faire évoluer ses méthodes de vente et de ne plus céder les melons en vrac. « Mon père réfléchissait sérieusement à sortir de la coopérative, il voyait que cela ne marchait plus financièrement, qu’il ne s’en sortait pas en amenant les melons à une grosse structure. » L’idée est de fixer son propre prix, et de ne plus le subir. « On a modifié les bâtiments pour installer une chambre froide et une calibreuse. » Quand les fruits récoltés sont amenés au grossiste directement, celui-ci peut prétexter un taux important de fruits non-commercialisables (pas la bonne taille, abîmés, pourris…) pour faire baisser le prix.
S’adapter au climat
Mais avec une calibreuse, c’est différent. « Quand les produits partent, on sait qu’ils sont prêts à la vente. Cela nous permet de mieux maîtriser la vente de la production. » Les melons sont d’abords vendus à un expéditeur, puis en direct sur un marché, sur un point de vente touristique et à via une épicerie créée en Aveyron par le père. L’épicerie a été vendue, et le fils livre aujourd’hui des épiciers et des grandes surfaces. Les Castebrunet ont gagné en indépendance mais le choix n’est pas sans conséquence. « On a perdu en qualité de vie. Avant, mon père ramassait les fruits, les amenait à la coopérative et c’était terminé. Aujourd’hui, on ramasse, il y a aussi l’entretien des cultures, les livraisons, les journées sont plus longues. Mais à la fin, il reste les centimes qui nous permettent de continuer. » L’envie de tenter d’autres méthodes de culture n’est pas arrivée dès le début. « On se tenait informé des actualités avec la chambre d’agriculture, on en parlait de plus en plus. Et puis je suis entré dans le groupe 30 000 melons. »
Une association de producteurs qui lui fait découvrir le principe du couvert végétal, qu’il commence à expérimenter avec les melons en 2014 puis sur la partie arboriculture. S’il souhaite continuer à développer ce procédé et notamment s’équiper en matériel pour mettre en place les couverts, Florian Castebrunet doit s’adapter au climat capricieux. « L’an dernier, tout a gelé, nous n’avons presque rien produit sur la partie arbres. Cette année, ça s’est mieux passé, mais la partie sécheresse a été très très dure. Je pense que nous avons perdu 10 à 15% de fruits parce que nous n’avons pas pu assez arroser. » Le couvert végétal a dû être mis en pause. La difficulté majeure du moment, ce sont les effectifs. Le père de Florian Castebrunet a pris sa retraite au printemps, et le recrutement est délicat.
« On cherche un salarié mais c’est introuvable. On fait avec la main-d’oeuvre saisonnière, on arrive à trouver une équipe, mais c’est de plus en plus compliqué. Cela fait deux ans que l’on cherche une personne à l’année, c’est un gros frein au développement. » Malgré les difficultés, Florian Castebrunet poursuit son travail naturel sur la fertilité des sols, et s’est fixé un objectif, en cours de réalisation, la certification Haute valeur environnementale (HVE). L’expérimentation porte lentement ses fruits, et l’agriculteur tarn-et-garonnais est aujourd’hui cité en exemple. Dans le cadre du programme Innov’action 2022 de la Chambre d’agriculture 82, il a accueilli au mois de mars, sur une journée, une soixantaine d’agriculteurs et de professionnels du monde agricole pour montrer son travail.