Jean-Pierre Dujon Lombard
Invités / Entretiens

Jean-Pierre Dujon Lombard

L’homme chocolat.

Lecture 8 min
Jean-Pierre Dujon Lombard
Jean-Pierre Dujon Lombard (Crédit : DR)

Il en a fait du chemin Jean-Pierre Dujon Lombard depuis ses premiers chocolats fabriqués dans son atelier de Saint-Pierre-de-Lages, installé dans le garage familial. Il est aujourd’hui un chef d’entreprise accompli accompagné par 35 salariés et 50 en haute saison. C’est une nouvelle ère qui débute pour le talentueux chocolatier toulousain : il vient de terminer les travaux de sa chocolaterie à Lanta après sept ans de gestation et pas mal d’autres tracasseries administratives. « C’est une petite révolution dans mon métier. On a investi dans une machine numérique de découpe à jet d’eau, un filet d’eau haute pression qui vient tailler la plaque de chocolat. On va pouvoir travailler sur le volume et les structures. »

LA CONFIANCE, LE POINT DE DÉPART...

Jean-Pierre Dujon Lombard met un point d’honneur à établir un contrat de confiance avec ses collaborateurs. Le maître chocolatier insiste sur la formation personnelle et la montée en compétences. Ce sont des axes forts de développement. « Nos techniciens sont performants, tous formés au numérique. J’aime dire que les salariés qui entrent chez nous en ressortent plus grands. » Le professionnel n’a aucun souci pour recruter ses collaborateurs. La motivation est la première des clés, la formation vient après. « Je leur explique que je veux un contrat moral avec eux. Ils doivent s’engager à rester au moins cinq ans dans l’entreprise s’ils veulent progresser ». Il insiste sur ce rapport de confiance, une notion capitale à ses yeux. Vous savez ce qui l’a marqué dans sa carrière ? Le discours d’une de ses enseignantes au lycée professionnel hôtelier de Mazamet.

« Elle nous disait : “le plus important n’est pas le contrat de travail, c’est la confiance entre l’employeur et son salarié. Si cette confiance est rompue, on ne peut plus avancer” ». Jean-Pierre Dujon Lombard est convaincu qu’il faut mettre de l’intelligence et de l’adhésion dans l’entreprise. « Ce sont les enjeux de demain, j’essaie d’inculquer aux salariés le goût de la montée en compétences. Il faut apprendre le beau, l’amour du travail bien fait. » Il aimerait que les meilleurs élèves-chocolatiers préparent les Beaux-Arts. « Le chocolat est un art, la création d’une longue chaîne, il faut s’imprégner des autres, c’est participatif. » Jean-Pierre Dujon Lombard se définit comme un créateur-éditeur. D’ailleurs, pour les 20 ans de l’entreprise cette année, il a demandé à l’artiste Sébastien Gravouil d’illustrer sa carte des saveurs.

LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, SON NOUVEAU DÉFI

Maître chocolatier un peu poète, un peu philosophe et de plus en plus proche de la nature… Lors de notre entretien, il sera souvent question d’un de ses mentors Jean-Marc Jancovici. Il vous dira que le monde de demain sera philosophique ou ne sera pas. Mais il sera aussi plus écologique, plus respectueux de l’environnement. « Ce sont des combats qu’on ne peut pas mener seul. Je prépare les salariés. » Il a d’ailleurs offert à chacun d’entre eux le livre de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, Le monde sans fin. Il a décidé de rejoindre l’association Carbone 4 pour pousser l’entreprise vers la transition écologique. « Tout le monde sait que les fèves de cacao ne poussent pas à Toulouse. J’ai déjà réfléchi à la manière de réduire mon empreinte carbone, en investissant par exemple une part des résultats dans des projets de reforestation, ça a du sens. » Depuis longtemps, déjà, l’entreprise fait fabriquer ses packagings en Bretagne, des composteurs ont été installés récemment dans les ateliers.

« Des choses simples qui rassurent, le monde a besoin de simplicité »

« On consomme beaucoup de fruits, c’est tellement naturel de faire du compostage, on se demande pourquoi on ne l’a pas fait avant. » Criollo va également investir dans le solaire doublé d’une pompe à chaleur et réfléchir avec ses collaborateurs à la manière de favoriser les déplacements doux. « Je dis à mes salariés, le monde va changer, ce n’est pas une catastrophe, il suffit de regarder le monde nouveau avec des opportunités. » Le chef d’entreprise est en train de mettre en place une nouvelle méthode de travail pour réduire les coûts et fidéliser ses fournisseurs. « On va notamment garantir un revenu en local à un producteur de safran, c’est du donnant-donnant ». Les projets ne manquent pas pour booster le CA, estimé à 2,6 M€. La période Covid a été très porteuse. Ce sont les ventes en ligne qui progressent le plus. Jean-Pierre Dujon Lombard aimerait développer les livraisons vers l’Allemagne et la Catalogne.

Le numérique est bien en place dans l’organisation. « Le nerf de la guerre, c’est l’analyse des données informatiques. Ça permet d’ajuster une production en flux tendus, la qualité des chocolats vient de leur fraîcheur. » L’entreprise a pu compter sur l’aide de la Région Occitanie, le fonds Irdi dédié à l’accompagnement des PME. Le Département et la communauté de communes Terres du Lauragais se sont également mobilisés pour financer ce nouvel atelier à Lanta doublé d’une boutique. Le chocolatier aimerait y ouvrir prochainement un circuit de visite. Jean-Pierre Dujon Lombard a gardé intacte sa passion pour les chocolats. Il aime toujours tester les recettes, vous faire rêver en parlant des différents crus : « parfois, le contact avec le produit me manque. Je suis devenu chef d’entreprise alors que j’étais chocolatier, je n’avais pas vraiment le choix, j’étais comme Christophe Colomb au milieu de l’Atlantique, il me fallait trouver une île, un port d’attache. » Vous n’avez pas fini d’entendre parler de Criollo. Le chef d’entreprise aimerait ouvrir un salon de thé, avec du vrai chocolat chaud, des gaufres, des churros… « Des choses simples qui rassurent, le monde a besoin de simplicité », conclut le chocolatier.