Jean-Pierre Mas
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Jean-Pierre Mas

Voyageur dans l’âme.

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Jean-Pierre Mas a passé une bonne partie de sa carrière à voyager. Le président des EdV (Entreprises du Voyage), prendra la retraite dans quelques mois. Devinez ce qu’il aimerait faire : découvrir d’autres coins du monde. (Crédit : DR.)

« Mon attachement à Toulouse est viscéral, explique Jean-Pierre Mas, on est toujours né quelque part. J’aime aussi le Tarn, le Lauragais, mon lieu de résidence et Aragnouet dans les Hautes-Pyrénées où je suis conseiller municipal. Quand je suis à l’étranger, je suis fier d’être toulousain, j’en profite pour inviter les gens à venir chez nous. »

Il faut dire que Jean-Pierre Mas est amené à rencontrer de nombreux acteurs du tourisme, des politiques... Depuis 2014, il est président du Snav (syndicat national des agents de voyages), rebaptisé en 2016, Entreprises du Voyage. « C’est un poste où je dois fédérer, faire avancer ensemble des entreprises de taille et de culture différentes. De l’agence de voyages de trois salariés à l’énorme groupe qui vend des voyages en ligne, comme Expédia. C’est un vrai challenge. »

Jean-Pierre Mas s’est transformé en super héros lorsque le secteur a traversé les crises à l’image du printemps arabe, ou encore de la plus récente, celle liée au Covid. « On a été le secteur le plus impacté, on est passé à zéro activité. Je pense que le travail avec les élus a sauvé un secteur professionnel. On s’est mis en ordre de marche, tout le monde était sur la même longueur d’onde. Ce qui nous a permis d’être entendus par le gouvernement. »

Jean-Pierre Mas reçoit encore de nombreux témoignages des confrères qui lui disent : « si tu n’avais pas été là, je serais mort...  » Il répond : « non, pas toi, mais ton entreprise ».

Continuer le combat

Oui, on peut vraiment parler de combat, car le monde du voyage est un univers impitoyable, en mouvement perpétuel, bousculé par les crises climatiques, géopolitiques, financières. Il doit s’adapter. Jean-Pierre Mas est le président de toutes les agences physiques et internet du voyage, les plus gros adhérents sont des opérateurs en ligne.

« Il y a 25 ans, on prédisait que nous allions disparaître. Mais nous sommes toujours là. » L’agence de voyages doit s’appuyer sur deux piliers : un physique et un digital. « Certes, leur nombre a chuté de 15 % en 20 ans mais les agences de proximité ont encore toute leur légitimité, le Covid a renforcé le contact humain, les clients savaient qu’un opérateur allait les aider à trouver une solution. »

Vous l’avez remarqué Jean-Pierre Mas ne parle pas d’agent de voyage mais bien d’opérateur de voyage, « agent, ça ramène à la vieille économie. ». Il estime qu’une agence de voyages doit renseigner ses clients, en dehors des heures de bureau, « le client exprime souvent un désir de voyage après un repas en famille ou entre amis. Alors, que fait-il ? Il va chercher sur internet ou il contacte une agence de sa ville. Il ne peut pas attendre deux jours pour obtenir une réponse. »

Jean-Pierre Mas estime qu’il faut repenser l’organisation du travail, arriver à convaincre les salariés de travailler autrement. Autre chantier sur lequel le syndicat aimerait avancer, celui de l’égalité femme-homme dans le travail. « On n’est pas loin, assure Jean-Pierre, mais aujourd’hui encore, les cadres sont majoritairement des hommes. »

Le sourire d’un enfant en Birmanie

Ce sont des moments forts et inoubliables, les meilleurs souvenirs de voyage sont ceux que les autres ne peuvent pas avoir. « Il faut apprendre à faire des pas de côté, par exemple si vous restez place Saint-Marc à Venise, vous serez noyés dans le flot de touristes. Si vous prenez deux canaux à droite et à gauche, vous allez découvrir un autre visage de la ville. »

Et que dire alors du surtourisme ? C’est un marronnier, vous répondra en souriant, le président des EdV, ajoutant que les collectivités territoriales doivent prendre leurs responsabilités. « Il ne faut pas demander aux voyageurs de tout assumer, on l’a vu dans les calanques, l’instauration de jauges fonctionne très bien. C’est à ce prix qu’on arrivera à ne pas haïr le tourisme. Ne l’oublions pas, il contribue à faire tourner l’économie locale.  »

Jean-Pierre Mas insiste sur le côté novateur, sur les chemins de traverse, « il y a un livre qui m’inspire : L’escargot entêté de Rachid Boudjedra. Non pas que je sois lent mais c’est l’image de l’escargot qui fait des cercles pour atteindre son but qui me plaît. » Les idées ne manquent pas, il verrait bien une ouverture du Louvre, la nuit, ce qui permettrait de fluidifier le trafic de visiteurs.

Profiter de la vie, souffler

Pour lutter contre le surtourisme, le professionnel verrait bien des voyages plus longs, plus denses, plus riches, histoire de ne pas prendre l’avion pour un week- end Kleenex. « Oui, vous êtes allés à Rome, vous avez vu le Colisée, la fontaine de Trevi et vous êtes repartis, ce n’est pas mon idée du voyage. C’est la rencontre avec les autres qui compte. Le voyage favorise la tolérance, l’acceptation.  »

Il n’est pas vraiment d’accord avec Jean-Marc Jancovici qui suggère de ne prendre l’avion que quatre fois dans sa vie. « On voit bien qu’il y a une évolution culturelle chez les jeunes. Ils font attention à leur bilan carbone. Mais il ne faut pas tomber dans l’intégrisme, d’ailleurs, toutes les formes d’intégrisme m’énervent ».

Jean-Pierre Mas est persuadé que le tourisme ne disparaîtra jamais. « Ce n’est pas Chat GPT ou la réalité virtuelle qui changeront la découverte physique du monde  ». Le président des EdV va changer de rythme dans les mois qui viennent, l’heure de la retraite a sonné. Il va cependant continuer à exercer ses fonctions de conseiller municipal à Aragnouet où il possède un chalet et celle d’administrateur de la SEM à Piau-Engaly, « les mains dans la neige » et garder un œil sur son agence de voyages, Voyages d’Oc à Toulouse. Il ira dormir chez l’habitant et prendre le temps de voyager, pour le plaisir.

Belle retraite !